Coronavirus: pourquoi des pays très vaccinés voient-ils le nombre de malades augmenter
États-Unis, Chili, Émirats arabes
unis… Ces pays sont en avance sur la vaccination mais continuent
d’enregistrer des chiffres inquiétants sur la progression du Covid.
Malgré
tout, ça ne descend pas. Bons élèves de la vaccination contre le
coronavirus, les États-Unis, le Chili et dans une moindre mesure les
Émirats arabes unis ont un problème. Ils ont eu beau vacciner à tour de
bras depuis les premiers mois de 2021, ils font aujourd’hui face à une
augmentation du nombre de cas, à la différence d’autres premiers de la
classe comme Israël.
Comparés à la
France, qui avec 19 doses de vaccin pour 100 habitants se situe dans le
milieu de tableau mondial, ils ont pourtant pris une avance
considérable. Les États-Unis ont déjà administré 50 doses par centaine
d’habitants, le Chili 59, et les Émirats 89: des chiffres qui font rêver
ici en France, et qui pourtant n’empêchent pas les mauvaises
nouvelles.
Aux États-Unis, alors que le nombre
de cas, au plus haut début janvier, ne cessait de s’effondrer, il est
reparti légèrement à la hausse depuis la fin du mois de mars. Au Chili,
la situation est bien plus dramatique, puisque le pays vient
d’enregistrer un nouveau record d’infections au début du mois, avec une
troisième vague qui rappelle de façon frappante la situation hexagonale.
Aux Émirats, le nombre de personnes touchées ne baisse pas, malgré une
campagne de vaccination particulièrement agressive. Faut-il voir dans
ces cas un mauvais présage? Commençons par la bonne nouvelle.
Aux États-Unis, plus de jeunes se déclarent malades
Le
covid rajeunit, et c’est une bonne chose. Cela peut sembler
contradictoire, mais aux États-Unis en particulier, l’augmentation des
chiffres est largement due aux plus jeunes: les adolescents, à la
différence de 2020, sont désormais la classe d’âge où le virus augmente,
alors que près d’un adulte sur deux est vacciné, faisant de fait une
barrière à l’infection. Ce phénomène, ajouté à l’omniprésence d’un
variant britannique plus contagieux, change la démographie du virus.
Pour
les épidémiologistes américains, c’est plutôt rassurant. Comme l’a
expliqué à la chaîne américaine NBC News le docteur Frederick Davis, les
cas reportés sont en immense majorité sans gravité, avec des
hospitalisations parfois, mais plus rarement qu’avant. C’est la
conséquence de ce déplacement des infections, dû au fait que la
vaccination fonctionne.
Le CDC américain le
confirme: aujourd’hui dans les services d’urgences américains, il y a
plus de 25-49 ans que de 65 ans et plus. Malgré tout avec plus de 55.000
cas par jour, le rajeunissement est loin d’être suffisant pour
expliquer cette remontée. Certes, les malades changent, mais pourquoi
sont-ils également plus nombreux? C’est là que les mauvaises nouvelles
commencent.
Le grand relâchement
Aux
États-Unis comme au Chili et aux Émirats arabes unis, le problème
central est en réalité le pendant négatif de campagnes de vaccination
menées tambour battant: la population relâche ses efforts pour respecter
les gestes barrière et la distanciation sociale, parfois avec le
soutien des pouvoirs publics qui ont arrêté trop tôt les restrictions de
déplacements, de rassemblements et d’ouvertures de commerces.
Le
cas du Chili est sur ce plan particulièrement parlant. Le pays
enregistre près de 7.000 contaminations par jour malgré un impeccable
bilan du nombre de vaccinations: 7,1 millions de personnes ont reçu au
moins une dose de vaccin dans ce pays de 19 millions d’habitants. Mais
comme l’a expliqué le président de l’association des médecins chiliens
au New York Times, ces bons chiffres ont donné aux Chiliens, exténués
par la pandémie, “un sentiment trompeur de sécurité”.
Le
gouvernement chilien aurait aussi contribué à cette remontée, en
abandonnant dès que possible les restrictions pesant sur l’activité
commerciale. Pour permettre aux Chiliens de partir en vacances, un
permis de déplacement interrégional a également été créé dès le mois de
janvier, alors que la vaccination n’en était qu’à ses débuts.
Résultat:
ce que beaucoup voient comme une “course contre la montre” entre
vaccination et relâchement des mesures barrière tourne à l’avantage de
la maladie. Une étude de l’université d’York, dans l’Ontario, a
justement cherché en janvier 2021 à quantifier dans quelles conditions
la vaccination pourrait “prendre de vitesse” le nombre de
contaminations, et éviter ainsi un scénario à la chilienne.
Les
conclusions sont très claires: sans des mesures de contrôles prises
tout au long de la campagne vaccinale, le nombre de contaminations ne
risque pas de baisser, mais au contraire d’augmenter. C’est aussi un
problème pour les Émirats arabes unis, très dépendant de leurs activités
commerciales, qui connaissent une remontée similaire à celle vécue par
les États-Unis après une réouverture partielle de leurs commerces, en
particulier à Dubaï.
L’efficacité vaccinale en question L’autre
variable, en plus des restrictions pour diminuer les contacts, c’est
bien sûr l’efficacité vaccinale. Les auteurs de l’étude estiment qu’avec
un vaccin efficace à 70%, une augmentation significative du nombre de
contacts dans la population ne risque pas de faire décoller outre mesure
le nombre de cas. En dessous, le problème est tout autre. Et là encore,
le Chili fait plutôt figure de contre-exemple.
Le
pays, financé en grande partie par le fonds d’aide internationale
Covax, s’est largement appuyé sur le vaccin du laboratoire chinois
Sinovac pour mettre en œuvre sa campagne éclair de vaccination. Fort de
ses millions d’habitants vaccinés, le pays vient justement de produire
une étude de grande ampleur sur l’efficacité de ce dernier face au
Covid, et les chiffres ne sont pas bons, sans être catastrophiques.
Le
vaccin Sinovac, indique l’Université du Chili, est efficace à 54,4%
contre le coronavirus deux semaines après avoir reçu la seconde dose, et
27,7% après une dose seulement. C’est certes au-delà du seuil des 50%
nécessaire pour que le vaccin soit jugé suffisamment efficace par les
autorités sanitaires, mais c’est considérablement en dessous de Pfizer,
Moderna, ou Astrazeneca. Mais il y a pire.
Avec
à peine plus de 50% d’efficacité, le vaccin Sinovac au Chili pourrait
avoir contribué aux mauvais chiffres de contamination, dans un scénario
décrit avec précision par l’étude canadienne: “une vaccination de masse
avec des vaccins d’une faible efficacité va toujours augmenter le taux
de reproduction de la maladie, même si les efforts de quarantaine des
non-vaccinés sont élevés”. Concrètement, les personnes vaccinées
relâchent leurs précautions, alors que leur immunité n’est pas totale.
Et le virus, qui circulait beaucoup dans le pays au début de la campagne
vaccinale, continue ses ravages, sans qu’une immunité collective ne
vienne le stopper.