Justice : Le Président de la Cour suprême tape sur la table…
Dans un communiqué rendu public ce mercredi 7 octobre 2020, le Premier président de la Cour suprême, Cheikh Tidiane Coulibaly, a rappelé à l’ordre les magistrats, mais à fait comprendre à l’exécutif qu’il ne doit pas dépasser ses prérogatives.
« Depuis
quelques temps, la Justice est attaquée de toute part, y compris par
ceux qui l’animent. Cela reflète un sentiment inhabituel de malaise qui
peut porter atteinte au crédit de la justice, à son indépendance et à
remettre en cause le principe de la séparation des pouvoirs. Je voudrais
en appeler à la responsabilité de tous les acteurs du système
judiciaire et en particulier, à celle de tous les magistrats du siège et
du parquet. Les magistrats, comme le disait Montesquieu, incarnent la «
puissance de juger ». Et c’est pour cela, quel que soit leur rang ou
grade, leur position ou privilège, ils sont soumis à une discipline et
doivent avoir en bandoulière leur serment, et être astreints à la
réserve qu’exige la dignité de la fonction », a dit le Premier président
de la Cour suprême, ce mercredi 7 octobre 2020.
Dans un communiqué, note qu’«il n’est pas tolérable que par leurs
comportements, les magistrats, eux-mêmes, contribuent à semer le doute
sur la crédibilité de l’Institution judiciaire de nature à remettre en
cause leur propre indépendance et celle de la justice».
Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly n’a pas manqué de rappeler que «dans un système de séparation des pouvoirs, reconnaître les attributs de chaque pouvoir est un gage de confiance des citoyens ».
« Autant je m’emploierai à protéger le pouvoir judiciaire contre toute
atteinte pouvant remettre en cause son indépendance et la dignité de
ses membres, j’exigerai autant de la part des magistrats un comportement
exemplaire. Le pouvoir de discipline du Conseil que j’ai l’honneur de
présider est exercé exclusivement par le Conseil supérieur de la
magistrature (Csm), composé uniquement de mes paires. Le Ministre de la
justice, ne dispose d’aucun pouvoir disciplinaire, même à l’égard des
magistrats du parquet et ne peut que dénoncer au Csm les faits motivant
les poursuites disciplinaires (voir les articles 11 à 18 de la Loi
organique n°2017 -11 du 17 janvier 2017 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature)», fait-il
remarquer.
Il
fait remarquer que le ministre de la Justice ne dispose pas de pouvoir
pour décider du sort d’un magistrat qui est traduit devant le tribunal
de ses pairs» et note que « par le passé, des collègues qui ont
été traduits devant cette instance sur dénonciation du garde des sceaux,
ont pu être relevés des poursuites ».
Cheikh Tidiane Coulibaly tient à faire comprendre que « la
Constitution de la République du Sénégal consacre le principe de la
séparation des pouvoirs, par un système de collaboration des pouvoirs.
Et c’est ce système qui donne la possibilité à l’exécutif de prendre des
mesures qui concernent le fonctionnement du pouvoir judiciaire; mais
cela ne doit pas être un moyen pour celui-ci de porter atteinte aux
principes constitutionnels régissant l’organisation et le bon
fonctionnement de la justice (indépendance de la justice, inamovibilité
des magistrats du siège) ».
Il
invite ainsi ses collègues au respect des principes. « Seul le respect
de ces principes, permet aux magistrats d’être les gardiens des droits
et libertés définis par la Constitution et la loi. Il appartient, à
l’autorité exécutive, garante du bon fonctionnement de toutes les
institutions, de les respecter et de les faire respecter, en tout temps
et en tout lieu. Il faut éviter de faire de la magistrature un enjeu
politique. La figure du juge peut changer, comme la justice peut être
marquée par des périodes d’incertitudes, mais aucun de nous n’a intérêt à
fragiliser cette institution, sans laquelle, aucune République n’a de
vertu et n’est viable ».