Aliou Dembourou Sow : «Je ne regrette pas mes propos»
Dans une vidéo partagée dans les réseaux sociaux, le député de Ranérou, Aliou Dembourou Sow soutient, en langue Peul, qu’il est hors de question que le Président Macky Sall ne fasse pas un troisième mandat, quitte à prendre les armes. Des propos qui ont créé une vive polémique et poussé des organisations de la société civile, comme Frapp-France-dégage, à brandir une plainte contre le parlementaire qui, dans cet entretien accordé à L’Observateur, maintient non seulement ses propos, mais promet de les répéter
Honorable,
on vous a vu dans une vidéo déclarer que le Président Macky Sall aura
un troisième mandat, quitte à prendre les armes. Maintenez-vous cette
déclaration ?
On ne peut pas juger mes propos, si on n’est pas du Fouta ou du
Ferlo. Depuis que le Président Macky Sall a créé l’Alliance pour la
République, nous avons l’habitude, dans le Ferlo, d’utiliser le terme
arme pour désigner la carte électeur. Parfois, nous utilisons les mots :
bâton, coupe-coupe ou même de balle. C’est un effet de langage. Je
m’exprimais en Peul et puisque les non-initiés ne comprennent pas
l’effet de langage que j’ai utilisé, ils ont pensé que je faisais
référence aux armes, à la violence.
Tous ces gens-là qui s’agitent à gauche et à droite feraient mieux
d’aller demander aux politiciens du Ferlo et du Fouta l’exacte
traduction de mon propos. Mais ils sont aussi libres de l’interpréter.
On est en politique, c’est dans leur droit. Mais qu’ils ne me fassent
pas un procès en traduisant littéralement mon propos. Et Pourtant, ceux
qui s’indignent de mes propos font pire dans leurs déclarations. On
entend tous les jours, des gens dire qu’ils vont aller au Palais déloger
le président de la République, parce qu’il n’aurait pas droit à un
troisième mandat.
Moi qui crois le contraire, je dis, comme la loi lui permet d’avoir
un troisième mandat, nous allons sortir nos armes qui, encore une fois,
désignent dans notre code de langage, nos cartes électeurs, pour le
maintenir au pouvoir. Qui me connaît, sait que je suis contre toutes
sortes de violences. Ce sont des gens tapis dans l’ombre, à la recherche
de buzz et contre la candidature du Président Macky Sall, qui sont
derrière la publication de cette vidéo. Ils essaient de semer le trouble
dans la tête des Sénégalais. Je ne suis pas du genre à attiser le feu.
Je ne vais pas entrer dans leur jeu. Je me suis exprimé en Peulh et ceux
qui comprennent cette langue savent qu’il est riche en subtilités
langagières.
Dans quel contexte avez-vous fait cette déclaration ?
J’étais parti à la rencontre d’éleveurs qui voulaient adhérer à la
Convergence des éleveurs républicains afin de soutenir le Président
Macky Sall dans sa politique. Ils m’ont demandé si le Président Sall a
droit à un troisième mandat. Je leur ai dit : ‘’Attendons la validation
de sa candidature par le Conseil constitutionnel pour sortir nos armes.
Donc, c’est un faux débat de dire que j’ai déclaré que nous allons
maintenir le Président Sall par la violence. Tous ceux qui soutiennent
cela ignorent, soit la langue Peulh, soit la subtilité utilisée. Ils ont
sorti mes propos de leur contexte. J’ai obtenu deux mandats de député à
Ranérou et je n’ai jamais usé de violence.
Regrettez-vous d’avoir tenu ces propos ?
Je ne regrette pas mes propos. Parce rien n’est grave de tout ce que
j’ai dit. J’assume l’entièreté de mes propos. Les gens qui me
connaissent, savent que je ne recule pas, a fortiori quand je n’ai rien
fait ou dit de grave. Je n’ai pas de temps pour certains détails. Je
crois en Macky Sall et je suis prêt, comme depuis le premier jour de mon
adhésion à l’Apr, pour investir toute mon énergie dans ce parti. C’est
la raison pour laquelle, je suis tout le temps sur le terrain, à la
rencontre des gens qui sont prêts à soutenir le Président. Les mandats
et autres titres ne m’intéressent pas, c’est Macky Sall qui m’intéresse.
Ce combat contre ma personne ne mènera nulle part.
Des organisations de la société civile comptent déposer une plainte contre vous. Etes-vous prêt à répondre à la Justice ?
Je reste à l’écoute de ce qui se trame. Je suis un député et je ne
pense qu’on puisse m’attraire en justice pour ces propos-là. A moins
qu’on puisse me tirer par le boubou pour m’obliger d’aller répondre.
Ceux qui disent qu’ils vont porter plainte contre moi sont à la
recherche de buzz. Ils veulent juste se faire entendre.
Avez-vous reçu des soutiens au sein de votre parti ?
Seul le soutien de Macky Sall est important à mes yeux. Si vous
parlez de l’Apr, les responsables du parti ont bien écouté mes propos et
ils vont bientôt réagir pour faire comprendre aux gens ce qui s’est
réellement passé, l’exacte traduction de mes propos. Des responsables du
parti m’ont appelé et c’est normal, parce que je suis membre du
Secrétariat exécutif national de l’Apr. Ils sont dans leur droit de
m’interroger sur les faits. Sinon, je ne réclame aucun soutien.
Ne craignez-vous pas pour votre avenir politique ?
Ce ne sont pas ces propos que j’ai tenus qui vont entacher ma
carrière politique, parce que je les tiendrai encore. Les plaintes qui
sont annoncées contre le Président Macky Sall, ce sont ces mêmes
plaintes qu’ils annoncent contre moi. Ils sont sans objet. Je suis un
politicien et je sais me battre. Je suis passé par l’Ujtl (Union des
jeunesses travaillistes et libérales, Ndrl). J’ai fait
deux mandats de député et je suis président de département et je fais
partie des 52 membres du Secrétariat exécutif national de l’Alliance
pour la République. Je ne suis pas arrivé là pour rien.
Si on vous donnait l’occasion de vous rectifier, allez-vous tenir les mêmes propos ?
Si c’était refaire, je referai la même chose. Je répéterai les mêmes
propos, même devant l’Assemblée nationale. Je vous les ai confirmés et
je les confirmerai ailleurs. Je pense que le mot «coupe-coupe» fait peur
à ces gens, mais en Peul, il peut aussi signifier autre chose. Tout est
question de langage. Avant de s’émouvoir, il faut comprendre.
JULES SOULEYMANE NDIAYE