À moins de 55 ans, ils ont été contraints de prendre leur retraite: “Je veux et je peux travailler, mais je n’en ai pas le droit”

À moins de 55 ans, ils ont été contraints de prendre leur retraite: “Je veux et je peux travailler, mais je n’en ai pas le droit”

Le gouvernement fédéral est sur le point d’approuver une réforme de la pension pour incapacité physique des fonctionnaires. Le but? Favoriser le retour au travail des agents actuellement en maladie. Comme le rapportent nos confrères de HLN, ce régime de pension a mis un terme à la carrière de dizaines de milliers de Belges, même âgés d’une vingtaine d’années seulement. Gert (53 ans), Isabelle (44 ans) et Elli (45 ans) ont été contraints d’abandonner leur carrière en raison d’une maladie de longue durée. Dans les colonnes de HLN, ils racontent leur histoire et donnent leur avis sur le nouveau système d’allocation temporaire mis sur pied par les autorités. Luc Beernaert, Elise Lucca 26-01-24, 09:50 Source: HLN

Le gouvernement belge compte bien réformer l’actuel régime de pension pour incapacité physique des fonctionnaires. Il concerne les agents qui, pour raison de santé, sont admis à la pension quel que soit leur âge et perçoivent alors une faible retraite (sur la base de leurs années de travail), sans retour possible dans la vie active. Ce régime sera, dès l’an prochain, remplacé par une allocation temporaire pour incapacité physique. La personne malade sera suivie par le Medex (où siègent les médecins conseils) et accompagnée par un coordinateur en vue d’envisager un retour progressif dans les mêmes fonctions ou à un autre poste. Durant cette phase de transition, elle percevra une allocation qu’elle pourra cumuler avec un revenu complémentaire plafonné.

Témoignages

Isabelle Peleman, originaire d’Alost, a dû prendre sa retraite pour incapacité physique à l’âge de 32 ans. Elle est aujourd’hui âgée de 44 ans. Au départ, elle n’avait droit qu’à 395 euros de pension par mois, mais en tant que mère célibataire, elle a obtenu une augmentation à 1.600 euros. Le plus étonnant dans son cas: elle a été capable et désireuse de travailler pendant des années, mais ses demandes d’emploi se sont toutes heurtées à des obstacles.

“J’avais un bon emploi en tant que fonctionnaire dans un centre de transit du département de l’immigration, lorsque j’ai été blessée à la nuque dans un accident de voiture. Je ne pouvais plus bouger mon bras gauche et mon cou. Étant gauchère, je ne pouvais plus travailler. Deux ans de rééducation plus tard, je suis passée devant Medex, la cellule médicale du Service fédéral des pensions, qui m’a déclarée en incapacité physique de travailler. J’ai souffert de ma blessure au cou pendant encore six mois, mais après ces six mois, j’étais tout à fait capable de reprendre le travail à plein temps. Mais chaque fois que je dis à un employeur potentiel que je suis sous le régime de la pension médicale, il me met à l’écart”.

“Ce n’est pas tout: si je reprends le travail maintenant, je perds 500 euros de ma pension. Et si les choses tournent mal pour une raison ou une autre, je devrai me contenter de 1.100 euros pour le reste de l’année”. Lorsqu’on lui demande si elle est prête à passer à l’allocation temporaire d’inactivité, elle n’hésite pas une seconde: “J’espérais une mesure comme celle-ci depuis longtemps. J’étais très en colère à l’époque où l’on m’a imposé le système de pension pour incapacité physique, je suis heureuse de savoir qu’il va être adapté. Quel type de travail j’aimerais exercer? En fait, je peux tout faire. J’ai vécu avec des douleurs cervicales pendant des années et j’ai toujours pu faire tout ce que je voulais. Rester à la maison toute la journée, ce n’est pas pour moi.”

