Deux Rwandais reconnus coupables de crimes de génocide et de guerre par un jury d’assises à Bruxelles

Deux Rwandais reconnus coupables de crimes de génocide et de guerre par un jury d’assises à Bruxelles

Le jury de la cour d’assises de Bruxelles a déclaré, mardi soir vers 20h20, Séraphin Twahirwa et Pierre Basabosé coupables de crimes de génocide et de crimes de guerre, commis au Rwanda en 1994. Les jurés ont établi que les deux Rwandais vivant en Belgique ont commis de nombreux meurtres et de nombreuses tentatives de meurtre à Kigali sur des Tutsis et des Hutus modérés, entre avril et juillet 1994. Ils ont également établi que le premier avait aussi commis de nombreux viols sur des femmes Tutsi.

Pierre Basabosé, âgé de 76 ans, et Séraphin Twahirwa, âgé de 65 ans, étaient poursuivis devant la cour d’assises de Bruxelles pour répondre de crimes de génocide et de crimes de guerre. Le parquet fédéral avait requis leur culpabilité pour 56 meurtres au moins commis durant le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, ainsi que pour au moins 13 tentatives de meurtre, mais aussi, concernant Twahirwa uniquement, pour 12 viols. Le jury n’a pas estimé que la culpabilité des deux accusés étaient établies pour tous ces crimes, mais pour la majeure partie d’entre eux.

Séraphin Twahirwa était en particulier suspecté d’avoir dirigé des “interahamwe” (miliciens Hutus) à Kigali, surtout dans le secteur de Gikondo. Pierre Basabosé était, quant à lui, soupçonné essentiellement d’avoir fourni des armes aux interahamwe du même secteur à Kigali.

Pierre Basabosé, diagnostiqué comme atteint de dégénérescence mentale, n’avait pas été interrogé par la cour. Son avocat, Me Jean Flamme, avait plaidé son acquittement, remettant en cause la fiabilité des témoignages.

Des témoins “préparés”, selon la défense

Séraphin Twahirwa, lui, avait nié toute implication dans le génocide, affirmant qu’il avait quitté Kigali dès les premiers massacres début avril 1994. Ses avocats, Mes Vincent et Juliette Lurquin, avaient vigoureusement remis en question la manière dont l’instruction a été menée, parlant de témoins “préparés” au Rwanda pour charger la barque de l’accusé.

Dans sa motivation, le jury a exposé notamment que “si Séraphin Twahirwa a tenté d’occulter sa participation au génocide, sa thèse ne résiste pas aux témoignages de ses “interahamwe”, de son épouse, de victimes survivantes et d’habitants du secteur de Gikondo”.

Le jury a retenu de ces témoignages que Twahirwa a rassemblé ses interahamwe dès le 6 avril 1994 en soirée, immédiatement après l’attentat sur l’avion du président Habyarimana. “Les agissements de ses hommes traduisaient les instructions de sa part”, a considéré le jury. “Il a donné l’ordre des différentes attaques. C’est lui qui décidait quels Tutsis devaient être tués et quels Tutsis devaient éventuellement être épargnés pour être tués plus tard”.

Le jury a également insisté sur la “détermination” de Twahirwa. “Il n’a pas hésité à tuer son beau-frère ainsi que des enfants et des bébés en les projetant contre un mur”.

“Une balle entre les jambes n’est pas un hasard”

Quant aux nombreux viols dont il est coupable, le jury a estimé que ces crimes “dépassaient les propres pulsions sexuelles de Séraphin Twahirwa, celui-ci prenant soin de blesser physiquement les femmes Tutsi et de les humilier”. Pour preuve, le fait que des femmes ont été retrouvées “une balle entre les jambes n’est pas un hasard”, a souligné le jury. Ces viols sont une “atteinte à la fécondité des femmes Tutsi et à leurs liens sociaux, compte tenu du tabou profond sur le viol” dans la culture rwandaise, ont établi les jurés.

Au sujet de Pierre Basabosé, le jury a retenu qu’il était “doté de moyens financiers importants et qu’il s’en est servi pour financer un média, la Radio Télévision Libre des Mille collines (RTLM), qui alimentait un sentiment de haine à l’égard des Tutsis”. Il a aussi considéré que Basabosé a financé les interahamwe du secteur de Gikondo, notamment dans “leurs missions d’espionnage et d’assassinat des Tutsis”.

Une aide financière et logistique

Cette aide n’était pas seulement financière, ont établi les jurés, mais aussi logistique. Basabosé a mis à disposition des interahamwe certains de ses véhicules “afin qu’ils mènent à bien leurs expéditions punitives”. Outre les véhicules, Basabosé “a participé à l’approvisionnement des interahamwe en armes”, ont encore affirmé les jurés, se basant sur les récits de témoins. “Il collaborait aussi à détecter les recrues” et “propageait lui-même un discours de sensibilisation à la haine à l’égard des Tutsis”, certains témoins ayant relaté qu’il “félicitait, aux barrières (de contrôle, NDLR), les interahamwe qui avaient bien travaillé”.

En conclusion, le jury a estimé que Basabosé “a cautionné voire encouragé par sa présence les crimes” commis à Gikondo, et qu’il “était au cœur de la machine génocidaire”, au point de “porter assistance à des génocidaires lors de leur fuite”.

Enfin, le jury a déclaré qu’actuellement cet homme est dans un état de santé “altérant sa capacité de discernement”. Plusieurs experts psychiatres ont en effet diagnostiqué chez lui un “trouble mental de type démentiel”, a relevé le jury, “qui l’empêche de jouir de toutes ses facultés mentales, même s’il présente quelques moments de plus grande lucidité”.

Après plus de deux heures de lecture de l’arrêt de culpabilité, la cour a fixé le débat sur la peine à mercredi dès 14h00 pour le réquisitoire de la procureure. Les avocats de la défense, eux, plaideront jeudi matin dès 09h00.

Souare Mansour

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