Afghanistan: les talibans prennent Kaboul, les Occidentaux sous pression
Les talibans sont entrés dimanche 15 août dans Kaboul, après une campagne militaire d’une rapidité stupéfiante. Ils se sont emparés du palais présidentiel. Le président afghan, Ashraf Ghani, a quitté le pays. Les diplomates et les autres ressortissants étrangers étaient évacués à la hâte dimanche de Kaboul.
Le
président français suit heure par heure la dégradation de la situation
en Afghanistan. Emmanuel Macron présidera lundi un Conseil de défense et
le président s’exprimera lundi soir à 20h, indique l’Élysée.
La
présidence française a indiqué que la priorité immédiate et absolue dans
les prochaines heures était la sécurité des Français qui étaient sur
place, et qui ont été appelés à quitter l’Afghanistan, ainsi que des
personnels Français et Afghans. L’objectif est de maintenir également
des capacités de protéger les Afghans qui ont travaillé pour l’armée
française, ainsi que des journalistes, des militants de droits de
l’homme, des artistes et des personnalités afghanes particulièrement
menacées.
« Face à la dégradation extrêmement rapide de la
situation sécuritaire en Afghanistan, les autorités françaises ont
décidé de relocaliser leur ambassade sur le site de l’aéroport de
Kaboul, qui reste donc en fonction et active pour procéder notamment à
l’évacuation de l’ensemble de nos compatriotes qui se trouveraient
encore dans le pays. L’ambassade et le centre de crise et de soutien du
ministère de l’Europe et des affaires étrangères sont en contact avec
les Français qui se sont signalés. Ces opérations d’évacuation
méthodique de nos ressortissants sont en cours depuis des semaines et un
vol spécial avait été affrété dès le 16 juillet dernier spécifiquement,
à la suite de nombreux appels du ministère à nos ressortissants à
quitter le pays », précise le ministère français des Affaires étrangères
dans un communiqué.
La France déploie à partir de demain un gros
porteur de transport militaire, un A400M, pour évacuer ses
ressortissants encore présents à Kaboul. Il partira lundi matin 6h TU
d’Orléans en direction de la base militaire française d’Abou Dhabi d’où
plusieurs rotations sont programmées avec Kaboul afin d’exfiltrer un
total d’environ 200 personnes, rapporte Vincent Souriau, notre envoyé
spécial à Dubaï.
Le ministre français des Affaires étrangères, a
indiqué s’être entretenu dimanche soir par téléphone avec son homologue
américain, le secrétaire d’Etat Antony Blinken, pour évoquer la «
situation dramatique » dans la capitale afghane Kaboul.
« Pleine
mobilisation pour permettre l’évacuation sûre et rapide de tous nos
ressortissants et des personnes de la société civile afghane menacées
pour leur engagement », a ajouté sur Twitter le chef de la diplomatie
française.
L’Allemagne va entamer dimanche soir l’évacuation des
membres du personnel de son ambassade à Kaboul, actuellement présents à
l’aéroport, a annoncé le ministre des Affaires étrangères. « Une partie
d’entre eux vont décoller de Kaboul plus tard dans la journée », a dit
Heiko Maas, au cours d’une conférence de presse à Berlin.
Par
ailleurs, des « avions de la Bundeswehr (l’armée allemande) partiront ce
soir d’Allemagne, pour aider à l’évacuation dans les prochains jours »,
a-t-il ajouté. Les évacuations se feront « d’abord de Kaboul vers un
pays voisin », avant « un transfert ultérieur vers l’Allemagne », a
indiqué M.Maas
Du côté britannique, face à l’avancée rapide et
inexorable des talibans, le Premier ministre Boris Johnson a convoqué
dimanche une nouvelle réunion gouvernementale de crise et va réunir
mercredi le Parlement, actuellement suspendu pour les vacances d’été.
Les Britanniques ont envoyé un renfort de 600 hommes pour aider
l’évacuation de leurs ressortissants.
La « priorité » de Londres,
a expliqué le Premier ministre Boris Johnson après la réunon de crise,
est de « remplir ses obligations vis-à-vis des ressortissants
britanniques en Afghanistan et de tous ceux qui ont contribué aux
efforts britanniques en Afghanistan depuis 20 ans ».
« La
situation reste très difficile et clairement, il y aura très
prochainement un nouveau gouvernement à Kaboul », a-t-il constaté, sur
les télévisions britanniques. « Ce que le Royaume-Uni va faire, c’est de
travailler avec nos partenaires au Conseil de sécurité de l’ONU pour
faire passer le message que nous voulons que personne ne reconnaisse les
talibans de manière unilatérale. Nous voulons une position commune
[…] afin de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter que
l’Afghanistan ne redevienne un terreau pour le terrorisme ». À l’issue
d’une première réunion de crise vendredi, Boris Johnson avait exclu en
l’état une intervention militaire, expliquant que Londres comptait «
faire pression » par la voie diplomatique.
Le chef de la
diplomatie britannique Dominic Raab a jugé sur Twitter « critique que la
communauté internationale se montre unie pour dire aux talibans que la
violence doit cesser et les droits humais doivent être protégés »,
semblant repousser les appels à l’action immédiate.
