Abdou Karim FOFANA répond aux 142 : La pétition des principes oubliés
Plus d’une centaine d’hommes et de femmes (beaucoup plus d’hommes que de femmes) du Sénégal et d’ailleurs ont signé une pétition relative, disent-ils, à la démocratie et à l’Etat de droit. Ces sujets leur ont, en réalité, servi de prétexte pour appeler à la libération d’un homme politique au mépris des principes de ce même Etat de droit.
Il
faut certes dire que, par leur démarche, ils s’inscrivent dans la
longue tradition du débat d’idées consubstantiel à notre démocratie,
s’éloignant ainsi, au moins momentanément, de l’apologie de la violence
et de l’introduction de termes inappropriés tels que le vulgaire « Gatsa
Gatsa » dans le débat public.
En
revanche, voir des intellectuels et professionnels du droit, pour la
majorité des signataires, fouler aux pieds le principe de la séparation
des pouvoirs nous interpelle. En effet, appeler le Président de la
République, par l’intermédiaire du Garde des Sceaux, à demander au
parquet de libérer un détenu inculpé par un juge d’instruction relève
soit d’une méconnaissance du fonctionnement de la justice – offense que
nous ne leur ferons pas – soit d’une tentative d’entretenir un amalgame à
dessein.
Il est
vrai que nous avions l’habitude des amalgames et manipulations d’un
groupe de politiciens signataires et de leurs alliés attitrés membres de
la société civile. Cette fois, ils ont pu compter sur le renfort
d’autres personnalités ainsi entrainées dans une démarche politicienne
dont cette pétition n’est qu’un énième reflet.
Lorsqu’on
lit la pétition, on a envie de demander aux signataires où ils étaient
quand le prisonnier dont ils appellent à la libération, au mépris du
droit, disaient à des jeunes « d’en finir avec Macky Sall » et de le
traiter « comme Samuel Doe » (ancien président libérien trainé par des
putschistes dans la rue jusque sur une place publique, torturé et
découpé en morceaux) en précisant que les jeunes sont bien entrainés et,
dotés d’armes, chacun d’entre eux pourra mener à bien ce projet ?
Où
se situait leur indignation à géométrie variable lorsqu’il demandait
encore à ses partisans de donner leur vie face aux forces de l’ordre
dans ce qu’il appelle un Jihad ? Quand il appelait l’armée à « prendre
ses responsabilités », appel que son ex-parti réitèrera dans un
communiqué daté du 1er juin 2023 exhortant au coup d’Etat ?
Que
doit-on comprendre lorsque ces signataires qui se présentent comme des
humanistes passent sous silence l’attentat sur un bus ayant causé la
mort d’une jeune femme de vingt et un ans et d’une jeune fille de sept
ans, à la suite des appels à l’insurrection du justiciable qui bénéficie
de leurs signatures ? Lorsqu’ils restent muets sur les appels répétés
au coup d’Etat et aux mouvements insurrectionnels rendus publics par le
parti dont ils contestent la dissolution alors que ces actes ont
constitué un manquement aux obligations des partis politiques figurant à
l’article 4 de notre Constitution et à l’article 4 de la loi n°81-17 du
06 mai 1981 modifiée par la loi n° 89-36 du 12 octobre 1989 ?
Que
dire quand des professeurs d’université détournent leurs regards face
aux incendies de facultés et de bibliothèques universitaires ? Quand des
journalistes ne versent la moindre petite larme à propos du saccage du
CESTI qui forme les femmes et hommes de médias de ce pays ? Quand les
chevaliers autoproclamés de la démocratie bénissent des pillages de
commerces et de banques, des attaques sur des infrastructures
névralgiques telles que des transports, des centrales électriques, des
installations de distribution d’eau dans le but de paralyser l’activité
économique du pays et installer le chaos ?
Si,
comme ils l’écrivent, ils sont soucieux de l’Etat de droit, attachés à
la paix, à la stabilité, à l’unité, à la concorde nationale, à la
préservation des acquis démocratiques et au respect de la Constitution,
ces signataires devraient se féliciter que les refus de répondre aux
magistrats, les tentatives d’installer un climat de terreur pour ne pas
répondre à la justice ainsi que tous les actes défiance, d’insurrection
et de sédition n’aient pas prospéré.
Reprenant
leurs esprits, ceux parmi les pétitionnaires qui sont de bonne foi
doivent aussi se réjouir que la séparation des pouvoirs – leur pétition
appelle à la violer – reste un principe intangible de notre République.
Abdou Karim Fofana
Ministre du Commerce, de la Consommation et des PME, porte-parole du Gouvernement.