L’USAID, l’Agence américaine pour le développement international, en sursis
Elon Musk, chargé par le président Donald Trump de faire le ménage au sein du gouvernement fédéral, a déclaré ce lundi 3 février que l’USAID allait « fermer ». En attendant, l’agence pour le développement international la plus importante au monde a été placée sous la direction du secrétaire d’État Marco Rubio.
Des employés sommés de ne pas se rendre à leur bureau, puis bloqués hors de leurs systèmes informatiques. Un « chaos total » régnait ce lundi au sein de l’Agence pour le développement international, qui gère des programmes d’aide dans quelque 120 pays. Le compte X d’USAID a été suspendu et son site internet est hors service, alors que plusieurs hauts responsables de l’agence ont été placés en congé administratif dès samedi soir.
Dimanche 2 février, Elon Musk – chargé par Donald Trump de réduire les dépenses publiques – a qualifié l’agence américaine d’«organisation criminelle » et affirmé qu’il était « temps pour elle de mourir. » Avant d’annoncer dans la nuit lors d’une session vidéo sur son réseau X qu’elle allait « fermer ». De la parole aux actes, un nouveau pas a donc été franchi, après le gel des activités de l’agence le 20 janvier dernier.
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En attendant, celle-ci va être dirigée par le secrétaire d’État Marco
Rubio. Le chef de la diplomatie américaine l’a indiqué ce lundi lors
d’une visite au Salvador, affirmant qu’elle n’avait pas répondu aux
questions de la nouvelle administration Trump sur son financement et ses
priorités, et que « ce niveau d’insubordination rend impossible de
mener un examen sérieux ». « Cela doit cesser et cela doit prendre fin
», a-t-il martelé.
Marco Rubio, qui a soutenu l’aide étrangère en tant que sénateur, a
accusé l’USAID d’agir comme si elle était une « entité non
gouvernementale indépendante ». « Dans de nombreux cas, l’USAID est
impliquée dans des programmes qui vont à l’encontre de ce que nous
essayons de faire avec notre stratégie nationale », a-t-il dit, estimant
que « cela fait 20 ou 30 ans que les gens essaient de la réformer ».
Avec près de 65 milliards de dollars, les États-Unis sont en volume
le premier pourvoyeur d’aide de la planète pour l’année 2023, selon les
chiffres publiés par l’OCDE l’année dernière. Et ils figurent loin
devant les autres contributeurs. À titre de comparaison, l’Union
européenne pointe à 27 milliards – un chiffre qui ne prend en compte que
l’aide prélevée sur le budget de l’Union –, chacun des pays membres
ayant par ailleurs sa propre contribution en aide bilatérale.
L’Allemagne est ainsi le second contributeur mondial, derrière les
États-Unis et devant l’UE, avec près de 38 milliards de dollars versés
en 2023.
Les financements américains sont donc cruciaux pour les pays
bénéficiaires à travers le monde, notamment en Afrique subsaharienne,
rappelle David Baché, journaliste au service Afrique de RFI. Mais ces
financements ne pèsent pas lourd sur le budget des États-Unis : toujours
selon l’OCDE, ils ne représentent que 0,24% du revenu national brut
(RNB) américain, ce qui ne place déjà pas les États-Unis parmi les
meilleurs élèves en termes de solidarité internationale. En effet,
l’aide publique au développement de l’Allemagne mobilise 0,82% de son
RNB.
Le gel des financements de l’agence pour 90 jours a déjà obligé de
nombreux programmes humanitaires ou de développement à cesser du jour au
lendemain. D’autres ont été réduits. À l’image de ceux menés par
Solidarité Internationale, dont plus du tiers de son budget prévisionnel
pour 2025 provient de l’aide américaine.
L’ONG, qui intervient dans 21 pays, doit ainsi mettre en suspens son
programme d’aide à l’agriculture dans le Cabo Delgado, au Mozambique. «
Aujourd’hui, avec ce qu’on a compris des consignes qui nous ont été
données par le bailleur américain, les programmes autour de l’accès à
l’eau en urgence, on peut les continuer. Par contre, tout ce qui relève
de la relance agricole, donc la possibilité pour ces gens d’avoir accès à
des semences, développer une petite agriculture vivrière autour du camp
dans lequel ils se sont regroupés… ce sont des choses pour lesquelles
aujourd’hui, nous n’avons plus de financement et nous avons
l’obligation d’arrêter tous les projets en la matière », déplore Kevin
Goldberg, le directeur général de l’organisation, au micro de Charlotte
Cosset, du service Économie de RFI.
Et ce, même si les financements ont déjà été versés. « Cela nous
amène à reprendre l’ensemble de nos budgets, à prendre des décisions
parfois très douloureuses en se séparant d’une partie de nos équipes
dans certains pays qui sont sur les activités non couvertes par les
exemptions et ça a un impact lourd sur notre organisation. Mais cela a
un impact encore plus difficile pour les ONG locales avec lesquelles on
travaille dans nos différents terrains d’intervention. Des ONG qui
parfois sont entièrement dépendantes du projet qu’on a avec elle et qui
du coup se retrouvent en très grande fragilité à cause de cet arrêt »,
constate Kevin Goldberg.
Le gel de l’aide américaine ne menace pas seulement les programmes menés par les ONG, mais aussi ceux des organisations multilatérales ou des gouvernements bénéficiaires. À titre d’exemple, l’ONG médicale Alima a reçu cinq ordres de suspension pour des projets, en contexte de crise, au Cameroun, au Tchad, en Haïti et au Mali. L’absence d’indication claire de la part de Washington suscite la panique parmi les acteurs de l’aide internationale, sur le court terme, pour trouver en urgence des fonds de substitution, mais aussi sur le long terme.