Kamala Harris, une pionnière face à l’ultime plafond de verre
Brisera-t-elle l’ultime plafond de verre? La vice-présidente Kamala Harris, lancée dans la course pour remplacer Joe Biden comme candidate des démocrates à l’élection de novembre, pourrait écrire une nouvelle page de l’histoire américaine.
Elle
l’a déjà fait en devenant en janvier 2021 la première femme, la
première Afro-Américaine et la première personne d’origine asiatique à
accéder à la vice-présidence.
Celle
qui a brisé un après l’autre les plafonds de verre, selon les propres
mots de Joe Biden, a récolté son soutien pour remporter l’investiture du
Parti démocrate.
« Je
ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour unifier le Parti démocrate —
et unir notre nation — pour battre Donald Trump », a-t-elle déclaré
dans un communiqué, saluant « l’acte désintéressé et patriotique » du
président.
La
vice-présidente, âgée de 59 ans, raconte souvent avoir manifesté enfant
pour les droits civiques, en compagnie de son père jamaïcain,
professeur d’économie, et de sa mère indienne, chercheuse spécialiste du
cancer du sein.
– La « petite fille » du bus –C’est aussi dans son enfance qu’elle a puisé le souvenir qui l’a révélée pendant un débat de la primaire démocrate en 2019.
La
native d’Oakland, en Californie, avait durement attaqué un certain Joe
Biden sur son opposition passée à une politique de déségrégation raciale
qui consistait à transporter en bus certains enfants vers des écoles
éloignées, et dont elle avait bénéficié.
« La petite fille (dans le bus), c’était moi », avait-elle lancé.
Cette sortie remarquée n’avait pas sauvé une campagne ratée, interrompue avant même le premier scrutin des primaires.
Joe Biden l’a ensuite invitée sur son « ticket », l’exposant ainsi aux attaques de son adversaire républicain Donald Trump.
En
2020, l’ancien président a qualifié la démocrate de « monstre » et de
« femme colérique », des termes renvoyant à des stéréotypes racistes sur
les femmes noires.
Après
un débat calamiteux de Joe Biden face à Donald Trump le 27 juin 2024,
le milliardaire de 78 ans, anticipant un retrait du président américain,
a relancé ses attaques.
Toujours
en quête de surnoms moqueurs pour ses opposants, il a commencé à
l’appeler « Kamala l’hilare » (« Laffin’ Kamala »), en référence à son rire
tonitruant, tandis que son équipe de campagne a entrepris de la décrire
comme une gauchiste invétérée.
Diplômée
de l’université Howard, fondée à Washington pour accueillir les
étudiants afro-américains en pleine ségrégation, Kamala Harris est fière
de son parcours emblématique du rêve américain.
– « Comment osent-ils? » –Après
deux mandats de procureure à San Francisco (2004-2011), elle a été
élue, deux fois, procureure générale de Californie (2011-2017), devenant
alors la première femme et la première personne noire à diriger les
services judiciaires de l’Etat le plus peuplé du pays.
Elle a été critiquée pour sa répression sévère des petits délits, qui a selon ses opposants surtout affecté les minorités.
En
janvier 2017, elle a prêté serment au Sénat à Washington, où elle est
devenue la première femme ayant des origines d’Asie du Sud et seulement
la deuxième sénatrice noire dans l’histoire.
Elue vice-présidente, elle a dédié son discours de victoire aux « petites filles » d’Amérique.
En 2022, Kamala Harris a pris avec ferveur la défense du droit à l’avortement, remis en cause par la Cour suprême.
« Certains
dirigeants républicains essaient d’instrumentaliser la loi contre les
femmes. Comment osent-ils? Comment osent-ils dire à une femme ce qu’elle
peut et ne peut pas faire de son propre corps? », s’est-elle indignée
après que la plus haute juridiction du pays a annulé la garantie
fédérale du droit à l’avortement.
Cette forte déclaration, et la campagne énergique menée depuis un an par Kamala Harris à travers le pays, l’ont relancée.
Occupant
un poste par nature ingrat, Kamala Harris a aussi fait des faux pas au
début de son mandat, sur des questions délicates de diplomatie et
d’immigration.
– « Second Gentleman » –La presse américaine a parfois jugé qu’elle manquait d’envergure – ce que ses partisans expliquent aussi par des biais sexistes.
Le
magazine Vogue avait dû se défendre d’avoir, peu après l’élection,
choisi pour sa couverture une photo de la vice-présidente en baskets,
plutôt qu’un portrait plus formel, qui aurait davantage mis l’accent sur
sa fonction.
La
principale intéressée prend pourtant soin de cultiver une image
décontractée, aidée en cela par son conjoint Doug Emhoff, pour lequel
l’Amérique a dû s’habituer au titre de « Second Gentleman ».
Cet
avocat à l’expression amicale est aussi le premier Juif dans ce rôle.
Il a été l’un des grands relais de la Maison Blanche dans la lutte
contre l’antisémitisme.
Sur
les réseaux, le couple feint par exemple de se chamailler autour du
basket: il est fan de l’équipe des Lakers de Los Angeles, elle des
Warriors de San Francisco.
Kamala
Harris, surnommée « Momala » dans sa famille recomposée, est aussi férue
de cuisine. Lors d’un voyage officiel à Paris, elle s’était rapidement
échappée pour acheter des casseroles en cuivre.