L’ex-banquier Mark Carney, atypique futur Premier ministre canadien
Il
a dirigé deux banques centrales mais est un novice en politique. Le
futur Premier ministre canadien, Mark Carney, qui a pris la tête du
parti libéral dimanche pour remplacer Justin Trudeau, se démarque par
son profil atypique.
Il l’affirme lui-même, « notre époque est tout sauf ordinaire ».
« Le
système mis en place par nos parents a bien fonctionné pour nous. Mais
ce bon vieux temps est révolu », a-t-il déclaré lors du lancement de sa
campagne à Edmonton, dans la province de l’Alberta dans l’ouest, où il a
grandi.
L’homme
de 59 ans a toutefois promis de remettre « l’économie sur des rails » et
surtout de tenir tête à Donald Trump dont les menaces représentent « la
plus grave crise de l’époque ».
C’est
d’ailleurs pour cela que de nombreux Canadiens semblent le plébisciter.
Il est vu comme pouvant incarner un Canada fort face aux attaques du
président américain.
Se
définissant comme un centriste, qui refuse d’opposer l’économie et
l’écologie, il était jusqu’à tout récemment envoyé spécial des Nations
unies pour le financement de l’action climatique et se présente comme
l’homme du changement.
– Court mandat –
Avec
des élections prévues au plus tard en octobre, il pourrait ne pas
rester Premier ministre très longtemps. Mais quelle que soit la durée de
son mandat, celui-ci sera unique.
Il
sera la première personne à devenir Premier ministre canadien sans
avoir été député et sans expérience au sein d’un gouvernement.
Père
de quatre filles, Mark Carney est né dans la petite bourgade isolée de
Fort Smith (2.500 habitants) dans les Territoires-du-Nord-Ouest, proche
de l’Arctique, de deux parents enseignants. Mais a grandi à Edmonton, la
capitale de l’Alberta et comme beaucoup de Canadiens a joué au hockey.
Économiste
sorti à la fois de Harvard aux Etats-Unis et d’Oxford au Royaume-Uni,
Mark Carney a fait fortune en tant que banquier d’affaires chez Goldman
Sachs avant de devenir gouverneur de la Banque du Canada, où il a aidé
le pays à traverser la crise financière de 2008-2009.
En
2013, il est devenu le premier non-Britannique à diriger la Banque
d’Angleterre jusqu’en 2020, et beaucoup considèrent qu’il est l’artisan
de la stabilité qui a prévalu pendant le Brexit.
Mark
Carney projette une « image rassurante » à « l’opposé de celle de Donald
Trump », commente auprès de l’AFP Daniel Béland de l’Université McGill à
Montréal.
« C’est
un technocrate », poursuit-il, il peut être vu comme « ennuyeux et sans
énormément de charisme ». Mais « il pèse chacun de ses mots », et il s’agit
d' »un spécialiste des politiques publiques qui maîtrise très bien ses
dossiers ».
– « Elite » –
Calme
et affable, Mark Carney est « exceptionnellement bien outillé pour gérer
les crises économiques », renchérit Lori Turnbull, professeure à
l’Université de Dalhousie.
Mais
n’est pas un excellent communiquant et sa maîtrise du français,
importante dans ce pays officiellement bilingue, a suscité des critiques
alors que le Québec est une province qui compte lors des élections.
Cela
risque de le nuire auprès de l’électorat lors des élections
législatives qui pourraient avoir lieu ce printemps face au leader
conservateur Pierre Poilievre qui ne mâche pas ses mots.
Ce
dernier n’a pas hésité déjà à le présenter comme un membre de « l’élite
qui ne comprend pas ce que vivent les gens ordinaires ».
Ses idées en matière de lutte contre le changement climatique pourraient aussi être un angle d’attaque des conservateurs.
Le
climat a été au coeur de la dernière partie de la carrière de M. Carney
qui affirme mettre l’accent sur des solutions axées sur
l’investissement, comme les technologies vertes, qui créent des profits
et des emplois.
« Nous mettons l’accent sur l’aspect commercial de la question, sur la compétitivité », a-t-il récemment déclaré dans un podcast.
Car « c’est la direction que prend le monde », a-t-il ajouté.