Le pneumologue Pape Samba Agne : « Le thiouraye, partie intégrante de la pollution domiciliaire’’
Le thiouraye, encens mêlé à du parfum que les femmes sénégalaises utilisent pour la désodorisation des habitations, fait partie intégrante de « la pollution intradomiciliaire », qui n’est pas sans conséquences sur la santé, souligne le médecin pneumologue allergologue et urgentiste, Pape Samba Agne.
« D’une manière
générale, le Thiouraye est fait de matières végétales et de produits
chimiques divers, surtout des parfums. Le mélange est gardé dans des
pots hermétiques pendant des périodes plus ou moins longues. C’est ce
produit fini qui est mis dans une braise. Il dégage de la fumée pour
donner une odeur agréable’’, avance-t-il dans un entretien avec l’APS.
« Parfois,
on ouvre seulement le pot de thiouraye pour qu’il dégage cette odeur
sans combustion. Ces produits végétaux et chimiques sont des composés
organiques volatils (particules organiques qui sont dans l’atmosphère)
et sont à l’origine d’une pollution intradomiciliaire », ajoute docteur
Agne.
Selon ce médecin en service au Centre hospitalier national
universitaire (CHNU) de Fann, ces composés organiques volatils (COV)
sont constitués d’irritants pour les muqueuses exposées (œil, nez et
bronches) et de stimulants pour le système immunitaire.
Par
conséquent, « ils peuvent conduire à des réactions d’irritation comme des
yeux qui piquent, des éternuements, des toux et même des difficultés
respiratoires et peuvent aussi provoquer ou entretenir des réactions
allergiques », indique l’allergologue.
« Les désordres
respiratoires dans la poitrine, en fait de la toux et de l’asthme, sont
certainement plus graves que les gênes dans les yeux et le nez.
Pourtant, la plupart des utilisateurs d’encens sont plus conscients de
la gêne dans les yeux et le nez que celle dans la poitrine », observe le
médecin sénégalais.
Il souligne par ailleurs que certaines
personnes réalisent une combustion de l’encens enveloppé dans du papier
aluminium pour diffuser l’odeur de l’encens sans la fumée. Mais ces
personnes diffusent toujours des composés organiques volatils parce que
« contrairement à ce que beaucoup pensent, ces COV ne proviennent pas de
la fumée de l’encens, mais de l’encens lui-même ».
Le pneumologue
rappelle que ces particules rendent plus difficiles les traitements
pour les personnes déjà atteintes de maladies respiratoires comme
l’asthme, « la première chose à faire dans ce cas, c’est d’éliminer tout
ça de son environnement pour que le traitement soit plus efficace »,
conseille-t-il.
Interpellé sur la différence qu’il pourrait y
avoir entre un consommateur de cigarette et un utilisateur d’encens,
Pape Samba Agne souligne que dans la cigarette, il y a près de 4000
composés différents dont certains sont cancérigènes.
Pour
l’encens, c’est relativement contesté. Il précise que « ce n’est pas
établi avec certitude que l’encens est cancérigène mais il est certain
que l’encens contient des produits potentiellement cancérigènes ».
Docteur
Agne note par ailleurs que la fumée de tabac entraine la BPCO
(Broncho-pneumopathie chronique obstructive), autrement qualifiée de
« maladie du fumeur ».
Or, « aujourd’hui on trouve au Sénégal de
plus en plus de femmes qui ont une BPCO sans avoir fumé. L’encens n’est
pas à exclure comme l’une des causes. En réalité, la BPCO n’est pas une
maladie des fumeurs, c’est une maladie liée à l’exposition à des
fumées », constate le pneumologue.