Présidentielle aux Comores: heurts dans la capitale, couvre-feu instauré
Un couvre-feu nocturne a
été instauré mercredi sur l’archipel des Comores, après des heurts
entre protestataires et forces de l’ordre dans la capitale, au lendemain
de l’annonce de la victoire au premier tour du sortant Azali Assoumani à
la présidentielle, émaillée de « fraudes », selon l’opposition.
« Un
couvre-feu a été instauré », a annoncé dans la soirée à la télévision
nationale le délégué à la Défense, Youssoufa Mohamed Ali.
Selon
le décret paru dans la foulée, la mesure qui entre en vigueur
immédiatement place Moroni sous couvre-feu entre 19H00 (16H00 GMT) et
06H00 (03H00 GMT), ainsi que le reste du territoire entre 22H00 (19H00
GMT) et 06H00.
Tout
au long de la journée, dans les rues de Moroni, des barrages de fortune
faits de bouts de bitume, de pierres et d’appareils électroménagers ont
été dressés sur la chaussée. De nombreux commerces sont restés fermés.
Des
carcasses de voitures calcinées sur les bas-côtés et des restes de
pneus brûlés donnaient à la capitale des allures de ville en proie à une
guérilla urbaine. Plusieurs bâtiments ont été incendiés, ont constaté
des journalistes de l’AFP.
Le
centre de la capitale, qui compte quelque 100.000 habitants, a été
bouclé par des policiers, gendarmes et militaires déployés en nombre. La
route menant au principal aéroport de l’archipel de l’océan Indien,
composé des îles Grande-Comore, Anjouan et Mohéli, a été bloquée.
La connexion internet a été partiellement interrompue, le principal opérateur évoquant des « perturbations ».
Dans
les ruelles du quartier populaire de la Coulée (nord), des groupes de
jeunes ont lancé des pierres en direction des forces de l’ordre, qui ont
répliqué systématiquement par des jets de gaz lacrymogène. Des
détonations ont retenti dans plusieurs quartiers.
« Tout
le monde est parti. Je pars aussi, j’ai été aspergée de gaz », dit à
l’AFP Amina, vendeuse du grand marché de Volo-Volo. L’endroit
habituellement animé est resté désert, les étals vides.
Dans
certaines écoles, élèves et personnels sont restés cloîtrés. Selon un
témoin, un dépôt de riz, aliment de base dans l’archipel, a été
vandalisé et pillé.
Le
porte-parole du gouvernement a dénoncé auprès de l’AFP des « troubles
publics ». La contestation est souvent rapidement étouffée dans ce pays
tenu d’une main de fer.
« C’est
organisé par ceux qui n’avalent pas la défaite », a affirmé Houmed
Msaidie, évoquant des arrestations sans donner de chiffre.
La
veille, il avait mis en garde: « Ils ont été vaincus (…) Qu’ils ne
tentent pas d’être en colère, nous ne laisserons pas faire ».
L’ONU
a lancé de son côté un appel « au calme », exhortant dans un communiqué
les autorités comoriennes à respecter le droit de manifester et les
« principes démocratiques ».
– « Grossière fraude » –L’opposition,
qui avait appelé « le peuple comorien » à « faire respecter la volonté et
le choix électoral du peuple », a réclamé mercredi l' »annulation » des
élections de dimanche.
Quelque
340.000 électeurs étaient appelés à se rendre aux urnes pour élire leur
président et les gouverneurs des trois îles du pays.
Le
scrutin présidentiel a enregistré une participation exceptionnellement
faible de 16,30%, selon la commission électorale (Ceni), contrastant
avec une première estimation publiée dimanche soir à plus de 60%.
« Incontestablement,
ces scrutins (…) ne sont pas valides. Nous les dénonçons et demandons
leur annulation pure et simple », ont déclaré dans un communiqué commun
les cinq candidats rivaux d’Azali.
Selon
eux, les chiffres officiels de participation montrent qu’environ 2/3
des votants se sont prononcés pour élire leurs gouverneurs mais pas pour
choisir leur président.
Un tel écart de participation est « impossible », estime l’opposition, et « une grossière fraude est ainsi établie ».
Quelque
189.497 votants ont voté pour leurs gouverneurs, mais seulement 55.258
au scrutin présidentiel, selon les chiffres officiels.
L’opposition
avait par ailleurs affirmé, dès dimanche, avoir constaté de nombreuses
irrégularités pendant le vote et notamment des « bourrages d’urnes ».
Azali
Assoumani, ancien militaire putschiste de 65 ans, a remporté 62,97% des
voix, selon les résultats provisoires. Il doit ainsi rempiler pour un
troisième mandat consécutif qui devrait le maintenir au pouvoir jusqu’en
2029.
Les
résultats du scrutin doivent encore être validés par la Cour suprême,
plus haute juridiction du pays de 870.000 habitants, dont 45% vivent
sous le seuil de pauvreté.