Ce si consensuel M. Ba ! (Par Adama Ndiaye)

Ce si consensuel M. Ba ! (Par Adama Ndiaye)

usqu’ici tout va bien pour Amadou Bâ. Le Président de la République, Macky Sall, lui a servi sa machine électorale – en perte de vitesse après les dernières locales et législatives – sur un plateau d’argent. 

À part les défections de Aly Ngouille Ndiaye, maire de Linguère et ancien ministre de l’Agriculture,  et celle de Mame Boye Diao, maire de Kolda et ex Directeur de la Caisse des Dépôts et des Consignations, la coalition Benno Bokk Yakaar, s’est rangée derrière sa candidature. Le Parti socialiste (PS), l’Alliance des Forces de Progrès (AFP) ou encore la Ligue Démocratique (LD), ont acquiescé sans broncher la décision de Macky Sall de miser sur l’actuel chef du gouvernement. 

Abdoulaye Daouda Diallo, à qui l’on prêtait l’intention d’entrer en dissidence, a finalement affiché un soutien timide et sans enthousiasme à M. Ba. 
Le plus fascinant dans la désignation de l’ancien Directeur des Impôts et des Domaines comme porte-étendard de la majorité présidentielle est qu’elle semble avoir également tétanisé l’opposition, qui ne l’a pas attaqué aussi vivement que l’on pouvait s’y ’attendre.  Il faut dire que tout au long de sa discrète ascension politique, l’homme s’est fait un devoir de ne fâcher personne et de savoir cultiver les relations. L’intéressé reconnaît d’ailleurs que son ouverture et sa capacité à choyer ses adversaires sont une de ses forces. “L’un de mes atouts, c’est que je parle à tout le monde, concède-t-il. Je suis en mesure de mobiliser aussi bien dans les milieux d’affaires que dans la société civile, et je cultive de bonnes relations avec les partenaires techniques et financiers internationaux du Sénégal”. 
Amadou Ba a-t-il seulement des ennemis ? Si oui, ils se font bien discrets. 
En parlant de la société civile, on se souvient des mots bienveillants de Seydi Gassama – pourtant peu suspect de connivence avec le pouvoir -lors de la déclaration de politique générale de M. Ba. 

Le chef d’un parti d’opposition, cité par Jeune Afrique, souligne que l’ancien ministre de l’Économie et ex chef de la diplomatie a des sympathies jusque dans les rangs de PASTEF : “Il a effectivement établi des passerelles avec le parti d’Ousmane Sonko. D’ailleurs, vous remarquerez que l’état-major de Pastef s’est abstenu de toute attaque virulente à son encontre depuis qu’il a été désigné candidat”. 
Sa capacité de séduction des élites sera-t-elle néanmoins suffisante pour lui permettre de triompher lors de la prochaine présidentielle alors qu’un vent fort de dégagisme anti-système souffle sur le Sénégal ?  
Pour gagner une élection présidentielle, il faut deux qualités essentielles : mobiliser son propre camp et savoir persuader les électeurs récalcitrants. En somme : être rassembleur. Le gros hic pour le chef du gouvernement reste sa condition d’héritier du bilan et du passif de Macky Sall.  Comment pourra-t-il défendre les points positifs de l’un, et s’écarter des ratés ? Saura-t-il imprimer un style et un discours qui lui sont propres, tout en étant l’homme de la continuité ? Demeurer Macky, se défaire de Sall, et imprimer la griffe Bâ…Tout un programme.
Une chose est certaine, Amadou Ba devra se dévoiler, et oser risquer l’impopularité. À un moment donné, il devra mettre sur la table des propositions clivantes.  Il devra nous montrer qui est réellement Amadou Ba, au-delà du personnage lisse et consensuel qui a gravi les échelons sans faire de vagues. 
Si le charisme et l’art oratoire semblent être ses talons d’Achille, la mesure, la dignité et le sens de l’État dont il fait preuve demeurent une bouffée d’oxygène sur la scène politique sénégalaise emplie de bruit et de ridicules pantalonnades et autres bouffonneries. Alors que ses camarades de BBY ou de l’APR se sont vautrés dans le larbinisme en incitant le chef de l’État à briguer un troisième mandat, ou se sont échinés à défendre l’indéfendable lors des troubles politiques, Amadou Bâ s’est au contraire distingué par sa réserve.
Si la forme n’était pas renversante – Amadou Ba n’a pas le verbe de Barack Obama – sa déclaration de politique générale, sur le fond, était un morceau de solennité républicaine et de sens de l’intérêt général.  Cela peut sembler anodin, mais les hommes politiques se sont tellement avilis et rabaissés sous nos latitudes, que ce simple moment de dignité et de tempérament a détonné. 

Souare Mansour

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