“Aucune utilité”

En 2019, Gert Fransis, 53 ans, s’est réveillé avec ce qu’on appelle une épine calcanéenne, à savoir une excroissance osseuse pointue au niveau de l’os du talon qui rend la marche presque impossible. “Après 13 ans d’activité indépendante et 10 ans dans un grand magasin, je suis devenue fonctionnaire en 2018. J’ai passé des examens et j’ai été nommée. C’était une bonne chose pour ma pension, enfin, si j’avais tenu jusqu’à 67 ans. J’ai travaillé dans un centre de rapatriement de réfugiés et j’ai subi deux opérations du pied, me mettant à chaque fois à l’arrêt pendant six mois. Mon médecin traitant ne pouvait rien faire de plus pour moi, à part gérer ma douleur. Medex m’a officiellement mis à la retraite pour incapacité physique le 1er novembre dernier. »

“Je ne peux plus exercer mon travail, car je ne peux pas garder le pied au sol plus d’une demi-heure, il faut que je le lève le plus souvent possible. Au départ, on m’a fait partir avec 238 euros de pension, étant donné que je n’étais nommé que depuis trois ans. Depuis, ce montant a été porté à 913 euros. Je suis autorisé à travailler dans le privé, mais si je le fais, je peux dire au revoir à mon allocation. Bien que tous les médecins disent que mon problème au pied n’est pas guérissable, le service ‘personnes handicapées’ du SPF Sécurité sociale ne m’accorde que 4 points, alors qu’il faut en avoir 7 pour obtenir des allocations supplémentaires. Toutes les allocations supplémentaires me sont refusées.”

Le nouveau système d’allocation temporaire d’inactivité n’apporte aucun soulagement à Fransis. “Dix mille euros bruts par an, c’est à peu près ce que j’ai aujourd’hui, et comment pourrais-je gagner plus? Avant, je gagnais 2.500 euros nets, aujourd’hui, je dois me contenter de 913 euros, et chaque mois, j’ai 400 euros de frais supplémentaires à cause de mes problèmes de santé. Si je peux travailler, autant reprendre mon travail, n’est-ce pas? Ce nouveau dispositif est un moyen pour les politiques de faire parler d’eux avant les élections, mais il ne m’est d’aucune utilité. Quelqu’un qui s’est dopé pendant 30 ans et n’a jamais travaillé peut obtenir plus que moi après avoir travaillé 32 ans. Je dois encore attendre quatorze ans avant de toucher ma pension d’indépendant et celle de mes années de travail dans le privé. D’ici là, je n’ai droit qu’aux trois années pendant lesquelles j’ai été fonctionnaire.”

“Je veux travailler”

Elli Wandelseck, originaire de Termonde, travaillait comme fonctionnaire pour l’administration pénitentiaire lorsqu’elle a été victime d’une agression violente dans la prison de Gand. “Je veux retravailler, pour mon estime de moi”, assure-t-elle. “Un prisonnier m’a jeté une chaise sur la tête. Le médecin du travail m’a renvoyée chez moi jusqu’à ce que je trouve un autre emploi. J’ai épuisé mes congés de maladie parce que je suis restée longtemps à la maison en raison de problèmes de santé mentale. Il y a sept ans, j’ai été placée sous le régime de pension pour incapacité physique. J’avais passé un concours pour un poste administratif au SPF Finances. Je devais pouvoir y travailler à partir du 1er juillet, mais j’ai été mis à la retraite définitive à la fin du mois de mai. J’avais donc un autre travail en tant que fonctionnaire, mais j’ai été mis à la retraite de manière impitoyable et absurde. »

Elli a deux enfants à charge, ce qui porte sa pension de maladie à 1.700 euros. “Mais je ne suis pas restée les bras croisés, j’ai commencé à suivre une formation pour adultes. Mais la troisième année, j’ai été informée que je devais rembourser la bourse que j’avais reçue pendant deux ans, ‘parce que de toute façon, je n’entrerais pas sur le marché du travail’. Je suis toujours en train de rembourser. J’ai demandé au service des pensions si je pouvais retravailler. Je le peux, pour un maximum de 1.025 euros par an, car je bénéficie d’une pension complémentaire. Je peux et je veux travailler, mais je n’en ai pas le droit, sinon je perdrai ma pension. Je suis donc bénévole dans une petite épicerie. Le nouveau système qui permet à des personnes comme moi de gagner 10.000 euros bruts par an est une bonne chose. Je veux retravailler non seulement parce que ma pension nous a plongés dans la pauvreté, mais surtout pour mon estime de moi. Pouvoir travailler et apporter une contribution à la société, je trouve cela plus important que l’argent. »

Souare Mansour

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Si vous souhaitez recevoir votre revue de presse par email chaque matin, abonnez ici !