Yakham Mbaye écrit à Macky Sall : « Lettre d’un militant à un porteur d’optimisme »
Il faudrait
peut-être que le Président de la République se résolve à ligoter et
bâillonner Yakham Mbaye pour l’empêcher par la parole et l’écrit de
monter au front pour le défendre ou mettre en lumière les actes forts
que pose le leader de l’Alliance pour la République. Malade depuis près
d’une année, ce qu’il n’a pas laissé entrevoir lors de ses multiples
prestations médiatiques, et après plusieurs hospitalisations à Dakar,
Macky Sall s’est résolu à faire évacuer le Directeur général du
quotidien gouvernemental « Le Soleil », en France, pour l’y faire
hospitaliser. Mais, rien n’y fait. Même dans ces conditions, à des
milliers de kilomètres du Sénégal, Yakham Mbaye trouve des forces pour
suivre le discours à la Nation de son mentor, avant de se pencher sur
son clavier pour lui adresser une très longue lettre, c’est son style,
qui révèle une nouvelle facette de ce combattant atypique. Seneweb vous
livre en exclusivité le contenu de ce document.
« On ne conduit le peuple qu’en lui montrant un avenir : un chef est un marchand d’espérance ».Napoléon Bonaparte
Éloigné
du pays, malgré moi, et surtout de ce que j’affectionne le plus : le
champ de la démocratie où se confrontent convictions et concepts pour y
bretter avec ceux qui vous portent contradiction – une absence qui me
pèse plus que ce qui y a concouru – par la grâce et la magie des NTIC,
samedi dernier, je vous ai regardé, je vous ai écouté et j’ai essayé de
prendre la mesure de vous entendre. Puis, ce lundi, m’a pris un
irrépressible besoin de rompre mon monologue et de vous exprimer, tout
en la partageant, l’impression que vous m’avez laissée. Cela, je
l’avoue, en dépit de l’injonction que vous m’avez fait de me retirer des
fronts pour me ménager.
Seulement,
j’ose croire que vous pardonnerez l’acte que je vais poser, assimilable
à une « désobéissance », en comprenant mon inféodation à une posture
faite religion : les situations conjoncturelles particulières et/ou
handicapantes auxquelles peut être confronté un militant engagé ne
peuvent et ne doivent le dispenser de se battre pour votre juste gloire,
en toutes circonstances, avec tous les moyens nécessaires et légaux. En
ce qui me concerne, ces moyens sont trois attributs par la grâce de
Dieu et sont toujours opérationnels : ma langue et mes mains pour
exprimer mon verbe et mes écrits, et ma tête pour les affûter.
Cette
posture indiquée est caractérisée autrement par la formule de Babacar
Justin Ndiaye : « Un régime auquel on appartient, on le défend avec
ferveur ou on le quitte avec grandeur ».
Donc,
à l’issue de votre adresse à la Nation sénégalaise, ma conviction fut
faite : c’est par la force de l’empathie que vous vous êtes adressé à
votre peuple dont une partie, infime soit-elle si elle est rapportée à
la majorité qui vous a brillamment élu et réélu, mais non moins
négligeable, a exprimé, début mars dernier, sa fureur née
d’insoutenables difficultés quotidiennes qui la tenaillent.
Votre
posture s’explique, à mon avis, par le fait que vous avez compris qu’il
est arrivé le temps de l’ajustement et du réajustement, après cette
secousse alarmante. Et l’écoute et la compréhension dont vous avez fait
preuve à l’endroit des vôtres ont été mises en exergue dans votre
adresse du 08 mars 2021.
Contrairement
à ces chefs emmurés dans le huis clos réfrigérant de leur pouvoir,
espace lugubre du fait des jeux, trafics et intrigues de courtisans qui
les rendent sourds aux fureurs qui grondent et secouent l’alentour, vous
avez prêté une oreille attentive à vos concitoyens. Cette aptitude
n’est assurément pas celle d’un dictateur ; que le terme soit compris
selon sa vieille définition d’un magistrat nommé et détenteur des pleins
pouvoirs en temps de crise dans la Rome antique ou, au sens actuel, par
le fait d’un gouvernant qui maintient son peuple sous le joug à l’image
de Anastasio Somoza, au Nicaragua, ou Antonio Noriega, au Panama.
Sans
doute, avant le 08 mars, alors que d’un peu partout des cris d’orfraie
vous pressaient de parler, sans parvenir à vous départir de votre
stoïcité, vous aviez fait vôtre le propos du célèbre communicateur
traditionnel et écrivain malien, Massa Makan Diabaté : « La parole d’un
chef, c’est comme l’eau versée, elle ne se ramasse pas ». Et au moment
opportun, vos paroles ont laissé voir votre grande capacité à vous
saisir rapidement des enjeux du moment et à leur apporter des réponses
rapides et précises. « Je vous ai compris », aviez-vous alors dit à ceux,
en particulier ces jeunes, qui avaient déversé le trop-plein de leur
amertume dans des artères de la capitale et de contrées du Pays réel.
