Sonko sur les pas de Macky
‘’A ce peuple, je veux dire simplement qu’il peut dormir tranquille. Je veux rassurer ce peuple, qu’il n’y aura que la paix au Sénégal. Rien ni personne ne peut déstabiliser le Sénégal’’, a martelé Ousmane Sonko dans une déclaration diffusée sur la RTS. Ce discours du Premier ministre ressemble étrangement à un résumé de différentes déclarations faites il y a un peu plus d’un an par les tenants du régime de Macky Sall au plus fort de la crise en 2023. On retrouve des passages repris presque mot à mot.
«
Je ne laisserai personne détruire ce pays », jurait Macky Sall suite
aux incidents de Mbacké. « Nous sommes dans une république. Personne ne
peut la déstabiliser », renchérissait son Premier ministre Amadou Ba,
lors d’un meeting d’investiture de Macky Sall dans la banlieue.
Quant
au général Moussa Fall, dans un discours assez musclé, il prévenait sur
la disposition de la gendarmerie à mater les fauteurs de trouble. «
Rassurez-vous ! Tant que je suis là, il n’y aura que la paix dans ce
pays. Vous pouvez dormir tranquillement, nous avons des moyens que les
Sénégalais n’ont pas encore vu ».
La
ressemblance des discours est saisissante. Ce qui est inquiétant par
contre, c’est la différence des contextes. Macky Sall avait un régime
finissant, il faisait face à une opposition déterminée à lui tenir la
dragée haute. Il avait suscité la méfiance voire le rejet de la justice
suite à des manipulations à des fins politiques. Bref, le cocktail
sociopolitique était assez explosif.
Aujourd’hui,
Diomaye et Sonko dirigent un régime arrivé au pouvoir il y a à peine 2
mois. Il n’y a pas de tension politique ambiante puisque l’opposition
est à ce jour plongée dans une sorte de coma politique. Quant au peuple,
il attend la concrétisation de certaines des promesses, la plus urgente
étant le coût de la vie, notamment les prix des denrées de première
nécessité.
Que
vient donc faire un discours aussi musclé dans un tel contexte ?
Contrairement au Pastef d’il y a quelques mois, la nouvelle opposition
ne peut pas compter sur la jeunesse pour chauffer le front. D’abord
parce que le peuple n’a pas oublié comment Macky et ses hommes ont
gouverné, ensuite parce que personne n’a envie de revivre la période de
tension et d’incertitude vécue il y a juste quelques mois. Il est donc
peu probable qu’il y ait une force politique capable de déstabiliser
actuellement le Sénégal, quelle que soit par ailleurs sa fortune.
Veut-on
alors prendre la presse pour l’opposition, comme l’avait fait Macky
Sall ? Pourquoi alors ces convocations en plus de l’absence de réponse
du président d’une lettre d’audience adressée à lui par le patronat de
la presse.
Pour
rappel, Macky Sall avait limogé le général Jean Baptiste Tine alors que
le gradé était à trois mois de la retraite, puis envoyé en Russie comme
ambassadeur. La presse avait relayé l’information précisant qu’il y
avait des considérations politiques. Cela n’avait pas abouti à une
convocation de journalistes. Et le fait qu’il soit nommé ministre de
l’intérieur par le nouveau régime corrobore certaines affirmations.
Aujourd’hui, des médias avancent des raisons sur le limogeage du général
Souleymane Kandé, et voilà que des directeurs de publication sont
convoqués.
Ces
actes font penser également au cas Bah Diakhaté envoyé en prison au
moment où les partisans de Pastef s’autorisent une campagne de
harcèlement sur les réseaux sociaux en ciblant une personne pendant 72
heures. Du vrai cyber-harcèlement resté impuni jusqu’ici. Autant de
faits qui inquiètent sur la liberté d’expression. Ce qui était considéré
hier comme l’exercice d’un droit, est-il devenu subitement un délit ou
un crime ?
Il
est clair que l’actuel régime a besoin de beaucoup plus de sérénité
dans la gestion des affaires publiques. Il y a pour l’instant beaucoup
d’agitation pour peu de résultat. Ce n’est donc pas le moment d’ajouter à
la tension, sachant que le front social est suffisamment en ébullition
avec des grèves en cours ou annoncées dans différents secteurs.