La France toujours à la recherche d’un Premier ministre: la piste Thierry Beaudet évoquée

La France toujours à la recherche d’un Premier ministre: la piste Thierry Beaudet évoquée

À quand l’épilogue? Près de deux mois après les législatives, aucune fumée blanche ne se dégageait mardi matin de l’Élysée, où les consultations devant mener au choix d’un Premier ministre capable d’éviter la censure pourraient encore se prolonger.

Dans l’entourage du président, aucune information n’a filtré sur les personnalités qui pourraient encore être reçues à l’Élysée ou consultées. Et si l’on continue d’espérer une nomination mardi, c’est là aussi sans aucune garantie.

Macron consulte

Après avoir balayé le 26 août l’option Lucie Castets, la candidate proposée par le Nouveau Front populaire (NFP), puis vu s’éloigner la perspective de rallier les Républicains dans une coalition, le président Macron s’est entretenu lundi avec deux prétendants possibles à Matignon, l’un venu de la gauche, Bernard Cazeneuve, et l’autre de la droite, Xavier Bertrand. Il s’agissait pour le chef de l’Etat de “tester” ces deux hypothèses, autrement dit de vérifier si un gouvernement dirigé par l’un ou l’autre pourrait éviter une censure parlementaire immédiate.

La piste Thierry Beaudet

Mais c’est un troisième nom, plus inattendu car inconnu du grand public, qui a émergé lundi comme possible Premier ministre: celui de Thierry Beaudet, le président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), un profil issu de la société civile, avec une sensibilité plutôt orientée à gauche. Certaines sources assuraient même que l’affaire était entendue dès avant ces nouveaux entretiens à l’Élysée – lesquels, dans ce scénario, n’auraient donc servi qu’à écarter formellement les ténors politiques reçus par le président. Mais lundi soir, plusieurs proches d’Emmanuel Macron avaient eux-mêmes du mal à suivre la pensée présidentielle et aucune des principales hypothèses ne semblaient exclues, pas même celle d’un Premier ministre de droite comme Xavier Bertrand. Alors que les dirigeants des Républicains, Laurent Wauquiez en tête, ont exclu de participer au gouvernement, voulant se présenter en opposants à la présidentielle de 2027, l’ancien chef de file des députés LR Olivier Marleix a plaidé au contraire sur LCI pour la “nomination d’un Premier ministre de droite capable de travailler avec tout le monde”.

“Une option très sérieuse”

Emmanuel Macron a déjà échangé avec Thierry Beaudet la semaine dernière dans le cadre de ses discussions institutionnelles. “C’est une option très sérieuse”, a assuré à l’AFP un proche du chef de l’État qui connaît “très bien” cet instituteur de formation, qui a fait sa carrière dans le secteur mutualiste et qui a supervisé la Convention citoyenne sur la fin de vie. L’idée de nommer à Matignon M. Beaudet, rompu à la culture du consensus, a été accueillie avec une certaine bienveillance par les partenaires sociaux. Mais elle a suscité moins d’enthousiasme au sein de la classe politique. Un cadre du camp présidentiel s’interroge ainsi sur la capacité de M. Beaudet à “aller dans la fosse aux lions à l’Assemblée”, tandis qu’à gauche la présidente socialiste de la région Occitanie, Carole Delga, observe que l’intéressé n’a “jamais gouverné” ni “travaillé au rassemblement des forces politiques”.

Un “outil dans les mains de Macron”

“Monsieur Beaudet, c’est un Premier ministre qui serait l’outil dans les mains d’Emmanuel Macron pour contourner le choix des Français”, a dénoncé le vice-président du RN Sébastien Chenu sur RTL. Le Cese est “un machin qui ne sert à rien”, a renchéri Eric Ciotti sur Europe1/Cnews. Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université de Paris 2, observe pour sa part qu’un éventuel gouvernement technique dirigé par Thierry Beaudet n’est pas assuré de recueillir l’assentiment de l’Assemblée nationale. “Il faut que tous les groupes politiques puissent reconnaître qu’il n’y a pas d’autre alternative”, relève l’universitaire.

À moins que le président Macron ne sorte de son chapeau une autre piste. Sept semaines après la démission de Gabriel Attal – dont l’équipe continue d’expédier les affaires courantes – le temps presse pour former un gouvernement de plein exercice, le budget 2025 devant être déposé au Parlement le 1ᵉʳ octobre au plus tard.

