Présidentielle : Je me présente, donc je suis (Par Adama Ndiaye)

Présidentielle : Je me présente, donc je suis (Par Adama Ndiaye)

La question n’est plus qui est candidat à l’élection présidentielle, mais qui n’est pas candidat à ce scrutin ? À l’exception notable de Thierno Bocoum, tous les hommes politiques, qui ont plus ou moins de notoriété, briguent la Magistrature suprême. À cette pléthore de personnalités issues du sérail, s’ajoutent des figures du secteur privé, des médias, de la société civile, du sport, mais aussi du show-biz, des chroniqueurs, et même des individus, inclassables, qui ont fait leur apparition dans le débat public au cours de la l’affaire Adji Sarr – Ousmane Sonko. Sans parler de cette cohorte d’anonymes à la recherche de leur quart d’heure de gloire par le biais d’une manchette de journal.

Plus de 126 personnes aspirent à diriger le Sénégal.  Ce n’est plus la présidentielle 2024 mais la Star Academy 2024.

“Je me présente donc je suis”, semble être le credo en vogue.  La course à l’élection présidentielle ressemble à celle pour le nouvel I-Phone, ou pour la dernière SUV à la mode. Beaucoup de ces gens se présentent non pas pour apporter des réponses aux problèmes des Sénégalais mais par pur narcissisme, pour se persuader de leur propre réalité,  par mimétisme et vanité : pourquoi lui et pas moi. À ce propos, j’ai regardé avec stupéfaction, récemment, un de ses candidats, entouré de sa cour. Un de ses laudateurs, s’exprimant en wolof, lui disait : “Deuk bi kenneu eupeulé woula fi dara, kone nek président diombou la” (que le lecteur me pardonne de ne pas avoir le wolof académique du Dr Massamba Gueye. Ce qui grosso modo en français : “Personne n’est plus légitime que toi, absolument rien ne t’empêche d’être Président”.

Cette sortie résume parfaitement l’état d’esprit qui sous-tend beaucoup de ces candidatures.

Dans ce pays où l’on fait beaucoup de choses avec légèreté, il ne faut pas, néanmoins négliger l’aspect “buzz”, “show”,  en résumé la dimension ludique de ces déclarations de candidature.

Quand bien même, l’on est saisi par un sentiment de malaise, voire de honte avec cette guirlande de candidatures.

D’ordinaire, je ne suis pas féru des théories déclinistes mais on ne peut pas nier que le Sénégal va à vau-l’eau lorsque l’on lit attentivement les noms de certaines personnes qui ont déclaré leur candidature ou qui ont envoyé des mandataires à la pauvre Direction Générale des Élections (DGE) recueillir des fiches de parrainage.  On doit presque se pincer pour y croire.

Comprenons-nous bien : mon propos n’est pas de dire que les affaires publiques doivent être l’apanage exclusif de la seule caste politicienne. D’ailleurs bien des candidatures me semblent originales et rafraîchissantes, mais la politique est une affaire trop sérieuse pour la laisser entre certaines mains. Nous avons  besoin de retrouver une certaine hauteur, une certaine noblesse, une certaine dignité dans la manière de faire de la politique. Je ne suis pas sûr que ces candidats insolites puissent nous aider à y parvenir. Bien au contraire, ils risquent d’accentuer le néant dans lequel nous nous trouvons.

En République Démocratique du Congo, le Dr Denis Mukwege vient de déclarer sa candidature à l’élection présidentielle. Dans l’entretien qu’il a accordé à Jeune Afrique, on sent un homme habité par le désir de réparer le Congo après avoir réparé les femmes victimes de viol.  “Notre pays est devenu la honte du continent”, a-t-il clamé. Le nôtre n’est pas loin d’en devenir la risée avec cette foire aux candidatures.

Souare Mansour

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