Face à la
dégradation de la situation, le président de la commission parlementaire
à la Défense Tobias Ellwood a appelé le Premier ministre à « réfléchir à
deux fois » et intervenir : « Nous pouvons renverser la situation, mais
cela demande du courage […]. Ce n’est pas parce que les Américains ne
le font pas que nous devons rester liés à ce jugement, surtout quand
ils ont tort ». « Nous devons éviter cela, sinon l’histoire nous jugera
très durement », a-t-il ajouté sur Times Radio.
Le chef de la
diplomatie américaine Antony Blinken a rejeté sur CNN dimanche 15 août
toute comparaison entre la situation à Kaboul et la chute de Saïgon au
Vietnam en 1975, réaffirmant que les États-Unis avaient « atteint les
objectifs » de la guerre en Afghanistan. « Nous sommes allés en
Afghanistan il y a 20 ans avec une mission et cette mission était de
régler le compte de ceux qui nous ont attaqués le 11-Septembre. Nous
avons accompli cette mission. » Quant au personnel de l’ambassade
américaine à Kaboul, il a été transféré en urgence vers l’aéroport de la
capitale afghane, où ont été dépêchés des milliers de soldats
américains.
L’Albanie s’est dite prête dimanche à accueillir des
centaines de réfugiés afghans, dont des femmes dirigeantes, des
fonctionnaires et d’autres personnes menacées par les talibans, alors
que les insurgés islamistes sont aux portes de Kaboul.
«
L’Albanie, membre de l’Otan est prête à assumer sa part du fardeau », a
déclaré le Premier ministre albanais Edi Rama dans une réaction publiée
dimanche sur sa page Facebook. Edi Rama a confirmé que « Washington a
déjà demandé à l’Albanie d’examiner la possibilité de servir de pays de
transit pour un certain nombre d’immigrants politiques afghans dont la
destination finale serait les États-Unis ».
Mais, bien avant la
demande des autorités américaines, M. Rama a affirmé que l’Albanie avait
reçu des appels de la part d’autres organisations internationales pour «
l’hébergement temporaire en Albanie des centaines de personnes des
milieux intellectuels et des femmes militantes afghanes figurant sur les
listes d’exécution des talibans ».
L’Otan a estimé dimanche
qu’il était « plus urgent que jamais » de trouver une solution politique
au conflit en Afghanistan. C’est ce qu’a déclaré un responsable de
l’Otan à l’AFP. « L’Otan suit constamment l’évolution de la situation en
Afghanistan », a assuré ce même responsable. « Nous aidons au maintien
du fonctionnement de l’aéroport de Kaboul afin de permettre à
l’Afghanistan de rester connecté au reste du monde. Nous maintenons
également notre présence diplomatique à Kaboul. La sécurité de notre
personnel est notre priorité absolue et nous nous adaptons aux
évolutions », a-t-il aussi indiqué.
L’Union européenne a indiqué
dimanche que l’arrivée des talibans à Kaboul avait « rendu encore plus
urgente la protection » contre de possibles représailles de son
personnel afghan, qu’elle essaye de mettre en sécurité. « La situation
est très urgente, nous la prenons très au sérieux et continuons de
travailler ensemble, avec les Etats membres de l’Union européenne, à la
mise en place de solutions rapides pour eux (le personnel afghan) et
pour leur sécurité. Nous sommes en contact étroit […] avec les Etats
membres pour maximiser les possibilités, pour nos employés locaux et
leurs personnes à charge, de déménager dans un endroit sûr », a déclaré
un porte-parole de l’UE.
La Russie ne prévoit pas d’évacuer son
ambassade à Kaboul, alors que les combattants talibans sont aux portes
de la capitale afghane, a indiqué dimanche un haut responsable russe.«
Aucune évacuation n’est prévue », a déclaré Zamir Kaboulov, l’émissaire
du Kremlin pour l’Afghanistan cité par l’agence Interfax, soulignant
être « en contact direct » avec l’ambassadeur russe à Kaboul dont les
collaborateurs continuaient à travailler dans « le calme » à
l’ambassade.
La Russie fait partie des pays ayant reçu des
garanties de la part des talibans quant à la sécurité de leurs
ambassades, a encore expliqué M. Kaboulov. « Nous avons reçu ces
garanties il y a déjà un certain temps. La Russie n’a pas été la seule à
les avoir reçues », a-t-il précisé, cité par l’agence Ria Novosti. M.
Kaboulov a également affirmé que la Russie était prête à travailler avec
un « gouvernement de transition » en Afghanistan, mais qu’elle « ne
reconnaissait pas » pour l’instant les talibans comme autorités
légitimes.
Le porte-parole de l’ambassade russe à Kaboul, Nikita
Ichtchenko, a de son côté déclaré à la télévision russe que la situation
dans la capitale afghane était « tendue », mais sans combats. « De ce
que nous savons, les parties afghanes mènent des contacts politiques.
L’ambassade n’est pas menacée et une évacuation n’est pas nécessaire »,
a-t-il dit.
En revanche, Moscou dit œuvrer pour réunir le Conseil
de sécurité de l’ONU. Compte tenu de sa proximité immédiate avec les
anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale, Moscou redoute
surtout que des terroristes profitent du chaos ambiant pour s’y
infiltrer et gagner ensuite la Russie, rappelle notre correspondant à
Moscou, Jean-Didier Revoin.
Mais pour l’instant, on ne sait pas
ce que cette réunion pourrait apporter tant l’avancée des talibans est
inexorable et difficile à contenir.