Maroc : un migrant camerounais tué après la découverte par la police d’un campement dans la forêt

Maroc : un migrant camerounais tué après la découverte par la police d’un campement dans la forêt

Le vendredi 31 juillet, alors que de nombreux Marocains célébraient la fête musulmane de l’Aïd el-Kebir, un migrant camerounais a été tué après que la police a découvert un camp illégal dans la forêt au nord de Tanger. Les autorités ont ouvert une enquête sur les circonstances de sa mort. Treize autres migrants ont été arrêtés après avoir accompagné le défunt à l’hôpital.

Les vidéos d’un groupe de migrants subsahariens transportant le corps d’un des leurs sur une civière de fortune fabriquée à partir de branchages sont devenues virales sur les réseaux sociaux marocains pendant le week-end de l’Aïd el-Kebir (appelé Tabaski en Afrique centrale). L’homme dont le corps peut être vu sur l’une des vidéos était un Camerounais prénommé Félix. Il faisait parti d’un groupe de migrants qui espéraient voyager vers l’Europe.


Selon les autorités marocaines, ce sont des officiers des Forces auxilliaires, une force militaire d’appui, qui ont découvert un campement de migrants dans la forêt alors qu’ils menaient une opération en réponse à une alerte incendie près des jardins de Donabo à l’ouest de Tanger.

« Ils ont pris nos chaussures et ont tout confisqué »Joseph (le nom a été changé), un autre migrant camerounais, vit au Maroc depuis plus d’un an et demi. Il a rencontré Félix à Tanger. Tous deux, ils appartenaient à une communauté composée d’autres migrants camerounais. Ils se cachaient sur la rive du détroit de Gibraltar, à moins de 25 km de la côte espagnole lorsqu’ils ont été repérés par la police.

Nous étions au bord de l’eau, dans la forêt où nous nous cachions. Les policiers menaient des fouilles dans la forêt et nous ont trouvés. Nous n’avons fait aucun bruit. Ils nous ont dit de nous calmer et de sortir de la forêt. Ils ont enlevé nos chaussures et nous ont fait sortir. Puis ils ont commencé à confisquer tout ce que nous avions. Ils ont tout pris. Ils ont commencé à regarder dans nos téléphones et nous leur avons dit : “s’il vous plaît, laissez-nous au moins nos téléphones pour que nous puissions appeler nos familles. La seule chose que nous avons, ce sont nos téléphones. Vous avez tout pris, au moins laissez-nous ça”. Ils ont dit “non”.

Nous nous sommes agenouillés. Ils ont dit qu’ils allaient tout prendre et nous avons résisté. lls nous ont frappés avec des couteaux. Nous avons réussi à les repousser avec des pagaies de bateau. Puis nous avons commencé à courir dans des directions différentes. J’étais à bout de souffle et j’avais très peur qu’ils me prennent.


Pour échapper à la police, Joseph a couru vers une maison dans laquelle les migrants avaient déjà séjourné. Ce n’est qu’à ce moment qu’il a appris le décès de son ami Félix.

Dès que je suis entré dans la maison, quelqu’un m’a appelé pour me dire que Félix était mort au camp et que d’autres partaient chercher son corps.


Des vidéos montrent des migrants transporter le corps de Félix sur une civière de fortune, accompagnés de plusieurs policiers.



Les autorités de la municipalité de Tanger-Tétouan-Al Hoceima ont déclaré aux médias marocains que le migrant était déjà inconscient lorsque les agents sont arrivés sur les lieux. Mais selon Joseph, Félix était en bonne santé avant l’arrivée de la police. Selon les témoignages recueillis par l’Association marocaine des droits de l’Homme à Nador, le migrant a été “violemment frappé à la tête” par la police après avoir été arrêté sur la plage.

Félix a été conduit à l’hôpital Mohammed V de Tanger où il a été déclaré mort. Les 13 migrants qui l’ont transporté puis accompagné à l’hôpital ont été arrêtés.

« Nous essayons de travailler ensemble car c’est très difficile pour nous ici »Le Maroc est la dernière étape pour les migrants subsahariens qui espèrent entrer dans l’Union européenne par la mer en traversant le détroit de Gibraltar pour atteindre le littoral espagnol à moins de 25 km.

D’autres tentent de traverser les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, les seules frontières terrestres que l’Europe a avec l’Afrique. Cette année, le Maroc a renforcé la sécurité au niveau de ses frontières, rendant le passage beaucoup plus difficile pour les migrants. Le pays affirme avoir empêché plus de 70 000 tentatives de « migration irrégulière » en 2019.

En route vers le Nord, de nombreux migrants subsahariens travaillent temporairement, mendient de l’argent et dorment dans les forêts ou des maisons. Mais Joseph explique que loger dans les maisons coûte cher. Alors lui et d’autres migrants alternent entre les maisons et les forêts pour économiser de l’argent et avancer vers l’Europe.

Nous avançons vers l’Europe peu à peu. Nous avons quitté la maison dans laquelle nous étions pour aller dans la forêt. On n’avait pas les moyens de quitter une maison pour une autre. Cela coûte trop cher. Donc nous avons squatté une première, une deuxième, puis une troisième forêt. Le soir nous sortons des bois pour demander l’argent pour la nourriture. Ensuite nous avons essayé d’organiser quelque chose ensemble pour aller en Europe, parce que c’était très dur pour nous ici.


Au Maroc, les migrants disent être victimes de racisme et de violences policières. La police mène régulièrement des raids et des rafles dans les forêts à proximité de Tanger. En 2018, Amnesty International a qualifié la répression marocaine des migrants subsahariens dans les villes du nord du pays de « cruelle et illégale ».

Souare Mansour

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