Absence des maires et des autorités administratives, les villages laissés à eux-mêmes face au Covid-19

Absence des maires et des autorités administratives, les villages laissés à eux-mêmes face au Covid-19

La démultiplication des cas issus de la transmission communautaire va sans doute donner du fil à retordre aux autorités en charge de la lutte contre le Covid-19. Les mesures déjà adoptées pour prendre la question à bras-le-corps peinent à montrer toute leur efficience tant le bilan quotidien des cas positifs devient inquiétant. Dans ce lot d’inquiétudes, il y a la question de la mobilisation dans les villages où certains donnent l’air de zones totalement abandonnées à elles-mêmes. Pourtant, ces localités ne sont pas inintéressantes dans cette lutte même si elles sont refoulées au second plan par les quartiers qui enregistrent tous les cas issus de la transmission communautaire. Bottom-up ou top-down,  le choix du procédé, quel qu’il soit, ne peut porter des résultats si les villages ne bénéficient pas de toute  l’attention qu’il leur faut pour remporter cette guerre.

S’il n’y a pas encore de cas positif déclaré dans les villages du Sénégal, c’est dû en partie à l’interdiction de circulation entre les régions. Mais cela ne doit pas endormir les acteurs, populations et autorités confondues, pour ce qui est du sort de ces localités. Voilà des lieux qui apparaissent comme des points stratégiques dans la cartographie du Covid-19 pour ce qu’ils représentent comme des zones sûres et à risques. Sûrs parce que jusque-là la situation y est sous contrôle, mais à risque parce qu’un seul cas implique une explosion difficilement  gérable. De la même manière, des barrages y seraient dressés en temps d’invasion militaire, il faut tout mettre en œuvre pour barrer la route à cet ennemi invisible et dont la force de frappe est inestimable.

Non-respect des mesures et absence des autorités

Le mode de vie dans les villages rime très mal avec les mesures édictées par les autorités médicales, peut-être plus que dans les villes mêmes. Les regroupements, les palabres, font toujours partie du décor quotidien de certains villages, par exemple, où les populations continuent de vaquer à leurs occupations, l’esprit tranquille. Ce n’est pas parce que ces villageois ignorent tout du virus, loin de là. Cette attitude, qui n’a rien à voir avec la condescendance ou le je-m’en-foutisme, est surtout provoquée par l’absence de l’Etat, dans tous ses démembrements et qui devrait accompagner les résidents de ces villages dans le changement de comportement radical que le Covid-19 devrait nous imposer tous, sans exception.

Pour qui connait ces villages, qui devraient être en plein dans le combat contre le Covid-19, la distanciation sociale n’est jamais respectée malgré les campagnes de sensibilisation diffusées dans les médias. L’autorité politique, notamment les maires, a comme démissionné du fait de son absence permanente de ces foyers à risques. En vérité, un tour dans la plupart des villages de ce pays permettra de savoir qu’aucune disposition allant dans le sens de permettre le respect scrupuleux des mesures de prévention du coronavirus n’est prise.

Dans tous les villages de la commune de Syer, arrondissement de Keur Momar Sarr, les populations continuent de renouer avec leurs attitudes pré-Covid : il n’y a ni masques, ni gels hydro-alcooliques, encore moins de thermo flash. Les populations sont laissées à elles-mêmes en ce temps d’alerte maximale. Même le couvre-feu n’y est pas respecté à la lettre du fait de la présence peu ressentie de l’autorité administrative qui n’est presque jamais dans les parages. A 20h, on continue de circuler ; c’est l’homme qui a peur, sinon il n’y a rien, pensent beaucoup. Pour ce qui est de l’aide alimentaire d’ailleurs, aucune graine n’est perçue à ce jour.

L’enclavement : un bien et un mal pour la progression du virus

L’absence des villages sur la cartographie des localités atteintes du Covid-19 est à chercher du côté de leur enclavement. Ce qui leur est un handicap en temps normal, la difficulté d’accès en l’occurrence, est leur atout le plus apparent en temps de pandémie où le salue réside dans le repli sur soi, l’auto-isolement. Les entrées et sorties ne sont pas filtrées ou réduites par les mesures suggérées, mais par le fait que ces villages ne soient pas le point de ralliement de beaucoup de monde. Longeant la route, ou isolés dans des zones perdues de la campagne, ils peuvent servir souvent de zones de transit à des passants, et pas plus.

Mais ce serait primitif de ne compter que sur la quarantaine imposée par la nature à ces localités pour échapper au virus qui a fini par percer les plus grandes forteresses et intégrer les parties les plus reculées. Une prise en charge sérieuse doit être accordée à ces contrées lointaines qui ne possèdent aucun dispositif sanitaire pouvant les sauver du mal si cela venait à frapper. Il faut penser à couper la route au virus en appliquant les mêmes mesures en vigueur en ville à cette partie du pays. Cela d’autant plus que des cas communautaires peuvent provenir de n’importe où, avec la continuité du trafic clandestin et souvent à pied. Le cas recensé à Tivaouane, un marchand ambulant de passage à la ville sainte, ce jeudi, doit servir de leçon à l’autorité administrative.

Circonscrire les villages pour repousser l’ennemi

Au vu de la progression de la pandémie, il faut à tout prix circonscrire les villages. Si leur isolement fait leur bonheur, il constitue par la même occasion leur plus grande difficulté. Il n’y a pas de doute qu’un cas positif dans un village reculé entrainera une série de contaminations que nul ne pourra prévoir. La raison est non seulement à chercher du côté de l’étroitesse des relations sociales- qui fait toujours fi de la distanciation sociale- mais aussi du fait que les centres de dépistages soient à mille lieues de ces contrées dont la difficulté de se déplacer en ville n’est toujours pas résolue. Le management pour gérer la pandémie devrait être bâti sur un modèle bottom-up, c’est-à-dire du bas de l’échelle vers le sommet comme on semble le faire avec la mise en place des Comités régionaux de gestion des épidémies. Et dans ce cas de figure, les villages ne sauraient être oubliés.

Au moment où les plus nantis possèdent des cases de santé ou postes qui ne disposent même pas de thermo flash, ces villages ne méritent pas d’être confinés dans la débrouillardise. Leur quiétude est une chose, que dis-je, une aubaine qu’il faut jalousement garder. Autrement, ce sont des bombes à retardement qui n’exploseront que lorsqu’elles auront atteint tous les résidents et contaminé toutes les maisonnées puisqu’il faudra du temps pour les personnels soignants, la plupart des sages-femmes, pour savoir à quelle pathologie ils ont affaire, si tant est qu’ils puissent la détecter.

Parallèlement à l’interdiction des rassemblements, qui a eu raison sur les « loumas » ou marchés hebdomadaires, l’autorité doit veiller au grain quant à l’application intégrale de toutes les mesures entreprises. Sauf si l’on veut se voiler la face, le couvre-feu est inexistant dans les localités plus ou moins éloignées des sièges de l’administration territoriale. Si à la démission des maires, qui ne mettent rien en œuvre pour soulager leurs populations, il faut ajouter l’absence de l’Etat pour l’application des règles qu’il a lui-même édictées, alors les villages ne seront pas protégés de la maladie pour longtemps.

Mieux vaut donc agir en amont, et empêcher le virus de séjourner en milieu rural, que de le faire en aval et tenter de sauver des vies là où il n’y a aucune structure sanitaire adéquate pour ce genre de prise en charge.

Souare Mansour

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