La livraison de F-16 à l’Ukraine divise la majorité: “Il n’y a aucune idéologie”, assure Dedonder

La livraison de F-16 à l’Ukraine divise la majorité: “Il n’y a aucune idéologie”, assure Dedonder

La possibilité de livrer des F-16 à l’Ukraine suscite des tensions dans la majorité. Le MR estime que la Belgique peut faire plus et accuse la ministre de la Défense, Ludivine Dedonder, d’une posture idéologique. Interrogée mercredi en commission de la Chambre, l’intéressée s’en est défendue et assuré que la position actuelle du gouvernement reposait sur le maintien de la capacité opérationnelle de la Belgique.

Il y a 15 jours, le gouvernement, sur requête du MR, a demandé à la Défense une étude sur l’utilisation possible des F-16 qui seront “déclassés”, c’est-à-dire retirés du service. Ces avions, qui sont appelés à être remplacés par des F-35 dans les années à venir, sont anciens et certains approchent de la limite des 8.000 heures de vol. Un appareil a déjà été retiré du service, un deuxième le sera cette année encore, un troisième en 2024 et le reste de la flotte le sera entre 2025 et 2028 parallèlement à l’arrivée des F-35.

“Un don immédiat, ce n’est pas possible”, a expliqué Mme Dedonder (PS), assurant que les arguments dans ce sens avaient déjà été développés en mai, quand la Belgique a décidé d’intégrer la coalition F-16 menée par les Pays-Bas et le Danemark. “Il n’y a aucune idéologie”, a-t-elle ajouté.

“Vous n’allez pas décider seule de ce que doit être l’ampleur du soutien à l’Ukraine. Vous êtes dans un collège gouvernemental, je vous invite à écouter les autres composantes de la majorité. Je perçois dans votre positionnement une posture idéologique et ça me dérange”, a souligné Denis Ducarme (MR). Le député libéral a rappelé qu’à la veille du conflit, la Belgique entendait se limiter à la fourniture de matériel non létal à l’Ukraine avant de changer de position.

Une “cacophonie”, regrette l’Open Vld

L’Open Vld, parti du Premier ministre, a regretté une “cacophonie” dans ce dossier. “C’est en fonction de données techniques que le gouvernement prendra une décision politique”, a fait remarquer Jasper Pillen qui souhaite une étude étendue à d’autres aspects: possibilité de livrer des avions qui n’ont pas atteint les 8.000 heures, initiatives qui pourraient être prises à l’égard des avions qui ont atteint les 8.000 heures, accélération de la livraison des F-35, etc. “Ce n’est pas comme si, après avoir atteint les 8.000 heures, les avions allaient tomber du ciel”.

Vooruit n’est pas fermé à la livraison de F-16 à l’Ukraine: “C’est surtout une discussion technique avant qu’un choix politique puisse être fait. Nous sommes partisans de donner des F-16 si c’est possible mais nous n’avons pas encore une vue suffisamment claire pour nous prononcer”, a expliqué Kris Verduyckt.

L’attitude du MR “néfaste à la crédibilité du pays”

Les Verts s’inscrivent sur la ligne de la ministre de la Défense. Ils veulent s’en tenir à l’approche technique du dossier et pointent du doigt l’attitude du MR qu’ils jugent “néfaste à la crédibilité du pays”. “Cela donne l’impression que l’on a des doutes sur notre appui à l’Ukraine mais personne n’a des doutes. C’est une question technique et non politique”, a jugé Wouter De Vriendt.

Dans l’opposition, la N-VA a réclamé la transparence et attend une étude “technique” et non “politique” qui conforterait la position de la ministre. “Beaucoup d’autres pays, comparables au nôtre, soutiennent beaucoup plus l’Ukraine. On peut faire mieux”, a affirmé Peter Buysrogge.

“De quel côté de l’Histoire veut se trouver la Belgique?”

Le ton est montré entre le PS d’un côté et les Engagés ainsi que le MR de l’autre. Georges Dallemagne (Les Engagés) a répété ses critiques sur une aide militaire belge à l’Ukraine qu’il juge insuffisante. “Ces avions sont indispensables pour la couverture des troupes au sol et ils sont réclamés depuis le début de la guerre par les Ukrainiens”, a-t-il fait remarquer. “De quel côté de l’Histoire veut se trouver la Belgique?” Des propos qui ont hérissé les écologistes mais aussi les socialistes. “Si l’on prend toutes les aides à l’Ukraine depuis le début du conflit, dire qu’on ne fait rien, c’est du mensonge”, a répliqué André Flahaut (PS).

Le Belang s’abstient

À l’extrême-droite, le Vlaams Belang — prudent dans ce dossier depuis qu’il a été accusé de proximité idéologique avec Vladimir Poutine — a évité de se prononcer sur la question. Il a mis en garde contre la “surenchère” et s’interroge sur les risques de représailles qu’entraînerait le don à l’Ukraine d’avions utilisés pour combattre la Russie.

La ministre a minimisé le danger. “C’est un fait que la Russie utilise chaque nouvelle livraison d’armes pour accuser les partenaires de l’Ukraine d’implication directe dans le conflit mais il est peu vraisemblable que cela mène à une escalade militaire. Le gain pour la Russie se situe plutôt dans sa propagande. Il n’en demeure pas moins que la Russie, dans sa stratégie continue de porter atteinte à l’unité de l’Alliance atlantique et saper les soutiens à l’Ukraine, pourrait recourir à des mesures pour affecter les pays soutenant l’Ukraine, y compris le nôtre. Le SGRS (renseignement militaire) continue à monitorer les actions hostiles auxquelles la Russie pourrait recourir, notamment dans le domaine hybride et informationnel”, a-t-elle expliqué.

La Belgique s’est engagée en mai à rejoindre la “coalition F-16″ dirigée par le Danemark et les Pays Bas mais, à la différence de ces deux pays qui disposent déjà de F-35, elle ne fournira pas d’avions; elle s’investira dans la formation des pilotes et des techniciens en utilisant d’ailleurs deux de ses F-16. Il y a 15 jours, le Premier ministre, Alexander De Croo, a rappelé que la Belgique aurait encore besoin de ses avions de combat durant deux à quatre ans.

Souare Mansour

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