Les manifestations violemment réprimées, un étudiant tué à Saint-Louis
Les forces de
sécurité ont violemment dispersé vendredi la contestation contre le
report de la présidentielle et le pouvoir du président Macky Sall, qui a
fait un premier mort, et a accentué la crise politique en cours.Des
manifestations ont eu lieu à Dakar et dans plusieurs villes du pays,
notamment à Saint-Louis, où un étudiant en deuxième année de licence de
géographie, Alpha Yoro Tounkara, a été tué.
« Il
était non seulement un brillant étudiant, mais aussi un camarade aimé
et respecté. Sa présence chaleureuse et son enthousiasme contagieux
manqueront à tous ceux qui ont eu la chance de le connaître », écrit
Cheikh Ahmadou Bamba Diouf, président du club de géographie de
l’université Gaston Berger, où le jeune homme étudiait.
Sa mort a été confirmée par un employé de l’hôpital régional. Aucun bilan n’a pour l’heure été communiqué par les autorités.
A
Dakar, la police a fait un usage abondant de gaz lacrymogènes pour
disperser les centaines de personnes qui cherchaient à se rassembler aux
abords de la place de la Nation au cours d’une journée test sur le
rapport de force entre le pouvoir, la société civile et l’opposition.
Cette
mobilisation sur tout le territoire est la première contestation
d’ampleur depuis le report du scrutin présidentiel initialement prévu le
25 février.
Dans
la capitale, l’autoroute et des axes importants ont été bloqués. Tous
les accès à la place de la Nation ont été fermés par les autorités.
Des
manifestants ont riposté en lançant des pierres et en érigeant des
barricades avec des objets de fortune – des planches et des pierres – et
en incendiant des pneus.
Journalistes ciblés Reporters
sans Frontières s’est « indigné » dans un message sur X du ciblage d’au
moins 5 journalistes par les policiers lors des manifestations à Dakar.
Absa Hane, journaliste de Seneweb, a été brutalement interpellée et a
été hospitalisée suite à un malaise.
Un
autre journaliste du quotidien Enquête a été frappé à la mâchoire, et
des gaz lacrymogènes ont notamment visé le siège de la télévision privée
Walf TV, dont la licence a récemment été retirée par les autorités.
« Les
Sénégalais doivent s’indigner, et plus seulement sur les réseaux
sociaux », a déclaré l’un des candidats à la présidentielle, Thierno
Alassane Sall.
Dans la commune de Nioro du Rip, une manifestation d’environ 200 personnes a également été dispersée par la police
Coup d’Etat constitutionnel
Le
report de la présidentielle de 10 mois a soulevé une indignation
largement partagée sur les réseaux sociaux. L’opposition crie au « coup
d’Etat constitutionnel ». Elle soupçonne une manigance pour éviter la
défaite du candidat du camp présidentiel, voire pour maintenir le
président Sall à la tête du pays encore plusieurs années.
Un collectif de 14 candidats de l’opposition a déposé dans l’après-midi un recours devant la Cour suprême.
Les tentatives de manifestations depuis l’annonce du report ont été réprimées et des dizaines de personnes interpellées.
Le
collectif Aar Sunu Election (« Protégeons notre élection »), qui prévoit
une autre manifestation mardi a insisté sur sa volonté de protester
pacifiquement. Une douzaine de candidats opposés au changement de
calendrier, sur les 20 retenus par le Conseil constitutionnel, ont
exprimé leur souhait d’une convergence avec la société civile.