DPG: Moussa Tine interpelle Diomaye et prévient Sonko
La polémique autour de la Déclaration de politique générale (DPG) du Premier ministre Ousmane Sonko occupe le devant de l’actualité. Il y a un “clair-obscur dans le débat” sur ladite déclaration. Selon le président de l’Alliance démocratique/Pencoo, “ceux qui nous dirigent n’ont pas le droit de faire comme ceux qu’ils ont remplacés”.
“Gardien
de la Constitution et «garant du fonctionnement régulier des
institutions », le Président de la République est le principal interpelé
dans la situation actuelle de crise institutionnelle que nous vivons et
que nous peinons à traverser. La déclaration annoncée du Premier
ministre devant un jury populaire n’aura aucune espèce de valeur
juridique”, a déclaré Moussa Tine. Il a, ainsi, donné les raisons.
Voici l’intégralité du texte publié sur Facebook, ce lundi 1 juillet.
Du clair-obscur dans le débat sur la déclaration de politique générale.
Les
gouvernants ne sauraient se confondre aux institutions. Ces dernières
dépassent de loin les personnes qui les incarnent le temps d’un mandat.
Le Sénégal, après ce qu’il a vécu comme morts, amputés et autres
sacrifices décomptés dans le sillage de la défense de l’État de droit,
ne mérite pas ce piètre et décevant débat autour de la déclaration de
politique générale.
Il
est certainement vrai qu’on peut trouver des précédents similaires aux
conflits de personnes que nous vivons présentement. Mais, ceux qui nous
dirigent n’ont pas le droit de faire comme ceux qu’ils ont remplacés.
Des dizaines de Sénégalais sont morts pour les mettre à leurs places et
pour que plus jamais certaines pratiques n’aient plus droit de cité dans
notre pays.
Gardien
de la Constitution et « garant du fonctionnement régulier des
institutions », le Président de la République est le principal interpelé
dans la situation actuelle de crise institutionnelle que nous vivons et
que nous peinons à traverser.
La
déclaration annoncée du Premier ministre devant un jury populaire
n’aura aucune espèce de valeur juridique puisque dans un système
représentatif et selon la constitution:
• « L’assemblée représentative de la République du Sénégal porte le nom d’Assemblée Nationale. (…) ;
• Les membres de l’Assemblée nationale porte le titre de députés. » ;
•
La Constitution est la norme suprême et c’est le Règlement intérieur de
l’Assemblée nationale qui lui est inféodé et non l’inverse.
La position défendue par le Premier ministre est, sous ce rapport, sans fondement et par conséquent très dangereuse.
Au
demeurant, envisager la non-tenue d’une déclaration de politique
générale devant l’Assemblée en raison du fait que le règlement intérieur
ne fait pas état du Premier ministre revient à renvoyer la Constitution
en arrière-plan avec des conséquences tout aussi désastreuses. Dès
lors, il faudrait également considérer que puisque le règlement
intérieur ne mentionne pas le droit de dissolution, le Président de la
République ne peut dissoudre l’Assemblée, alors que la Constitution lui
en donne droit comme elle prévoit en son article 55 l’opportunité pour
le Premier ministre de faire sa déclaration de politique générale et de
faire connaître les grandes orientations et les chantiers du
gouvernement.
Dans
cette fausse logique, le gouvernement ne pourrait pas alors présenter
le budget de l’État avec les crédits alloués au Chef du gouvernement.
En
vérité, seule l’Assemblée nationale vote la loi ; il n’existe autrement
que les ordonnances possibles sur habilitation du Parlement et selon
des modalités et des délais précis. Dès lors, il n’est possible de
gouverner par ordonnance que sur autorisation votée par l’Assemblée
nationale.
À
vrai dire, le Premier ministre aurait pu se limiter à invoquer
l’inexistence de délai contraignant encadrant la déclaration de
politique générale pour se dérober sine die. Dans ce cas, il ne serait
pas possible de lui adresser juridiquement des reproches. Pour cette
raison, son argument constitue un jet de pierres qui va forcément lui
revenir en pleine figure.
Selon
la Constitution et même la constante jurisprudence du Conseil
constitutionnel, notamment celle relative à la fixation de la fin du
mandat du Président de la République, les deux premières années de la
législature prennent fin en septembre et non en juillet. Le Conseil
constitutionnel calcule les cinq ans de mandat présidentiel en tenant,
non pas la date de l’élection définitive marquée par la décision du
Conseil de la proclamation les résultats, mais plutôt la date de
l’installation du président élu matérialisée par le jour de la
prestation de serment. L’Assemblée ne peut alors être dissoute qu’en
septembre. Le gouvernement aura en outre besoin de l’Assemblée pour
voter la Loi de finances de l’exercice 2025.
Au
rebours, sans l’accord du Président de la République, les députés ne
peuvent réviser la Constitution pour supprimer le droit de dissolution
que par voie référendaire. En effet, ils peuvent prendre l’initiative de
la révision et l’adopter, mais le président de la République détient, à
lui seul, le pouvoir de faire approuver la révision par voie
parlementaire à la majorité des trois cinquièmes. C’est dire que le
dialogue s’impose. En effet, il devra être politique et institutionnel.
Tout
compte fait, le régime actuel vient de donner un coup de pouce inespéré
à la coalition sortant, lui offrant du coup une nouvelle légitimité de
combat politique. Lorsque le règlement intérieur est irrégulier, il faut
le mettre de côté et appliquer la Constitution qui lui est supérieure.
En tout état de cause, ceci ne peut servir de prétexte permettant de
violer la Constitution.
Autrement
dit, l’absence de délai ne rend pas inapplicable la Constitution. Le
délai de trois mois n’a, en l’espèce, aucune forme d’importance
particulière.
D’ailleurs,
au contraire de ce qui se dit, la régularité de délais dans le
règlement intérieur en 2002 avait pu être analysée comme une violation
de la Constitution. En rajoutant des délais que le constituant n’a pas
prévus, il a été considéré que le législateur de 2002 violait le
principe de la hiérarchie des normes juridiques. À ce titre, il serait
intéressant de revoir les débats dans la presse entre novembre et
décembre 2002.
Par
ailleurs, jusqu’en 2002, cette disposition du règlement intérieur
n’existait pas. Pourtant, les Premiers ministres précédents avaient tous
pu sacrifier à l’obligation constitutionnelle d’exposer devant la
représentation nationale les grandes lignes de la politique qu’ils
entendaient mettre en œuvre. Il apparaît donc que les dispositions de
l’article 55 de la constitution se suffisent à elles pour organiser la
déclaration de politique générale du Premier ministre.
Le règlement intérieur de l’Assemblée nationale n’est pas faux, il a été adopté comme une loi organique et promulgué. Il existe par contre un faux règlement intérieur en circulation. Et, il est étrange de se conformer comme s’il était impossible d’adopter un nouveau règlement intérieur correctif en moins d’une semaine.