Au premier jour des concertations en Guinée, Mamady Doumbouya fait une mise au point
Les concertations sur la transition à venir en Guinée, qui
dureront jusqu’à vendredi, ont débuté mardi à Conakry. Lors de cette
première journée, le nouvel homme fort du pays Mamady Doumbouya a
rencontré la classe politique guinéenne et procédé à une mise au point.
Pas
d’avancée sur le contenu d’une transition censée ramener les civils à
la tête de la Guinée, mais une mise au point. Les militaires qui ont
pris le pouvoir en Guinée ont ouvert, mardi 14 septembre, quatre jours
de consultations tous azimuts. Les participants sont ressortis des
premières séances au Palais du peuple, siège du Parlement dissous à
Conakry, sans aucune précision sur l’architecture ou la durée de cette
transition.
« Le seul calendrier qui vaille est
celui du peuple guinéen qui a tant souffert », a déclaré le
lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, à la télévision nationale, seule
autorisée à filmer les rencontres à huis clos plusieurs heures
auparavant.
Cette intervention fut surtout
l’occasion pour le chef de la junte de faire une mise au point. Il a
morigéné la classe politique présente pour ce qu’il a appelé les
« erreurs du passé », incluant l’armée dans ses reproches.
« Il
y en a parmi nous dans cette salle qui étaient déjà ministres, Premiers
ministres, hauts cadres, etc, alors même que la plupart des victimes
(des violences) de ces dernières années n’étaient même pas encore nées »,
a-t-il tonné. « Nous ne tolérerons aucun calendrier, aucun agenda
politique individuel (…) Nous ne tolérerons aucun calcul politique
individuel ou partisan ».
La junte
n’acceptera non plus « aucun débordement, aucun désordre dans les
démarches », a prévenu Mamady Doumbouya qui a exprimé sa volonté d’une
démarche « inclusive ».
« Inclusion » et « rassemblement » au premier jour des concertations
Dans
une vaste salle entièrement ceinte de ses hommes cagoulés, arme
automatique en main, le commandant des forces spéciales, assis à la
tribune devant un autre rang de soldats, a écouté les interventions de
dignitaires religieux, opinant de la tête et prenant des notes, sans
engager le dialogue.
Des hommes en civil
exerçaient une surveillance resserrée sur l’assistance et sur les
téléphones portables éventuellement laissés allumés, malgré les
instructions, pour briser le huis clos.
« On est
dans un avion grand vol (long-courrier) piloté par le colonel
Doumbouya, alors il nous a demandé en tant que chefs religieux, que
pères, que vieux, ce qu’on pense qu’il (doit) faire pour la Guinée sans
dérailler (…) Nous avons promis d’aller nous concerter entre nous,
musulmans et chrétiens », pour faire des propositions aux nouvelles
autorités, a dit le grand imam de Conakry, Hadj Mamadou Saliou Camara,
une fois sorti.
Plusieurs participants ont
trouvé M. Doumbouya « rassembleur » et à l’écoute, mais ont rapporté qu’il
n’avait donné aucun détail sur la transition à venir.
« »Inclusion »,
il a beaucoup insisté sur ce mot », a souligné l’ex-Premier ministre
Sidya Touré, un des dirigeants de l’opposition à l’ex-président Alpha
Condé. M. Touré a parlé d’un « début qu’on peut accepter ».
« C’était
une prise de contact et il faut la prendre comme telle », a abondé un
ex-ministre de M. Condé, Papa Koly Kourouma, estimant que d’autres
rencontres seraient nécessaires pour aboutir à des « propositions plus
consistantes ».
Une phase cruciale
Après
les chefs de partis et les chefs religieux, vont se succéder auprès des
putschistes jusqu’à vendredi la société civile, les diplomates
étrangers, les patrons des compagnies minières et les syndicats.
Cette
phase cruciale s’ouvre dans une complète incertitude sur les plans de
la junte et sa faculté à surmonter une multitude d’obstacles majeurs,
qu’il s’agisse du délabrement du système politique, de la multiplicité
des intérêts particuliers, des possibles rancoeurs ou encore d’une
corruption réputée omniprésente.
Le
lieutenant-colonel Doumbouya n’a rien dit jusqu’ici sur le possible
contenu de cette transition, sa durée, quel rôle les militaires y
joueraient, ni comment seraient organisées des élections.