Dans New York saturée, des migrants africains rêvent d’un hébergement
« Ville-monde » qui a bâti sa légende sur des vagues
successives d’immigrations, New York affirme aujourd’hui n’avoir « plus
la place » d’accueillir les derniers migrants venus d’Afrique de l’Ouest.
Ainsi,
depuis fin juillet en plein été radieux à Manhattan, des centaines de
jeunes hommes du Sénégal, de Mauritanie et de pays voisins s’entassent
sur un trottoir devant un hôtel, dans l’espoir d’obtenir un hébergement
que la municipalité est légalement tenue de fournir à tout réfugié,
demandeur d’asile, migrant économique.
« On
est arrivé, on est passé par beaucoup de pays pour arriver là, et on a
souffert, on est venu ici parce qu’on a confiance dans ce pays-là, parce
qu’on a confiance dans les États-Unis », souffle auprès de l’AFP
Abdoullahi Diallo, un Mauritanien de 25 ans qui dit avoir pris l’avion
pour rallier la Turquie, puis le Nicaragua, avant de franchir en bus et à
pied la frontière mexicano-américaine.
Dans
un français approximatif, le jeune homme, seul, affirme être « venu à
New York » en quête de « démocratie », de « respect » et d’une « vie normale ».
Depuis
avril 2022, selon des chiffres officiels, quelque 95.000 migrants, très
majoritairement de pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, sont
arrivés dans la Grosse Pomme, incroyable mosaïque multiculturelle
peuplée de 8,5 millions d’âmes.
Au
total, près de 108.000 personnes sont actuellement hébergées aux frais
de la municipalité dans des foyers, hôtels, appartements vacants. Parmi
elles, 56.000 sont des demandeurs d’asile.
« Plus de place »
Mais
à en croire Eric Adams, maire démocrate classé au centre droit et
ancien capitaine de police afro-américain à poigne, New York « n’a plus
de place » et « cela ne va pas s’arranger ».
Son
adjointe Anne Williams-Isom a même reconnu mercredi que son
« administration était prise au milieu d’une crise mondiale » migratoire
et a appelé à « l’aide » le gouvernement fédéral à Washington pour qu’il
soit « en première ligne » sur ce dossier.
L’immigration
illégale et clandestine venue d’Amérique latine est l’un des points
clivants de la politique intérieure aux Etats-Unis, a fortiori à moins
de 18 mois de la présidentielle de novembre 2024.
Pour
brocarder la politique migratoire jugée laxiste du président démocrate
Joe Biden, des gouverneurs républicains d’Etats du Sud classés très à
droite, comme le Texas et la Floride, ont depuis un an financé des
voyages en avion ou en bus pour acheminer des migrants hispaniques dans
des villes démocrates considérées comme des « sanctuaires » de gauche, à
l’instar de New York.
Au
grand dam d’Eric Adams, qui réclame à l’Etat fédéral davantage de
contrôles à la frontière mexicaine, l’instauration de l’état d’urgence
et l’accélération de l’émission de permis de travail, gage d’intégration
économique et sociale des migrants, ce qui pourrait libérer des places
d’hébergement à New York.
Car
la mégapole est saturée et les prix du foncier et de l’immobilier
atteignent des sommets, en particulier à Manhattan et à Brooklyn.
« Nous
ne manquons pas de compassion, mais de place », a ainsi fait valoir un
fonctionnaire municipal chargé de l’hébergement d’urgence.
La
municipalité entend dorénavant donner la priorité aux familles et non
aux hommes seuls. Le maire veut aussi faire distribuer des tracts à la
frontière avec le Mexique pour dissuader les candidats au rêve
new-yorkais.
Il
faut dire que la ville mythique s’est construite depuis des siècles sur
des vagues historiques d’immigrations. L’un des symboles en est la
célébrissime Ellis Island face à la statue de la Liberté, où quelque 12
millions de personnes sont entrées aux Etats-Unis durant six décennies
au 20e siècle.
C’est
aujourd’hui un musée de l’immigration où s’y déroule de temps à autre
des cérémonies de naturalisation d’étrangers immigrés devenus citoyens
américains.