Cédéao : Une intervention par procuration (par Mbaye Sadikh)

Cédéao : Une intervention par procuration (par Mbaye Sadikh)

L’ultimatum d’une semaine que la Cédéao avait envoyé aux putschistes au Niger a expiré, dimanche. Et l’organisation semble plus que jamais déterminée à procéder à une intervention armée pour déloger les militaires et rétablir Mohamed Bazoum. Une réunion des chefs d’Etat major des armées des pays membres a eu lieu vendredi et les moyens de cette opération ont été définis à cette occasion. Des pays comme le Sénégal et le Bénin ont exprimé leur disponibilité à envoyer des soldats pour cette opération.

Pour l’instant, il y a plus de questions que de réponses sur cette aventure périlleuse pour le Sahel. En trois ans, il y a eu 5 coups d’Etat en Afrique de l’ouest (si l’on comptabilise les doubles putschs au Mali et Burkina), sans compter les tentatives avortées comme en Guinée Bissau. En dehors des menaces de formes, il n’a jamais été question de recourir à la force pour chasser les militaires du pouvoir. Pourquoi donc ce radicalisme avec le cas du Niger.
On est tenté de penser à une attitude belliqueuse du nouveau président nigérian, Bola Tinubu, par ailleurs président en exercice de la Cédéao. Mais pourquoi les autres chefs d’Etat devraient-ils le suivre ?Il est évident qu’aucun pays de la Cédéao n’a intérêt à intervenir au Niger, ni même le Nigéria qui fait montre d’un excès de zèle.
En vérité, la Cédéao va mener une intervention par procuration. Ce sont surtout la France et les Etats-Unis qui vont mener cette opération. On ne le dit pas souvent, mais les Etats-Unis comptent deux bases aériennes au Niger avec 1000 soldats environ. Niamey a toujours été un partenaire stratégique de Washington du fait de sa position dans la région. D’aucuns pensent qu’ils sont derrière le Nigéria. Les Etats-Unis ont manifesté un regain d’intérêt pour l’Afrique afin de contrer la Chine et la Russie qui progressent dans le continent, le premier sur le terrain économique et le second dans le domaine militaire.
Quant à la France, elle a très tôt donné le ton en affirmant qu’elle soutiendrait toutes les décisions prises par la Cédéao, avant même que celle-ci ne se réunisse. Et c’est Paris qui affirme, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, que ‘’c’est le coup d’Etat de trop’’.
Ainsi, non seulement Catherine Colonna a reçu à Paris le Premier ministre de Bazoum, mais elle révèle sur Rfi que le président Macron a échangé plusieurs fois avec le président déchu du Niger. Officiellement, la France dit appuyer « avec fermeté et détermination » la Cédéao. Mais l’évacuation express de ses ressortissants indique que la France est au-delà d’un soutien.
Au Mali comme au Burkina, il a été question de manifestations contre la France et en soutien à la junte, avec la présence du drapeau russe. Mais il n’a jamais été question pour Paris d’évacuer ses ressortissants. La différence avec le Niger est que la France est déjà sûre qu’elle interviendra sous couvert de la Cédéao.
Rappelons que la France dispose de 1 500 soldats au Niger. Niamey est devenu la base opérationnelle depuis que les Français ont été chassés du Mali et du Burkina. Mais la question n’est pas que sécuritaire. Malgré l’évacuation des ressortissants, Orano (ex-Areva), cette société minière française au Niger, continue ses activités. Et c’est là qu’il faut chercher une bonne partie de toute cette précipitation.
En effet, le Niger fournit environ 20% de l’uranium qui fait fonctionner les centrales nucléaires françaises. « En France, les craintes portent plus particulièrement sur l’exploitation de l’uranium nigérien, et les éventuelles conséquences pour notre indépendance énergétique », écrit le journal Le Monde. Dans ce contexte de boycott du pétrole et du gaz russe, l’Europe ne peut pas se permettre de prendre des risques avec le Niger.
On risque de revivre ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire en 2011, lors de la crise postélectorale. Le scénario est déjà écrit, les acteurs choisis et les rôles distribués. Exécution ! Mais le Niger n’est ni la Gambie ni la Guinée Bissau, il compte 7 pays frontaliers dont certains lui sont favorables (Mali et Guinée) et d’autres (Algérie) contre toute intervention. Le scénario libyen n’est donc pas à écarter, avec un embrasement de la sous-région.

Souare Mansour

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Si vous souhaitez recevoir votre revue de presse par email chaque matin, abonnez ici !