Vous
avez compris que la jacquerie urbaine d’une partie des jeunes, cette
frange majoritaire de notre population qui souffre d’un quotidien sans
relief, n’appelait pas un doigt accusateur et inquisiteur, mais un
esprit ouvert et une volonté réelle d’apporter des réponses concrètes à
leurs interrogations. En annonçant un programme spécial doté de 350
milliards de francs CFA et destiné à l’emploi et à l’employabilité des
jeunes, vous ouvriez la porte de l’espoir.
Aujourd’hui,
moins d’un mois plus tard, vous administrez un cinglant démenti à ceux
qui ont tenté de faire croire que votre « Je vous ai compris » n’était
qu’une entourloupe qui connaitrait le sort polémique et les accusations
infamantes réservées dans les livres d’Histoire à la même formule
prononcée il y a 63 ans, le 04 juin 1958, à Alger, par « le plus illustre
des Français ».
Soucieux
de tenir votre parole et d’apporter une réponse robuste aux attentes
des Sénégalais insatisfaits, vous avez été plus généreux que lors de
votre première annonce. Ce seront finalement 450 milliards de francs
CFA, au moins, mobilisés sur trois ans (c’est 136 % du budget national
2021 d’un pays africain comme la Centrafrique : 330 milliards de francs
CFA !). Et dès cette année, 150 milliards de francs CFA iront au
financement du Programme d’urgence pour l’emploi et l’insertion
socioéconomique des jeunes.
Assurément,
vos contempteurs n’auront pas le temps d’émettre leurs sempiternelles
interrogations dubitatives qui leur servent de fertilisants pour les
champs où ils sèment le pessimisme et le désœuvrement dans l’espoir
d’entretenir des troupes de Sénégalo-sceptiques nécessaires à la
réussite de leurs futures funestes entreprises. C’est peine perdue !
Assurément,
les futurs bénéficiaires de vos annonces, partie de ceux qui ont
exprimé leur fureur, ne subiront pas l’épreuve d’une longue attente pour
voir se concrétiser ce programme, important outil d’inclusion sociale,
puisque dans moins de trois semaines, le 22 avril 2021, à l’issue d’un
Conseil présidentiel sous votre houlette, vous signerez son acte de
naissance qui lancera sa mise en œuvre immédiate. Le recrutement, dès le
mois de mai prochain, de 65 000 jeunes sur l’ensemble du territoire
sénégalais, n’est-il pas le meilleur des gages de bonne volonté ?
Avec
ces paroles optimistes porteuses d’actes d’espoir, vous faites honneur à
ce qui apparaît comme votre marque de fabrique : un homme concret, imbu
de mesure et de compromis.
Dès
votre élection, vous avez amorcé votre magistère à la tête de l’État du
Sénégal par un projet national fort et mobilisateur, un projet de
promotion sociale collective qui se renforce et se réajuste au fil du
temps. Il vise l’objectif maintes fois clamé de permettre à chaque
Sénégalais de se dire : « Tout est possible, je peux avoir un avenir pour
moi et pour mes enfants ».
C’est
tout le sens de votre vision d' »Un Sénégal pour tous, par tous » par un
développement inclusif et solidaire qui ne laissera personne sur le bord
de la route.
Vous
vous êtes engagé devant les Sénégalais à continuer de répondre aux
besoins d’accès aux infrastructures, à l’eau, à l’électricité, à
l’éducation, aux soins de santé, au logement, à l’emploi et aux
activités génératrices de revenus. Cette fibre sociale – socialiste,
diraient nombre de nos alliés de la mouvance présidentielle – qui vibre
en vous et n’a jamais faibli depuis votre accession au pouvoir, a un
horizon clair : la protection sociale pour tous. De nombreux programmes,
comme la Couverture maladie universelle, la Bourse de sécurité
familiale, le Pudc, la Der et tant d’autres, sont en passe de corriger
les inégalités sociales et de ressusciter nos liens de solidarité
malmenés par les rigueurs du temps.
Je
peux attester, pour avoir eu l’honneur et le privilège d’être à vos
côtés de 2009 à 2012 pour vous voir inspecter des étendues peuplés de
Sénégalais, qui vont de la Diaspora aux coins les plus reculés du pays
en passant par ses zones urbaines, que vous avez « Le Sénégal au cœur ».
C’est ce qui fonde votre connaissance de la terre qui vous a vu naître
et vous permet de dérouler vos politiques d’équité territoriale et de
justice sociale. Oui, comme vous l’avez relevé dans votre adresse du 03
avril, le Sénégal c’est aussi Ngayenne Sabakh, Darou Ndiaye, Thioubalel
Nabadji, Toumania, Nouma, Barocuonda, Madina Wandifa, Djinany,
Diembéring et tant d’autres localités bénéficiaires des politiques
d’équité territoriale et de justice sociale. Nous le ferons à Boli Ndaw,
à Fafacourou, Darou Ndiaye, Diallocounda, Diakhaling, Sinthiou Amadou
Salam, Bokiladji, Brin, Bassoul, Keur Dabo. Tous ces villages dont
certains, malgré leur petite taille et leur éloignement, n’en demeurent
pas moins parties intégrantes du pays et méritent, à ce titre que l’on
prennent soin de leurs populations.
