La ministre allemande de la Défense démissionne après une série de gaffes
La ministre allemande de la Défense, fragilisée par une série de bévues, a annoncé lundi sa démission, au moment où Berlin est de nouveau pressé d’accroître son soutien militaire à l’Ukraine avec des chars.
Christine Lambrecht était notamment critiquée de toutes parts depuis une vidéo de vœux jugée complètement ratée dans laquelle elle se réjouissait des « rencontres » que la guerre en Ukraine lui avait permis de faire.
« La focalisation des médias sur ma personne pendant des mois ne permet guère d’établir des rapports et des discussions objectifs sur les soldats, la Bundeswehr (l’armée allemande) et les orientations de la politique de sécurité dans l’intérêt des citoyens allemands », déplore Christine Lambrecht dans une déclaration.
Dans ce contexte, « j’ai demandé aujourd’hui au chancelier de me relever de mes fonctions de ministre de la Défense », ajoute la sociale-démocrate.
– Nouvelles aides attendues –Le nom de sa ou son successeur n’est pas encore connu et ne sera pas communiqué ce lundi, selon des sources gouvernementales.
Plusieurs noms circulent dans la presse, dont Eva Högl, commissaire à la Défense au Bundestag et chargée d’un rapport annuel sur l’état de l’armée, ou encore Lars Klingbeil, co-dirigeant du parti de Mme Lambrecht, le SPD.
Cette démission
intervient au moment où l’Allemagne est une nouvelle fois sous pression
pour livrer des chars à l’Ukraine. Et alors qu’une réunion des alliés
occidentaux, autour des Etats-Unis, se tiendra vendredi sur la base
américaine de Ramstein.
De nouvelles aides à l’Ukraine, envahie par la Russie, devraient être à cette occasion annoncées.
« Le
travail précieux des soldats et des nombreuses personnes motivées doit
être au premier plan », estime Mme Lambrecht, alors que l’Allemagne
prévoit des investissements de 100 milliards d’euros pour moderniser son
armée, suite à la guerre en Ukraine.
Agée
de 57 ans, Mme Lambrecht, ministre de la Justice dans le précédent
gouvernement de coalition d’Angela Merkel, a enchaîné les bévues depuis
le début de la guerre en Ukraine, le 24 février.
Olaf
Scholz lui avait rendu un hommage appuyé il y a encore quelques jours,
mais les critiques croissantes rendaient sa position difficilement
tenable. Elle pourrait retourner à sa profession d’avocate, ayant
renoncé à se représenter au Bundestag en 2020 après 22 années de mandat.
Mme
Lambrecht a d’abord suscité les critiques de Kiev en annonçant peu
avant le déclenchement de la guerre l’envoi de 5.000 casques, quand le
régime de Volodymyr Zelensky demandait des armes lourdes. Elle a aussi
utilisé un hélicoptère de l’armée pour partir en vacances avec son fils.
La vidéo dans laquelle elle présentait ses voeux début janvier a été la dernière goutte.
La ministre y
apparaissait dans le centre de Berlin, décoiffée par des bourrasques de
vent, en train d’évoquer la guerre en Ukraine entre deux explosions de
pétards et de feux d’artifices, particulièrement prisés des Allemands
pour fêter la nouvelle année.
« Une
guerre fait rage au milieu de l’Europe », glissait la ministre au sujet
de l’invasion russe, évoquant « beaucoup, beaucoup de rencontres avec des
gens intéressants et formidables ». « Pour cela, je dis un grand merci ».
« Gros titres négatifs »Mme
Lambrecht a aussi incarné les lacunes d’une armée dont le matériel est
vétuste et les difficultés à la moderniser. Mi-décembre, Berlin a ainsi
dû suspendre de nouvelles commandes de blindés Puma après une série de
pannes frappant les blindés déjà utilisés par l’armée.
Dans
le dernier baromètre de l’institut Insa, elle apparaissait en dernière
position des personnalités politiques, derrière les co-dirigeants du
parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD). Plus des deux
tiers des Allemands (77%) souhaitaient sa démission, selon un autre
sondage.
« Lambrecht
n’a jamais réussi à se dépêtrer des gros titres négatifs », relève la
chaîne publique ARD, pointant ses « diverses erreurs politiques, souvent
couplées à une communication maladroite ».
Pour
le quotidien Süddeutsche Zeitung, les erreurs répétées de la ministre
constituaient « une énorme hypothèque » pour une armée censée se
moderniser et recouvrer une importance stratégique en temps de guerre.