Sommet Afrique-France : La lecture du Pr Mbacké Diagne
Chercheur à l’Ucad, Pr Mbacké Diagne a livré sa
lecture du sommet Afrique-France qui exclut cette fois-ci les chefs
d’Etats africains. Pour lui, c’est une ruse de plus pour la France pour
préserver ses intérêts en Afrique. Mais le linguiste en veut surtout aux
intellectuels africains qui ont cautionné cette mascarade. « Je pense
que certains intellectuels africains font la honte du continent. Comment
Achille Mbembe, Felwine Sarr, Souleymane Bachir Diagne et autres
peuvent accepter d’être convoqués comme ça et aller prendre la place de
nos élus même si ces derniers ne donnent pas totale satisfaction? », se
demande-t-il.
Voici in extenso son point de vue publié sur sa page facebook
Le Sommet Afrique-France. Un tort aux africains.
Le
sommet Afrique France s’est tenu cette fois ci avec une autre audience
pour créer un déclic j’allais dire une impression que la France va nous
libérer et changer les types de relation qui l’a eus avec l’Afrique.
Mais devons nous oublier que chaque pays sur cette terre ne suivra que
ses intérêts? Que dans les relations internationales aujourd’hui c’est
cette règle seule qui est universellement acceptée et que l’Afrique doit
en être consciente et travailler pour son intérêt. Et ce qu’elle doit
demander peut être pas seulement à la France mais à tout l’occident
c’est que de ne pas venir en expédition punitive une fois que les
peuples africains auront décidé de ne poursuivre que leurs propres
intérêts.
C’est
comme cela que nous devrions penser l’avenir et oublier le passé de ce
qui s’est déjà passé dans le passé. Merci quand même Monsieur Macron de
ce sommet qui est un aveu de taille que les rapports France Afrique
doivent se normaliser et s’équilibrer. Ça c’est primo et un primo
pironique. Maintenant, secondo et sérieusement c’est de l’indignation
profonde que ressens l’africain que je suis. Je veux dire au monde
entier que le plus grand manque de respect que Macron et la France ont
jamais fait a l’Afrique c’est ce sommet. Comment on peut appeler sommet
une rencontre où il n’y a qu’un président? Et je pense que certains
intellectuels africains font la honte du continent.
Comment
Achille Mbembe, Felwine Sarr, Souleymane Bachir Diagne et autres
peuvent accepter d’être convoqués comme ça et aller prendre la place de
nos élus même si ces derniers ne donnent pas totale satisfaction? J’ai
honte et Macron ne comprend pas toujours qu’il est en train de banaliser
les institutions et nos hommes d’État et de les infantiliser. Macron
est en plein dans la substitution, il s’est substitué à nos états et
s’est réuni avec des gens qu’il a fait préparer. Mais Dieu est grand tôt
ou tard il va se rendre compte que l’Afrique d’aujourd’hui pas sa
jeunesse seulement mais nous du troisième âge nous tenons à vivre une
Afrique respectée et qui se fait respecter.
Cette
maison dont a parlé Macron qu’Achille Mbembe comprenne qu’elle sera la
honte et le symbole d’une nouvelle politique assimilationniste de la
part de l’État français. Nous demandons à nos collègues Sarr, Mbembe et
Diagne de demander à leur ami Macron de s’excuser auprès de ses pairs
africains et de revenir sur cette idée de Maison civilisationniste. Non
M. Macron vous faites fausse route vous et ceux qui vous ont conseillé
ce format et cette initiative. Les problèmes de l’Afrique, personne ne
le sait mieux que nous Africains.
Et
personne d’autre ne pourra le régler de manière satisfaisante à notre
place et chacun d’entre nous dans son domaine de compétence. Ce que
juste nous demandons à l’Occident c’est de nous créer les conditions de
sérénité de paix pour refaire notre continent, de cesser de profiter de
nos faiblesses pour nous glisser des solutions qui ne sont en réalité
que des peaux de banane. Vous avez bien dit que l’Europe a pris beaucoup
de temps pour bâtir votre modèle de gouvernance, mais diantre laissez
nous construire notre modèle ou nos modèles de gouvernance adaptés à nos
réalités. A faire naître et grandir des modèles de leaders adaptés à
l’Afrique d’aujourd’hui et de demain.
S’il
y a à corriger les leaders d’aujourd’hui il nous revient de le faire.
Les leaders que vous voulez former dans votre future maison
civilisationniste peuvent ne pas être les modèles dont nous avons
besoin. Et pour le mot de la fin, la fracture que vous avez soulignée
entre les jeunesses africaines et les classes dirigeantes est un
problème complexe dont les auteurs ne sont pas que des africains ou même
que des français. La situation de handicap que vit l’Afrique est
complexe multiforme multidimensionnelle qui a trop duré et dans laquelle
tous les africains sont des victimes même les dirigeants les plus
décriés. Ce n’est pas avec un coup de baguette magique du genre que
celui que vous et vos conseillers veulent nous proposer qui va nous en
sortir. J’espère que ce long cri de cœur sera bien compris.