France : Le gouvernement annonce une nouvelle loi immigration pour 2025
Le gouvernement a
annoncé dimanche une nouvelle loi sur l’immigration, dont l’examen
pourrait démarrer dès « début 2025 » au Parlement, un an seulement après
le précédent texte sur le sujet qui avait fracturé la majorité à
l’Assemblée nationale.
« Il
y aura besoin d’une nouvelle loi », notamment pour permettre « la
prolongation » de « la rétention administrative » des étrangers clandestins
jugés dangereux, a déclaré sur BFMTV la porte-parole du gouvernement,
Maud Bregeon.
Une
des pistes envisagées est de faire passer la durée maximale de
rétention de 90 à 210 jours, ce qui n’est possible pour le moment qu’en
matière d’infractions terroristes.
« On
ne s’interdit pas de réfléchir à d’autres dispositions », a ajouté la
porte-parole, jugeant qu’il ne devait y avoir « aucun tabou en matière de
protection des Français ».
L’exécutif
souhaite que ce texte arrive au Parlement « début 2025 », seulement un an
après la promulgation de la dernière loi immigration.
Début
octobre, le Premier ministre Michel Barnier avait pourtant semblé
écarter l’hypothèse d’un nouveau texte dans un délai aussi proche. « On
vient de légiférer », « on va appliquer les règles », il y aura des
« progrès possibles mais dans le cadre de la loi actuelle », avait-il
déclaré.
Mais
la pression était sans doute trop forte. En externe, avec le
Rassemblement national qui menaçait de déclencher une censure du
gouvernement. En interne, avec le ministre de l’Intérieur Bruno
Retailleau, tenant d’une ligne très dure sur le sujet.
La
précédente loi, promulguée le 26 janvier, avait fait l’objet de débats
très tendus au sein même de l’ex-majorité présidentielle qui avait pu
faire voter le texte grâce à l’abstention des députés RN.
Il
faut « totalement » l’appliquer, a déclaré sur France 2 l’ancien ministre
de l’Intérieur Gérald Darmanin qui avait présenté le projet de loi,
rappelant qu’il y avait « encore beaucoup de décrets d’application à
prendre ».
– « Cavaliers législatifs » –
« Quotas »
migratoires fixés par le Parlement, rétablissement du délit de séjour
irrégulier, caution de retour pour les étudiants étrangers, mesures de
restriction du regroupement familial ou restreignant le droit du sol: le
Conseil constitutionnel avait censuré de larges pans du texte.
Les
Sages avaient ainsi retoqué les principaux ajouts que le camp
macroniste avait concédés à la droite, notamment à Bruno Retailleau
alors puissant patron des sénateurs LR et grand artisan du durcissement
du texte.
Au
total, 32 des 35 dispositions rejetées avaient été considérées comme
des cavaliers législatifs, c’est-à-dire sans lien suffisant avec le
projet de loi initial. Un motif de forme qui ne préjuge pas de leur
conformité sur le fond avec la Constitution. Rien n’exclut donc qu’elles
soient proposées dans le nouveau texte. Ni qu’elles puissent être
rejetées sur le fond.
Les
mesures censurées par le Conseil constitutionnel « serviront de bases
pour le nouveau projet de loi sur l’immigration », a assuré à l’AFP une
source gouvernementale. « Certaines pourraient être modifiées et il y
aura des ajouts ».
Maud
Bregeon a expliqué que le gouvernement allait discuter avec « l’ensemble
des groupes parlementaires » et n’allait « pas chercher le soutien du
Rassemblement national ».
Mais
cela promet de nouveaux débats houleux dans un contexte parlementaire
tendu, avec une Assemblée nationale où la fragile coalition Barnier ne
dispose pas de majorité.
– » Accumulation législative » -La gauche dénonce déjà un cadeau fait à Marine Le Pen et au RN.
« On
a un gouvernement (…) qui nous refourgue une loi immigration comme
gage à l’extrême droite. Tout ça est cousu de fil blanc », a réagi le
Premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure.
« C’est
reparti pour des semaines de saturation du débat public autour des
thèmes de l’extrême droite », a abondé le député Benjamin Lucas
(Génération.s), l’écologiste Cyrielle Chatelain regrettant « une
accumulation législative qui ne règle rien ».
Trente-deux
lois sur l’immigration et les étrangers ont été adoptées depuis 1980 en
France, selon le Musée de l’histoire de l’immigration.
Certaines voix au sein du camp macroniste pourraient aussi l’accueillir très fraîchement.
« Ce
dont nous avons besoin, c’est de la mise en œuvre du pacte asile et
migration européen et de l’application de loi de décembre 2023,
certainement pas d’une nouvelle loi basée sur des fondements
populistes », a déjà réagi le député Guillaume Gouffier (Ensemble pour
la République).
Les
ONG sont aussi furieuses. Bruno Retailleau « n’a que le mot +République+
à la bouche, mais il ne voit pourtant aucun problème à l’abîmer à jet
continu », a dénoncé l’ex-ministre socialiste Najat Vallaud-Belkacem,
aujourd’hui présidente de France Terre d’Asile.
« Comme
l’austérité budgétaire va démolir les services publics et les emplois
des Français, il faut trouver un bouc émissaire », a déploré de son côté
Benoît Hamon, directeur de l’ONG Singa.