Tunisie: le Parlement examine une loi inédite pour punir toute normalisation avec Israël
Le Parlement tunisien a entamé jeudi des débats autour d’un projet de loi qui considère comme un crime et punit d’une peine de prison, pouvant aller jusqu’à la perpétuité, toute normalisation avec Israël, un texte inédit pour la région.
« Nous confirmons qu’il y a une harmonie complète entre la position du président, celle du Parlement et les aspirations de l’opinion publique », a dit le président du Parlement, Brahim Bouderbala, à l’ouverture d’une séance plénière de l’Assemblée des représentants du peuple (chambre basse) devant examiner le texte.
« Nous sommes fermement
convaincus que la Palestine doit être libérée du fleuve à la mer, que la
patrie entière doit être restaurée et que l’Etat palestinien doit être
établi avec la Sainte Jérusalem comme capitale », a-t-il ajouté.
Le
projet de loi comprend six articles et a été élaboré par des députés
partisans du président Kais Saied, qui a révisé la Constitution pour
établir un régime ultra-présidentiel après un coup de force à l’été
2021.
Ces
dernières semaines, des milliers de Tunisiens ont manifesté en soutien
aux Palestiniens, M. Saied dénonçant une « situation inacceptable » dans
la bande de Gaza. Il a qualifié de « haute trahison » toute normalisation
avec Israël, se défendant de tout antisémitisme.
La
Tunisie, qui a accueilli l’OLP à l’époque de Yasser Arafat, entre 1982
et 1994, soutient depuis toujours la cause palestinienne.
Le
texte débattu par les députés définit la « normalisation » comme « la
reconnaissance de l’entité sioniste ou l’établissement de relations
directes ou indirectes » avec Israël.
Il
prévoit une peine de 6 à 12 ans de prison pour « haute trahison » pour
quiconque commet « le crime de normalisation » et la réclusion à
perpétuité en cas de récidive.
Cette
loi interdit « tous les actes intentionnels impliquant la communication,
le contact, la propagande, la conclusion de contrats ou la coopération,
directement ou indirectement, par des personnes physiques ou morales de
nationalité tunisienne avec toutes les personnes physiques et morales,
affiliées à l’entité sioniste ».
Toute
interaction est interdite aussi aux Tunisiens avec « les individus, les
institutions, les organisations, les entités gouvernementales ou non
gouvernementales » liés à Israël, « à l’exception des Palestiniens de
l’intérieur ».
« Participer
à des activités, événements, manifestations, réunions, expositions,
compétitions, qu’elles soient politiques, économiques, scientifiques,
culturelles, artistiques ou sportives, se déroulant sur le territoire
occupé ou contrôlé » par Israël est également prohibé.
– « déterminer les répercussions » de la loi –
Dans
son discours, M. Bouderbala a pointé du doigt une « approbation de
l’Occident et principalement des Etats-Unis et de nombreux pays
européens » à « l’un des plus grands crimes commis contre l’humanité: le
meurtre, la destruction et l’utilisation d’armes interdites au niveau
international ».
Malgré un consensus sur le texte entre les environ 160 députés, le Parlement ne devrait pas voter immédiatement cette loi.
Le
ministre des Affaires étrangères Nabil Ammar a estimé mercredi soir
dans une interview sur la chaîne de télévision Wataniya qu' »il faut du
temps pour exprimer un avis sur ce projet ».
« Chaque
loi doit être étudiée pour déterminer ses répercussions. Nous ne
pouvons pas promulguer une loi en deux jours. Qui criminalisons-nous?
Nous n’avons aucune relation avec l’entité sioniste, alors qu’est-ce que
nous criminalisons? », s’est-il interrogé.
La
communauté juive tunisienne compte un millier de personnes, dont une
majorité vivent sur l’île de Djerba (sud) où est organisé tous les ans
en mai un pèlerinage à la synagogue de la Ghriba qui attire des milliers
de personnes.