Difficultés de l’industrie pharmaceutique : Les acteurs donnent les clés de la relance
L’entreprise
pharmaceutique Médis a redémarré ses activités en janvier 2022, après
plusieurs plaidoyers. Mais la situation n’a pas changé. Les employés
sont toujours dans des difficultés. Parenterus est pratiquement dans la
même situation, avec des employés qui sont en chômage technique. Et les
autres maisons de pharmacie ne se portent pas mieux. La situation est
précaire et le secteur tarde à décoller. Les acteurs imputent cette
crise à la lenteur dans l’application des instructions du chef de l’État
dans ce domaine.
«En
2017, le Sénégal a connu le départ de deux multinationales
pharmaceutiques (Pfizer et Sanofi). Si des mesures fortes et ambitieuses
à court terme ne sont pas prises par le gouvernement pour le secteur
industriel pharmaceutique, les entreprises membres de l’ASIP
(Association sénégalaise de l’industrie pharmaceutique) courent tout
droit vers la faillite», a expliqué Aziz Cissé, Président de
l’association. Il s’est exprimé face à la presse, ce mercredi.
L’ASIP
alerte sur la gravité de la situation des entreprises pharmaceutiques
membres et reste ouverte, engagée et confiante pour accompagner
efficacement le projet ambitieux et légitime des autorités pour réussir
ensemble «la souveraineté pharmaceutique».
Comment continue-t-on à appauvrir le secteur
L’industrie
pharmaceutique est un secteur pas comme les autres, car elle exige un
système de qualité onéreux. Pour avoir une autorisation d’exploitation,
il faut au minimum cinq à huit ans, si vous voulez fabriquer de bout en
bout. Les deux solutions urgentes pour une souveraineté pharmaceutique
sont la corrélation et la contractualisation directes avec les
industrielles locales. Si ces deux mesures ne sont pas mises en place,
parce que dans nos officines de pharmacie on voit des produits de la
Tunisie, du Maroc et autre, mais nous ne pouvons pas vendre nos produits
en Tunisie ou au Maroc parce qu’ils ont mis la corrélation. «Donc,
allons-nous continuer à appauvrir notre pays et à plonger l’industrie
pharmaceutique dans le désastre ? Ces deux mesures doivent se faire dans
l’immédiat au premier semestre de 2023. Un tout petit exemple qui
concerne le marché des médicaments effervescents qui est de 3 milliards
et assuré par une multinationale qui ne dépense pas son argent dans le
développement du pays», a expliqué le docteur Mouhamadou Sow, DG de
Teranga Pharma.
Pour
lui, il existe un vrai décalage entre ce que dit le chef de l’État,
qui parle, presque à chaque Conseil des ministres de souveraineté
pharmaceutique et ce que font les acteurs qui doivent mettre en œuvre
ses instructions. Les choses sont lentes, on ne sait pas où ça coince.
Pourtant, les bases sont claires et bien établies. «Nous avons une
vision claire et un plan opérationnel. Aujourd’hui, cinq unités
fabriquent des médicaments».
Les mesures urgentes d’ici le mois de juin
L’Association
des industriels pharmaceutiques estime que l’atteinte des objectifs de
souveraineté pharmaceutique passera obligatoirement par la
revitalisation des unités pharmaceutiques qui sont en grande
souffrance. Les acteurs ont d’ailleurs listé les mesures urgentes.
Mieux, ils fixent le mois de juin comme date butoir.
Il
s’agit, entre autres, de la mise en place d’un système de régulation
des importations et des activités de production locale de médicaments
appelé «système de corrélation». Il faut aussi permettre une
application efficiente du décret 2022-2295 du 28 décembre 2022 portant
nouveau Code des marchés, établir un arrêté interministériel autorisant
la PNA à contracter directement avec l’industrie locale.
Pour
améliorer la compétitivité des unités existantes et permettre l’arrivée
de nouveaux acteurs nationaux et internationaux, des mesures
d’accompagnement sont aussi attendues, dont l’établissement entre les
industriels locaux et la PNA de conventions quinquennales pouvant
garantir des marchés justifiant les investissements dans l’outil de
production et développer l’emploi.
En
effet, dans le cadre de l’appel d’offres international de la Pharmacie
nationale d’approvisionnement (PNA), tout acteur industriel d’origine
étrangère qui gagne une ligne supérieure ou égale à 500 millions F CFA
doit s’appuyer sur un industriel local pour effectuer au moins
l’opération de conditionnement secondaire.
En
outre, les industriels recommandent une commission spéciale pour les
demandes d’autorisation de mise sur le marché pour les fabricants locaux
au niveau de l’Agence de régulation du médicament, la signature d’un
arrêté ou d’une autorisation spéciale permettant l’exercice de la
distribution en gros à l’import et à l’export des produits
pharmaceutiques, l’exonération totale de la TVA sur les investissements
et les services, mais aussi et surtout la mise en place d’une ligne de
garantie spécifique au niveau du FONGIP pour le secteur de l’industrie
pharmaceutique, en vue du financement du renforcement de leur capacité
de production.
Le
marché pharmaceutique sénégalais représentait 150 milliards F CFA en
2019, soit 1-2 % du marché africain et près de 200 milliards en 2021. Ce
marché est dominé à 80 % par le secteur privé et 20 % par le secteur
public. Le Sénégal importe plus de 97 % de ses besoins en médicaments.