Qui est Thierry Beaudet ?

Le président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), Thierry Beaudet, est un adepte du dialogue et du consensus, mais sans expérience politique de terrain et peu connu du grand public. Cet instituteur de formation, âgé de 62 ans, a été élu en mai 2021 président de la troisième chambre de la République, qui entend faire entendre la voix de la société civile (associations, syndicats, organisations patronales…). Mettant en avant un “parcours d’engagement”, il a aussi consacré une large partie de sa carrière au secteur mutualiste, ayant présidé la MGEN de 2009 à 2016 puis la Fédération nationale de la mutualité française de 2016 à 2021.

Positions politiques

Il avait critiqué fin juin la dissolution de l’Assemblée nationale et l’organisation d’élections législatives anticipées: il avait affirmé ne pas avoir “compris” cette décision du président qui plongeait la France “dans une crise politique et démocratique sans précédent”. Sur le plan politique, il a aussi adopté des positions tranchées en faveur de l’euthanasie ou contre la loi immigration – allant jusqu’à manifester le 21 janvier au Trocadéro. Vanté par ses soutiens pour ses capacités “d’écoute” et décrit comme “un homme d’équilibre”, “très gros bosseur” et à la “capacité réformatrice importante”, M. Beaudet travaillait à une nouvelle candidature au Cese.

Qu’en pensent-ils ?

Pour François Hommeril, président de la CFE-CGC, “il n’est pas plus ridicule que les autres” personnalités qui ont été évoquées pour diriger le gouvernement. “Ça peut être une bonne surprise”, veut croire le responsable syndical. “Il n’a pas d’expérience politique”, mais dans le contexte “compliqué” actuel, “est-ce que c’est un plus? est-ce que c’est un moins?”, s’interroge son homologue de la CFTC Cyril Chabanier, qui n’a “pas beaucoup de doutes sur son attachement au dialogue social”. Laurent Escure (Unsa), qui “connait bien” Thierry Beaudet, salue, lui, “son goût pour la synthèse et l’intérêt général”. Côté patronal, François Asselin, président de la CPME, dépeint auprès de l’AFP “quelqu’un de consensuel”, plutôt issu “d’une culture de centre-gauche”. Mais, relève-t-il, s’il accède à Matignon, il devra “manier l’art du dissensus et peut-être moins du consensus, parce qu’on est dans une situation où il va falloir trancher”. À l’Assemblée nationale, “ce sera une autre paire de manches” qu’au Cese, relève aussi Thierry Cadart (CFDT), membre du bureau de l’institution, ajoutant que si M. Beaudet “sait construire le consensus”, “certains pouvaient lui reprocher de prendre un peu trop de temps pour trancher”. “C’est un type crédible et loyal” et un symbole de “la méritocratie républicaine”, monté “peu à peu” depuis ses origines dans “une famille moyenne de l’Orne”, vante un de ses proches auprès de l’AFP, sous couvert d’anonymat. Ce sportif qui “lit et se cultive beaucoup”, garde son calme, “même quand il bout intérieurement”, assure cet ami.

Un homme de “réconciliations”

Issu de l’économie sociale et solidaire, M. Beaudet a aussi créé en 2017 le groupe VYV, né du rapprochement entre la MGEN, Harmonie mutuelle et Istya. À son arrivée à la tête du Cese, il avait rappelé que le rôle de la chambre était “consultatif”, souhaitant en faire “l’assemblée des réconciliations indispensables”. Sous sa mandature, le Cese devenu avec la loi du 15 janvier 2021 la “chambre des conventions citoyennes”, a gagné en notoriété, notamment grâce à la convention sur la fin de vie qui a réuni pendant plusieurs mois quelque 200 Français tirés au sort pour réfléchir à un changement de loi. “Il a réussi à faire du Cese une organisation dont les travaux sont désormais mieux pris en compte par le Parlement”, salue le macroniste Patrick Levy-Waitz, membre de la chambre. Mais ce “discret”, proche de l’ex-leader de la CFDT Laurent Berger comme du macroniste Richard Ferrand, n’a toutefois pas réussi à sortir l’institution de l’ombre. “Souvent, on reproche qu’il y a de très bons travaux au Cese, mais qui restent dans un tiroir”, dit M. Chabanier. Depuis Matignon, “ce serait un bon moyen” de les en sortir.

Souare Mansour

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