Port du voile : Le Conseil national du Laïcat se joint à la polémique
La
question relative au port du voile dans les établissements privés
catholiques continue de défrayer la chronique. En effet, après la
réponse de l’Abbé Latyr Ndiaye au Premier ministre Ousmane Sonko, le
Conseil national du Laïcat sénégalais a également réagi. Dans un long
communiqué dont nous vous proposons l’intégralité, Dr Philippe Abraham
Birane Tine & Cie on tenu à rappeler que « l’école privée catholique
au Sénégal (est) un cadre d’accueil et de promotion du vivre ensemble ».
Plus
loin, ils soulignent que « les allusions que comportent les déclarations
du Premier ministre tendent hasardeusement à faire croire qu’être
catholique c’est avoir la culture occidentale pour laquelle, du reste,
l’Église n’a pas de préjugés. Elles créent, par ailleurs, un problème là
où il n’y a qu’illusion de problème ».
« 1-Le mardi 30
juillet 2024, le Premier Ministre de la République du Sénégal, qui
recevait les lauréats du Concours général, après que Son Excellence,
Monsieur le Président de la République les a honorés, a avancé les
propos ci-après : « Certaines choses ne peuvent
plus être tolérées
dans ce pays. En Europe, ils nous parlent constamment de leur modèle de
vie et de style, mais cela leur appartient. Au Sénégal, nous ne
permettrons plus à certaines écoles d’interdire le port du voile ». Se
voulant plus clair, il a ajouté : « Gare à
ces institutions qui refuseront d’accepter une fille simplement parce qu’elle est voilée ».
2-Les
menaces à peine voilées contenues dans ces déclarations donnent une
tonalité particulière à une question qui, au demeurant, n’est pas
nouvelle. En 2019, ce débat avait
été soulevé. Les solides arguments
apportés à l’époque par le Conseil national du laïcat avaient contribué
à ramener les gens à la raison.
3- Le fait nouveau réside, cette
fois-ci, en cela qu’une plus haute autorité étatique s’en est fait
l’écho en prononçant un verdict sans appel contre des établissements
scolaires, point
« contumax », mais jugés sans ménagement et jetés à la vindicte populaire.
4-
Le Conseil national du Laïcat marque son indignation face à de telles
déclarations qu’il juge maladroites. Ces propos indélicats de la part du
Chef du Gouvernement de la République laïque et démocratique qu’est le
Sénégal sont de nature à heurter la sensibilité
des sénégalais épris
de justice et de vérité, plus particulièrement des citoyens à part
entière de foi catholique légitimement interpelés par les menaces
proférées, sans ambages, contre
des établissements privés catholiques.
5- Les allusions que comportent les déclarations du Premier Ministre tendent
hasardeusement
à faire croire qu’être catholique c’est avoir la culture occidentale
pour laquelle, du reste, l’Église n’a pas de préjugés. Elles créent, par
ailleurs, un problème là où il n’y a qu’illusion de problème. De fait,
les écoles privées catholiques sont
entièrement dépendantes de la
province Ecclésiastique de Dakar, qui rassemble les sept (7) diocèses du
pays et elles respectent les lois et règlements régissant notre
Nation.
6- Il faut s’en réjouir, le Sénégal est un pays où
coexistent, en harmonie, depuis fort longtemps, des cultures
diversifiées bien avant l’avènement des religions abrahamiques que nous
avons accueillies. Cette coexistence pacifique d’une pluralité de
cultures et de
croyances, la pratique du « cousinage à plaisanterie »
et les différents mécanismes de solidarité vécus au quotidien ou à
l’occasion de grandes solennités, peuvent être regardés
comme les manifestations du « commun vouloir de vivre en commun ».
Il
est, dès lors, un impérieux devoir pour les pouvoirs publics de
préserver et de faire respecter ces équilibres, en favorisant
l’expression de cette diversité adossée à la construction d’un espace
d’égalité et de réciprocité.
8- L’enseignement privé catholique, en
ce qui le concerne, fort du message évangélique d’hospitalité et
d’accueil de la pluralité culturelle et religieuse, inscrit en lettres
d’or dans son projet éducatif le respect de l’autre. Il se veut, ainsi,
chevillé à la Constitution du Sénégal qui, en son article 8, septième et
huitième tirets, consacre respectivement le droit
à l’éducation et le droit de savoir lire et écrire pour chaque citoyen sénégalais.
9-
C’est ainsi que, depuis plus de deux (2) siècles, l’Église catholique
s’investit et investit dans l’éducation des sénégalais et des étrangers
résidant au Sénégal, notamment en milieu rural, sans aucune distinction
de race, de religion, de sexe, de culture ou d’ethnie.
10-
Manifestement et sans aucun conteste, les valeurs chrétiennes qui
fondent le projet éducatif des institutions privées catholiques, dans le
respect des principes constitutionnels
d’égalité, de liberté, de
respect mutuel, en somme, du VIVRE ENSEMBLE, convainquent à suffisance
les sénégalais de tous bords, de toutes conditions et de toutes
confessions religieuses.
