En Guinée, début d’une grève générale illimitée, deux jeunes tués
Deux jeunes hommes ont été tués par balle lundi lors
de la première journée d’une grève générale illimitée très suivie en
Guinée, où les militaires au pouvoir depuis 2021 répriment toute forme
de contestation.
Cette
mobilisation donne une idée du rapport de force entre les centrales
syndicales, soutenues par les principaux partis politiques et des
organisations de la société civile, et la junte qui interdit toute
manifestation, musèle l’opposition et cherche à faire taire toute
critique à son égard.
Elle
est lancée dans un climat de tension sociale grandissante et en
l’absence de gouvernement, depuis que la junte a annoncé contre toute
attente sa dissolution il y a une semaine sans en donner les raisons,
mais en ordonnant le gel des comptes bancaires de ses membres et la
saisie de leurs passeports.
La
grève générale vise à obtenir la baisse des prix des denrées de
première nécessité, la fin de la censure médiatique et la libération
d’un syndicaliste de presse.
Elle
a été très suivie et est renouvelée pour les jours à venir, « jusqu’à
satisfaction totale et intégrale de l’ensemble des points de
revendications », a déclaré lundi à la presse Amadou Diallo, porte-parole
du mouvement syndical.
Les
syndicalistes ont rencontré dans la journée les leaders religieux qui
ont promis d’échanger avec le chef de la junte, le général Mamadi
Doumbouya.
Conakry
a ressemblé à une ville morte lundi. Les routes, habituellement
bondées, étaient vides. Les banques, écoles, commerces étaient fermées.
Le grand marché de Madina, poumon économique de Conakry, est resté
désert toute la journée.
Les administrations et hôpitaux ont offert un service minimum, a constaté un correspondant de l’AFP.
– Tués par balle –
Des
heurts entre forces de sécurité et manifestants ont éclaté
sporadiquement dans certains quartiers de la banlieue de la capitale.
Deux
jeunes hommes ont été tués par balle. « Ils ont tué notre fils, ils
l’ont visé et tué d’une balle dans le cou », a déclaré à l’AFP Adama
Keita, membre de la famille d’un jeune de 18 ans qui a été pris dans des
affrontements. Une information confirmée à l’AFP par un gendarme qui a
requis l’anonymat et par un témoin.
Un autre jeune est mort dans des circonstances similaires, a dit à l’AFP un médecin de l’hôpital Jean-Paul-II où il est décédé.
« Quand
Mamadi Doumbouya a pris le pouvoir, il a dit que la justice sera la
boussole qui va orienter tous les Guinéens. Aujourd’hui, il est en train
de faire pire que l’autre (l’ex-président Alpha Condé) », a déclaré son
père Aboubacar Touré, cité par le média en ligne Guineematin.com.
Les autorités n’ont pas immédiatement confirmé la mort des deux hommes, comme cela a souvent été le cas par le passé.
« Cette
grève est la bienvenue, elle va obliger les autorités à comprendre
qu’ils ne sont pas des Dieux sur terre », a déclaré un cadre d’un
ministère qui a requis l’anonymat.
La
contestation est devenue exceptionnelle sous le général Doumbouya. A la
tête de ce pays parmi les moins développés au monde en dépit de ses
ressources naturelles, il n’a pas pris la parole depuis le début de
l’année 2024, malgré un contexte tendu.
La junte a interdit toute manifestation. Elle a réprimé l’opposition, largement réduite à l’impuissance.
– Censure de la presse –
Les
militaires au pouvoir ont récemment sévi contre un certain nombre de
médias en supprimant des chaînes de télévision des principaux bouquets
de distribution et en brouillant des fréquences radio, provoquant des
manifestations de colère, en particulier de journalistes.
L’un
d’eux, Sekou Jamal Pendessa, secrétaire général du Syndicat des
professionnels de la presse de Guinée (SPPG), a été condamné vendredi à
six mois de prison dont trois avec sursis. Les syndicats exigent sa
libération.
Le
collectif d’avocats qui le défend a indiqué dans un communiqué avoir
été informé lundi qu’avec une célérité rare, le procès en appel avait
été audiencé mercredi.
La
junte a consenti, sous la pression internationale, à annoncer qu’elle
allait rendre la place à des civils élus d’ici à fin 2024, le temps,
dit-elle, de mener de profondes réformes. Dimanche, la Communauté des
Etats de l’Afrique de l’Ouest a annoncé la levée de sanctions
économiques contre la Guinée.
En
janvier-février 2007, les syndicats avaient orchestré des grèves
générales très suivies. La répression de cette contestation historique
contre la corruption et l’ingérence du pouvoir dans la justice sous le
régime autoritaire du président Lansana Conté avait fait 186 morts selon
des ONG.