L’Arabie Saoudite suspend les discussions sur une possible normalisation avec Israël
L’Arabie saoudite, poids lourd du Moyen-Orient, a décidé de suspendre les négociations sur une possible normalisation avec Israël parrainées par les Etats-Unis, une semaine après le début de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien.
Cette décision a été annoncée samedi par une source proche du gouvernement, en pleine visite du secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, arrivé vendredi soir à Ryad après des visites en Israël et dans plusieurs pays arabes.
Le 7 octobre, des centaines de combattants du Hamas
ont infiltré Israël depuis la bande de Gaza, tuant et enlevant des
civils et semant la terreur sous un déluge de roquettes. Au moins 1.300
Israéliens, la plupart des civils, ont été tués depuis l’attaque.
En
riposte, l’armée israélienne a mené des raids dévastateurs dans la
bande de Gaza contrôlée par le Hamas, où plus de 2.200 Palestiniens, la
plupart des civils, dont 724 enfants, ont péri selon les autorités
locales. L’armée a également appelé les habitants du nord de la bande de
Gaza à l’évacuer.
Vendredi,
dans sa critique la plus vive émise à l’égard d’Israël depuis le 7
octobre, Ryad a dit rejeter « catégoriquement » tout déplacement de la
population de Gaza et condamné le bombardement de « civils sans défense ».
L’Arabie
saoudite, gardienne des premiers lieux saints de l’islam, « a décidé de
suspendre les discussions sur une éventuelle normalisation avec Israël
et en a informé les responsables américains », a affirmé à l’AFP une
source proche du gouvernement saoudien.
Le
royaume du Golfe n’a jamais reconnu Israël et n’a pas adhéré aux
accords d’Abraham de 2020, négociés par les Etats-Unis, qui ont permis à
ses voisins, Bahreïn et les Emirats arabes unis, ainsi qu’au Maroc,
d’établir des liens officiels avec Israël.
Il
était pressé ces derniers mois par l’administration américaine de faire
de même, Ryad exigeant en échange des garanties de sécurité de
Washington et une aide au développement d’un programme nucléaire civil.
– « Très difficile » –
« C’est
une situation très difficile » a déclaré le ministre saoudien des
Affaires étrangères, Fayçal ben Farhan après sa rencontre avec Antony
Blinken à Ryad.
« La
priorité doit être de mettre un terme aux souffrances des civils et
nous devons trouver un moyen de désamorcer rapidement la situation pour
ramener la paix -au moins en arrêtant les armes- et ensuite travailler à
relever les défis humanitaires », a-t-il ajouté.
M. Blinken a de nouveau souligné l' »importance vitale » de protéger les civils.
« C’est
exactement ce que nous faisons ensemble. Nous travaillons notamment à
l’établissement de zones sûres à Gaza et d’un corridor permettant à
l’aide humanitaire d’atteindre les personnes qui en ont besoin », a-t-il
affirmé.
Plus
tôt, un responsable américain accompagnant M. Blinken a déclaré à l’AFP
que les Etats-Unis avaient obtenu l’accord de l’Egypte et d’Israël pour
l’ouverture samedi du seul point de passage entre Gaza et l’Egypte aux
ressortissants américains voulant quitter le territoire assiégé par
Israël.
Dans
une interview accordée à Fox News le mois dernier, le prince héritier
et dirigeant de facto du royaume, Mohammed ben Salmane, avait dit se
« rapprocher tous les jours » d’un accord de normalisation avec Israël,
tout en soulignant l’importance de la question palestinienne pour son
pays.
– « Pas possible » –
« La
normalisation entre le royaume et Israël est une initiative et un
projet américain que Ryad a salué si les Etats-Unis pourraient obtenir
un accord sur un règlement du conflit entre Israéliens et Palestiniens,
un accord que les Palestiniens accepteraient », a déclaré l’analyste
saoudien Hesham Alghannam.
« En
réalité, Israël n’était pas vraiment prêt à conclure un accord avec les
Palestiniens qui répondrait au minimum de leurs demandes » a-t-il
ajouté.
Après le déclenchement du conflit, l’Arabie saoudite a entrepris des efforts pour tenter de « mettre fin à l’escalade ».
Jeudi,
le prince héritier saoudien a parlé au téléphone avec le président
iranien Ebrahim Raïssi. C’était le premier contact entre les deux hommes
depuis le rapprochement surprise entre les deux pays en mars, après
sept ans de rupture.
Pour
Joost Hiltermann, le directeur de l’International Crisis Group pour le
Moyen-Orient, « il n’est pas possible pour aucun pays arabe de s’engager
sérieusement dans des discussions sur la normalisation avec Israël alors
que sa population voit ce qui se passe à Gaza ».