« On ne sait pas où aller », les déplacés au sud de Gaza manquent de tout
« Nous ne savons pas quoi faire ni où aller »: depuis que l’armée israélienne leur a ordonné de quitter le nord de la bande de Gaza, des milliers de Palestiniens s’entassent dans le sud de l’enclave proche de l’Egypte, où ils manquent de tout.
A Khan Younès, l’une des deux grandes villes du sud, les écoles de l’UNRWA, l’agence de l’ONU en charge des réfugiés palestiniens, ont été vite débordées par l’afflux de familles.
‘est toujours vers cette agence qu’on se tourne à
Gaza, où plus de 80% des habitants sont des descendants de réfugiés,
chassés de leur terre à la création d’Israël en 1948.
Avec les écoles pleines à craquer, la cour et les couloirs de l’hôpital Nasser se remplissent désormais de milliers de déplacés.
Aux
alentours, les rayons des magasins sont vides, car ils ne peuvent plus
s’approvisionner après qu’Israël a décrété le siège total de Gaza, ne
laissant plus y entrer ni biens, ni carburant ni eau ni électricité pour
les 2,4 millions d’habitants.
« C’est
un désastre, il n’y a rien à manger, nous ne savons pas où dormir, et
nous ne savons pas quoi faire ni où aller », se lamente Jouma Nasser, un
quadragénaire accompagné de sa mère, de sa femme et de leurs sept
enfants.
Devant
l’hôpital, assises à même le sol, des familles entières sont livrées à
elles-mêmes, certains pleurent, d’autres affichent des visages effrayés
et choqués.
A
l’intérieur, les équipes médicales épuisées travaillent sans relâche
tant la zone a été le théâtre, ces dernières heures, d’intenses
bombardements israéliens.
Depuis
que l’armée israélienne a largué vendredi des tracts ordonnant aux
habitants du nord de Gaza de fuir « immédiatement » vers le sud, tous
redoutent une offensive terrestre.
Déjà,
en réponse, à l’attaque surprise du Hamas qui a fait le 7 octobre au
moins 1.300 morts, l’armée israélienne pilonne sans répit l’enclave de
362 km2, bordée au nord et à l’est par Israël, à l’ouest par la
Méditerranée et au sud par l’Egypte.
Plus
de 2.200 Palestiniens, la plupart des civils, dont 724 enfants, selon
les autorités locales, sont morts dans la bande de Gaza.
Ce
territoire exigu est soumis à un blocus israélien terrestre, aérien et
maritime depuis que le Hamas y a pris le pouvoir il y a 16 ans.
– « Nourrir les enfants » –
A
Khan Younès, en face de l’hôpital Nasser, des dizaines de familles de
déplacés gazaouis ont investi une école de l’UNRWA, entassant linge,
matelas et paquets dans les classes et la cour de recréation.
« Notre
situation est tragique, il n’y a pas assez de nourriture ni d’eau. Nous
ne savons pas si nous allons mourir ici ou s’ils nous forceront à aller
en Égypte ou à retourner dans nos logements, qui ont peut-être été
détruits », affirme à l’AFP Ahmed Abu Shaar, père de 13 enfants.
A
Rafah, moins d’une dizaine de kilomètres plus au sud, des familles
entières errent dans les rues à la recherche d’un logement, ont constaté
des journalistes de l’AFP sur place.
Dans
le camp de réfugiés de cette petite ville frontalière de l’Egypte, un
restaurant a servi des falafels sans discontinuer vendredi jusqu’à ce
qu’il épuise ses stocks tard dans la nuit.
Devant
un point de distribution d’eau, des dizaines de personnes attendent
leur tour pour pouvoir remplir leurs gallons du précieux liquide.
L’ordre
d’évacuation qui concerne environ 1,1 million d’habitants du nord de la
bande de Gaza aura des conséquences « dévastatrices », prévient l’ONU.
L’armée a accusé le Hamas, qui a rejeté l’appel à l’évacuation, de tenter de bloquer les départs.
– « Deuxième Nakba » –
Plus de 423.000 Palestiniens ont déjà quitté leur foyer, et 5.540 maisons détruites, selon l’ONU.
Le
président palestinien, Mahmoud Abbas, a assimilé un tel « déplacement » à
une « deuxième Nakba » (« Catastrophe », en arabe), en référence à l’exode
de quelque 760.000 Palestiniens à la création de l’Etat d’Israël.
De
nombreux Palestiniens cherchent à quitter la bande de Gaza assiégée. Au
poste-frontière de Rafah, le seul qui ne soit pas sous contrôle
d’Israël, des centaines de Palestiniens munis de passeports étrangers se
sont rassemblés, espérant pouvoir traverser vers l’Egypte.
Israël
et l’Egypte ont donné leur feu vert pour laisser les Américains sortir
de la bande de Gaza samedi à travers le point de passage de Rafah, a
indiqué à l’AFP un responsable américain sous couvert de l’anonymat.
Mais
ce point de passage est fermé depuis mardi après trois bombardements
israéliens en moins de 24 heures, qui ont notamment endommagé le
terminal côté palestinien.
En
attendant, Rami Omar Al-Sharafi, titulaire d’un passeport américain,
raconte: « on nous a dit à 02H00 du matin de nous rendre au terminal
entre 12H00 et 17H00 ».
« A cause des bombardements, la route est très dangereuse et j’ai des enfants avec moi », affirme-t-il.
« Jusqu’à présent, l’ambassade n’a pas communiqué avec moi, j’attends de voir ce qu’il va se passer ».