Gouvernement – syndicats : Un clash inévitable ?

Gouvernement – syndicats : Un clash inévitable ?

Le 27 février 2025, le Premier ministre Ousmane Sonko a réuni gouvernement, syndicats et patronat au Grand Théâtre de Dakar pour apaiser un climat social sous tension. Objectif : répondre aux revendications des travailleurs et poser les bases d’un pacte de stabilité sociale. Mais une semaine plus tard, les frustrations persistent, et certains syndicats menacent de durcir le ton. Le clash est-il inévitable ?

Une rencontre aux promesses fragiles

Pensée comme un tournant pour stabiliser le front social, la rencontre tripartite n’a pas pleinement convaincu. Si le gouvernement a réitéré son engagement au dialogue, des syndicalistes dénoncent une organisation bancale. Cheikh Seck, porte-parole de la Fédération des syndicats de la santé (F2S), qui regroupe 11 syndicats du secteur, ne décolère pas : « Appeler les gens devrait décrisper le climat social. Mais là, ça a créé d’autres complications, tant sur le format que sur la manière dont ça s’est déroulé. Comment peut-on réunir 11 organisations et ne pas leur donner la parole ? Nous avons interpellé ceux qui géraient le temps de parole, en vain. » La F2S, exclue des interventions, a déjà décrété une grève pour les 13 et 14 mars, assortie d’une marche nationale le 25 mars.

Omar Dramé, secrétaire administratif de l’Intersyndicale des travailleurs du secteur primaire, partage ce sentiment d’injustice : « C’est inconcevable de participer sans pouvoir s’exprimer. Le secteur primaire est essentiel, pourtant des domaines comme la santé ou l’éducation ont eu deux intervenants, tandis que nous, comme la justice, sommes restés muets. » Ce déséquilibre dans la répartition du temps de parole alimente la grogne et fragilise les espoirs d’un consensus.

Des tensions ravivées par de nouvelles annonces

Au lendemain de cette rencontre, l’annonce par le directeur général de l’Aéroport international Blaise Diagne (AIBD) de possibles licenciements a jeté de l’huile sur le feu. Omar Dramé met en garde : « Si l’État ne fait pas d’efforts, ce pacte de stabilité sociale ne verra pas le jour. Sans satisfaction, nous irons inévitablement vers la confrontation. » Un avertissement clair alors que les travaux en commission, prévus pour détailler ce pacte d’ici le 1er mai, tardent à se concrétiser. « Nous n’avons pas encore reçu de convocation, mais ça ne devrait pas tarder. Les ministres doivent s’exécuter rapidement pour avancer », insiste-t-il, optimiste malgré tout sur des « annonces fortes » à venir.

Cheikh Diop, secrétaire général de la CNTS/FC, appelle à clarifier le cadre des négociations lors de son passage à l’émission Jury du dimanche sur iRadio le 2 mars : « Les discussions ont été ouvertes, mais il faut définir un format et des objectifs précis. La négociation syndicale au Sénégal est normée, au niveau national comme sectoriel. » Pour lui, la collaboration doit reposer sur le respect mutuel : « Un climat social propice au développement exige que toutes les parties travaillent ensemble pour l’intérêt du pays. »

Des revendications pressantes en attente

Les syndicats du secteur primaire, en particulier, rappellent leurs doléances de longue date. « Nous avons signé un protocole avec l’État le 1er décembre 2022 pour créer des fonds communs. Deux ans plus tard, rien n’a bougé, malgré un délai de six mois », déplore Omar Dramé, également secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la pêche et de l’aquaculture. Avec 70 % des activités socio-économiques liées au secteur primaire, il juge ces retards inacceptables.

Parmi les revendications phares : la généralisation de l’indemnité de logement – seuls 7 % des 182 000 fonctionnaires (soit environ 16 000) en bénéficient – et la sécurisation des contractuels. « Si on stabilise leurs contrats, les licenciements qu’on voit ces jours-ci cesseront », argue Dramé. Faute de réponses concrètes, son syndicat, qui avait accordé un « temps de grâce » au nouveau gouvernement, se dit prêt à passer à l’action. « Ce serait dommage pour le pays », prévient-il.

Vers un pacte ou une rupture ?

Malgré les tensions, l’espoir d’un pacte de stabilité sociale persiste, à condition que les travaux en commission démarrent rapidement. Le document final, attendu pour le 1er mai, sera soumis au Premier ministre puis au président Bassirou Diomaye Faye. Mais pour les syndicats, le compte à rebours a commencé. Entre frustration organisationnelle et revendications urgentes, la rencontre tripartite, censée apaiser, pourrait bien semer les graines d’un nouveau bras de fer.

Souare Mansour

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