Voici les trois exigences de la Russie pour un cessez-le-feu: “Il pourrait y avoir une trêve d’ici fin avril”
Comme un enfant gâté qui veut acheter tout ce qui se trouve dans un magasin de jouets. Voici à quoi ressemble les conditions de la Russie pour qu’elle accepte un cessez-le-feu temporaire. Pas d’adhésion à l’OTAN pour l’Ukraine et pas de troupes de maintien de la paix dans le pays. En plus de cela, la Crimée et les quatre provinces annexées seraient définitivement placées sous le drapeau russe. Poutine ne vise-t-il pas trop haut? Et cela ne réduit-il pas les chances d’un cessez-le-feu? “La Russie joue surtout la carte de la ruse et de l’intelligence”: trois experts ont analysé les revendications russes pour HLN.
Les diplomates américains sont très occupés ces derniers temps. Moins de deux jours après avoir convenu des termes d’un cessez-le-feu temporaire avec l’Ukraine à Djeddah, une délégation des États-Unis s’est rendue à Moscou.
Poutine n’a pas apprécié de ne pas avoir été convié à Djeddah, mais ne s’oppose pas au principe d’un cessez-le-feu. C’est ce qu’a déclaré le président russe lors d’une conférence de presse qui portait essentiellement sur sa rencontre avec son homologue biélorusse Loukachenko.
La question du cessez-le-feu temporaire a évidemment également été abordée. “Nous serons d’accord si cela peut conduire à une paix durable. Nous devons nous attaquer aux racines de cette crise”. Mais Poutine s’est aussi montré méfiant: “Qui contrôlera le cessez-le-feu?”.
Volodymyr Zelensky © AFP
Le beurre et l’argent du beurre?
Bien que la Russie n’ait pas encore communiqué officiellement ses exigences pour un cessez-le-feu temporaire, deux sources fiables les ont révélées à l’agence de presse internationale Reuters. Premièrement: pas d’adhésion à l’OTAN pour l’Ukraine. Deuxièmement: pas de forces internationales de maintien de la paix dans le pays. Troisièmement: la reconnaissance internationale des revendications de la Russie sur la Crimée et les quatre provinces ukrainiennes annexées (Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporizhzhya). Pour l’ancien colonel et expert militaire Roger Housen: “C’est une liste d’exigences bien remplie”.
“C’était parfaitement prévisible”
“Aucune de ces conditions n’est gérable pour les Ukrainiens sur le papier. C’est littéralement le contraire de ce que Zelensky demande actuellement. Même si, du point de vue des Russes, c’était parfaitement prévisible. Après tout, cela fait trois ans qu’ils demandent cela. Ces quatre provinces ont déjà été annexées par la Russie à la fin du mois de septembre 2022 et ont immédiatement fait l’objet d’une loi votée par la Douma (le parlement russe) en tant que partie officielle de la Russie”, reprend Roger Housen.
“Entre-temps, ces provinces ont également été reconnues comme territoire russe par la Corée du Nord et l’Iran. Pour tous les Russes, ces provinces font partie intégrante de leur pays, aujourd’hui et pour l’éternité. S’il y a une des trois conditions que Poutine va vraiment respecter, c’est bien celle-là. C’est aussi parce que la Russie a entre-temps investi dans des infrastructures et des logements sur place. Certains citoyens russes y ont même été expulsés de force”, poursuit l’expert militaire de HLN.
Le professeur de politique internationale Tom Sauer (Université d’Anvers), va dans le même sens. “Les Russes ont vu tant de sacs mortuaires rentrer chez eux qu’aucun Russe n’approuvera le retour de toutes ces provinces conquises à l’Ukraine. Le sang russe a trop coulé pour cela.”
Vladimir Poutine © REUTERS
“Les Russes fonctionnent toujours comme cela”
Une autre raison explique les nombreuses exigences de Poutine: “Les Russes n’aiment pas être mis devant le fait accompli. Ils détesteront toujours un accord qui est ‘à prendre ou à laisser’, comme celui qu’ils viennent de recevoir des Américains”, explique l’expert militaire Joris Van Bladel (Institut Egmont).
Une solution rapide, quoi qu’en pense Trump, ne correspond pas à “la tradition de négociation” des Russes. À ce jour, la Russie se considère non seulement comme un partenaire des États-Unis, mais souhaite également être perçue et traitée comme tel par le reste du monde.
“L’impasse” américano-ukrainienne de Djeddah ne semble pas avoir permis d’atteindre cet objectif. “C’est pourquoi les Russes déploient actuellement un maximum d’efforts pour que la balle revienne immédiatement dans le camp de l’Ukraine et des États-Unis. Les Russes fonctionnent toujours comme cela au début des négociations. Ils dévoilent le moins possible leurs cartes et essaient toujours de pousser l’autre partie à les mettre sur la table en premier. Ces négociations pourraient durer longtemps: les Russes vont intimider, se répéter, faire traîner les choses en longueur.”
“Très astucieux de la part des Russes”
“Washington sera confronté à un nouveau problème si les Russes continuent de se montrer fermes. Les Américains menaceront-ils alors de nouvelles sanctions? Ou renforcer les sanctions existantes? Ou augmenter l’aide militaire à l’Ukraine pour accroître la pression sur Moscou? Mais alors, Trump perd aussi la face chez lui, où il a clairement dit que plus un seul dollar du contribuable américain n’irait à l’Ukraine. Tout cela est très intelligent et astucieux de la part des Russes”, souligne Roger Housen.
Volodymyr Zelensky © Photo News
L’Ukraine, dindon de la farce
Quoi qu’il en soit, le perdant de cette partie de poker semble déjà connu: “C’est l’Ukraine”, affirme sans hésiter le professeur de politique internationale Tom Sauer. “Il ne faut pas oublier que la Russie est actuellement en position de force sur le champ de bataille, comme c’est le cas avec la reprise de Sudzja (ville importante de Koursk) ces derniers jours.
“Dans quelle situation un perdant peut-il avoir plus d’exigences qu’un gagnant? Tout scénario dans lequel l’Ukraine ne concède rien est irréalisable. Je crains donc que les provinces annexées resteront aux mains des Russes. Même si cela va à l’encontre de tout sens du droit et de la justice. Tout le monde en Ukraine en a marre de la guerre et de moins en moins d’adultes en voient l’intérêt. Dans de telles circonstances, la Russie peut exiger beaucoup car elle est en position de force. Je n’exclus même pas la possibilité d’un accord de paix d’ici la fin du mois d’avril ou le début du mois de mai”, conclut M. Sauer.
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