Au
lieu de geindre et de faire entendre aux Sénégalais un concert de
jérémiades en arguant que le pays souffre de plusieurs décennies – pour
ne pas dire depuis l’époque coloniale – de non investissement dans le
secteur plus que vital de l’accès à l’eau potable, et ainsi se décharger
sur vos prédécesseurs, vous avez agi en homme d’État : assumer et
endosser le principe de continuité, certes ingrat. Et pour corriger cet
état de fait et rattraper le temps perdu, vous avez consenti des efforts
financiers monumentaux.
Aujourd’hui,
les populations des régions de Dakar, de Thiès et d’autres localités
avoisinantes, qui paient un lourd tribut à la quête de l’eau potable,
vont pousser, dès le mois prochain, un ouf de soulagement : la mise en
service de la troisième usine de Keur Momar Sarr (KMS3) va leur fournir,
dès sa première phase, 100 000 m3 d’eau potable et faire du manque du
liquide précieux un mauvais souvenir.
La
vie d’une Nation étant faite de soubresauts, de compromis et surtout de
consensus forts, vous avez raison de dire que la cause qui doit nous
mobiliser est certainement une commune volonté de vivre ensemble. Un
appel qui vient à son heure, car depuis quelques temps, malheureusement,
les préoccupations dans notre pays ont dégringolé de quelques paliers.
La bagatelle est en passe de devenir l’alpha et l’oméga dans notre
société. Le discours communautariste et particulariste est en train de
s’y développer dangereusement. Le bon sens, cependant, nous enjoint –
les responsabilités sont partagées – de nous accrocher avec l’énergie du
désespoir au legs des Anciens. Car porter un tel discours, c’est comme
vouloir partager sa pitance avec une meute d’hyènes en croyant naïvement
qu’on en sortira indemne.
Au
fil des siècles, les dissensions ethniques, religieuses, raciales,
idéologiques ont semé la désolation et la terreur un peu partout dans le
monde. Avant-hier, après le génocide du peuple arménien, à l’aube du
Troisième Reich, lorsque Baldur Von Schirach, leader des Jeunesses
Hitlériennes, pris par un délire obsessionnel provoqué par sa haine
viscérale des Juifs, joignant le geste à la parole, a clamé : « Quand
j’entends le mot culture, je dégaine mon revolver », les démocrates et
républicains ont souri et dit tout le mépris qu’ils vouaient à ces
Nazis, des comédiens à leurs yeux. Lui emboîtant le pas, Joseph
Goebbels, Ministre de la Propagande, initia sur tout l’étendue du
territoire allemand des autodafés : toutes les œuvres écrites et
musicales de Juifs Allemands étaient brûlées dans d’énormes buchers. Là
encore, les démocrates et républicains ricanèrent. Moins de dix ans
après, nombre d’hommes de culture qui n’avaient pas pu s’échapper
d’Allemagne reçurent une balle de revolver dans la tête, le reste mourut
dans les camps de concentration ; parallèlement, à la place des livres
que les Nazis brûlaient, ce sont six millions de Juifs qui périrent dans
des fours crématoires. Et avant qu’on ne stoppât la folie hitlérienne
qui déclencha la Troisième Guerre Mondiale, cinquante millions d’humains
étaient morts.
Hier, c’était le génocide rwandais, encore frais dans nos mémoires.
Avant
de plonger l’humanité dans un Capharnaüm et de déclencher une sorte
d’Armageddon, toutes ces calamités ont débuté par de simples et banales
petites phrases haineuses.
Alors,
tous, nous devons apprécier à sa juste valeur votre invite à « préserver
cet art de vivre bien sénégalais », car dans ce pays, « il ne saurait y
avoir de place pour le particularisme quel qu’il soit ». Encore moins une
atteinte aux Institutions, à l’État, à l’État de droit et à la
République.
Maintenant,
ceux-là qui sont tentés de jouer au « nouveau monde », celui de la
transgression, du saccage des symboles et de la remise en cause
systématique, en négligeant les vertus enseignées par les Anciens, il
est important de rappeler une vérité implacable : les tentatives
désordonnées de rattrapage ont toujours l’effet des sables mouvants,
ceux qui restent immobiles s’enfoncent, ceux qui bougent s’enfoncent
aussi.
Votre
adresse à la Nation du 03 avril est assurément une parole de
redressement social, patriotique, économique et moral. Vos belles
annonces sur un ton qui apaise transpercent, fissurent et vont,
indubitablement, disloquer ce rideau de fer noir qui s’est abattu, tel
le couperet d’une guillotine, sur le quotidien de millions de
« goorgoorlu » avec la survenue de la pandémie de la Covid-19 et son
cortège de malheurs.
Vous avez donc été un porteur d’optimisme pour vos compatriotes.
Dieu fasse, dans Sa Miséricorde infinie, que vous ayez les moyens de concrétiser tous vos projets pour le Sénégal.
Yakham MBAYEMilitant de l’Alliance pour la République.