Huit médicaments périmés sur dix gardent 90% d’efficacité, selon une étude
L’association de consommateurs annonce saisir l’Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé.
Huit
médicaments périmés sur dix gardent 90% d’efficacité, selon une étude
de l’UFC-Que Choisir, publiée jeudi 19 septembre, que franceinfo a pu
consulter. L’association de consommateurs dénonce « une véritable gabegie
environnementale, économique et sanitaire ». Elle annonce saisir
l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
(ANSM) pour lui demander de mettre en œuvre un ensemble de mesures pour
limiter le gaspillage de médicaments. L’Agence affirme à franceinfo
qu’elle a déjà entamé des discussions avec les industriels pour
prolonger la durée de vie officielle de leurs médicaments.
Pour
son étude, l’UFC-Que Choisir a fait analyser 20 comprimés, gélules ou
sachets paracétamol et 10 d’ibuprofène, dont la date de péremption était
dépassée. Les résultats de ces tests montrent que « seuls trois
échantillons de chaque groupe contiennent moins de 90% de la quantité
affichée de principe actif », « par exemple, moins de 900 mg de
paracétamol pour un Doliprane 1g ». Les pires résultats obtenus sont de
84% pour le paracétamol (date limite 2018) et 82% pour l’ibuprofène
(date limite 2022). « Pour la plupart des spécialités, la teneur en
principe actif doit être comprise entre 95% et 105% pendant toute la
durée de vie, du moins en Europe », explique l’association, précisant
qu’aux Etats-Unis « généralement le seuil est à 90% ».
« Un coût pour le système hospitalier, l’assurance maladie et les malades »L’UFC-Que
Choisir a, par exemple, testé des comprimés de Dafalgan (paracétamol)
périmés depuis six ans, restés dans la poche d’un sac de randonnée, qui
ont supporté la canicule, un gros orage, de nombreuses averses, des
températures autour de 4 ou 5°C, puis des années dans une cave humide.
Plus de six ans après leur date limite, ils avaient encore 95% de
paracétamol. De même, des comprimés d’Efferalgan (paracétamol) périmés
depuis près de 32 ans, conservés dans le placard d’une centenaire,
contenaient encore 100% de substance active.
« Ces
constats sont particulièrement inquiétants puisque jeter des
médicaments efficaces alors qu’ils sont prétendument périmés a des
impacts majeurs », affirme l’UFC-Que Choisir. Ces conséquences sont
d’abord économiques, car ce phénomène engendre « un renouvellement plus
rapide des médicaments qui a un coût pour le système hospitalier,
l’assurance maladie et les malades », selon l’association. Elles sont
aussi environnementales, parce que les médicaments non-consommés
génèrent un surplus de déchets « inutiles », et sanitaires, car cela peut
engendrer une pénurie ou des tensions d’approvisionnement sur certains
médicaments.
L’association
s’interroge « sur le fait que l’ANSM retienne une vision beaucoup plus
restrictive que les autorités américaines pour déterminer si un
médicament conserve ou non ses vertus thérapeutiques ». Une autre
question soulevée par l’étude est celle de l’autonomie des laboratoires
pharmaceutiques qui peuvent fixer eux-mêmes les dates limites de leurs
médicaments. « Rien ne les oblige à étendre cette date, quand bien même
ils sauraient pertinemment garantir l’efficacité des médicaments
au-delà », relève l’UFC-Que Choisir qui se demande si, du point de vue
des ces entreprises, « les critères économiques prennent le pas sur les
critères scientifiques ».
MéthodologieL’UFC-Que
Choisir a fait mesurer, en juin 2024, par un laboratoire spécialisé, la
quantité de substances actives présentes dans 30 boîtes de comprimés,
gélules ou sachets de paracétamol ou d’ibuprofène qui, d’après les
fabricants, sont périmés. Dans le détail, ce sont 20 comprimés, gélules
ou sachets de paracétamol (périmés entre 1992 et 2023) et 10
d’ibuprofène (périmés entre 2015 et mars 2024) qui ont été analysés.