11- Aussi, pendant que certains élèves
étudient encore dans des abris provisoires dans le public, 119 868
élèves sont-ils inscrits dans les écoles d’enseignement privé
catholique, du CI à la terminale (compte non tenu du préscolaire), dont
33 664 de confession
catholique, soit seulement 28,08%. L’Église a
toujours collaboré avec l’État du Sénégal dans la prise en charge de la
question délicate de l’éducation nationale. Elle ne saurait pour autant
remettre en cause les principes qui sous-tendent son projet éducatif
inspiré
des valeurs évangéliques.
12- Au demeurant, le règlement
intérieur des établissements de l’enseignement privé catholique
n’affecte ni la neutralité de l’enseignement dispensé, ni la liberté de
conscience des élèves, ni leurs convictions religieuses. Mieux, il
garantit l’organisation scolaire et du projet éducatif propre de
l’établissement sans violer pour autant son obligation d’accueillir les
enfants en dehors de toute distinction d’origine, d’opinion ou de
croyance.
13- En conséquence, les institutions privées catholiques ne
sauraient tolérer, au nom de quelque conviction ou croyance, les
attitudes et comportements contraires aux principes et à l’esprit de son
projet éducatif. Elles demeurent fermes contre les comportements qui
sont en porte-à-faux avec les règles de discipline générale et qui sont
préjudiciables au vivre ensemble et au bon fonctionnement de tout
établissement.
14- C’est le cas, en guise d’exemple, d’élèves
s’interdisant de s’asseoir à côté de leurs camarades de sexe opposé en
classe ou dans la cour de récréation, refusant de faire la gymnastique
dans la tenue de l’école, pour des convictions religieuses, se
regroupant et
s’isolant dans la cour de récréation pour les mêmes
raisons et refusant le port strict de l’uniforme de l’école. (Cf. lettre
ouverte du Conseil national du laïcat en 2019).
15- Le Conseil
national du Laïcat soutient, à cet égard, les institutions privées
catholiques et les encourage à demeurer respectueuses des dispositions
de la loi n°91-22 du 30 janvier 1991 portant orientation de l’Éducation
nationale, modifiée, qui indique : « Au sein des établissements publics
et privés d’enseignement, dans le respect du principe de la laïcité
de
l’État, une éducation religieuse optionnelle peut être proposée. Les
parents choisissent librement d’inscrire ou non leurs enfants à cet
enseignement ».
16- Sous ce prisme, ceux qui ne souhaitent pas
respecter le règlement intérieur des établissements privés catholiques
doivent s’en prendre à eux-mêmes pour leurs attitudes et comportements
d’auto ségrégation et d’auto exclusion ; toutes postures en inadéquation
avec l’esprit de famille et d’ouverture, du vivre ensemble que
promeuvent l’école catholique et le Sénégal. Il revient donc aux parents
et aux élèves, qui ont librement choisi
ces établissements, de se conformer aux exigences du règlement intérieur et aux objectifs du projet éducatif qui les inspire.
17-
La question agitée du voile n’est, sous ce rapport, qu’une conséquence
de l’exigence du respect d’une règle générale découlant du principe du
vivre ensemble dans une égale dignité et dans le respect de la diversité
culturelle et religieuse au sein des établissements
d’enseignement
privé catholique. Elle doit être circonscrite strictement dans le cadre
d’un règlement intérieur auquel les élèves et leurs parents adhèrent en
toute connaissance de cause.
18- Toute autre interprétation n’est
que conjecture, tant l’Église catholique, connue pour sa pastorale,
poursuit, au-delà de son projet éducatif, son œuvre en participant de
manière active au développement social et économique du pays. Il en est
ainsi particulièrement
dans les domaines de la santé et du
développement du capital humain, où on note le même dynamisme d’actions
caritatives destinées à toutes les couches sociales, sans distinction
de
religion ou d’origine. Autant d’initiatives qui accompagnent fort
heureusement les politiques publiques dans ces sous–secteurs.
19- Au
regard de ce qui précède, le Conseil national du Laïcat, fidèle à ses
valeurs de paix et de fraternité, et au nom de l’intérêt supérieur de la
Nation, invite toutes les forces vives de notre pays, surtout les
pouvoirs publics, à consolider le vivre ensemble, en vue d’asseoir la
stabilité sociale durable du Sénégal, facteur clé d’un développement
économique
et social inclusif. Aussi, rappelle-t-il la nécessité de respecter le
règlement intérieur des écoles catholiques qui proscrit tout
prosélytisme à l’école.
20- Le Conseil national du Laïcat reste
ouvert à toute forme de dialogue qui met en avant le vivre ensemble, la
stabilité et la paix dans ce pays.
Vive l’école sénégalaise ! Vive le vivre Ensemble ! Vive le Sénégal !
Pour le Conseil national du Laïcat du Sénégal
Dr Philippe Abraham Birane TINE