Covid-19 : Bloqué à l’étranger, Dr Boubacar Camara écrit aux Sénégalais
Retenu à l’étranger du fait de la
fermeture des frontières aériennes sénégalaises, décidée, avec
pertinence, par les autorités publiques, je me permets humblement de
vous faire part de ma modeste contribution à la lutte contre le
coronavirus.
Il
convient d’abord de souligner que le Président Macky SALL et son
gouvernement ont déjà pris des mesures pertinentes et encourageantes
pour faire face à la pandémie. Je les encourage à persévérer dans cette
direction.
Pour
ma part, j’interviens en ma qualité de citoyen sénégalais, engagé et en
toute bonne foi, sans calcul ni arrière-pensée, sans critique ni
polémique, car le moment est grave et sensible, précaire et inquiétant :
nous nous trouvons à la frontière entre le décompte de cas de personnes
contaminées et :- soit la
propagation de la pandémie dans des proportions qui risquent d’échapper à
tout contrôle : le pire (Que Dieu nous en préserve !) ;-
soit le recul perceptible et durable du nombre de cas et l’espoir d’une
victoire possible contre le virus : le meilleur. Nous devons avoir le
courage de redouter l’hypothèse du pire pour mieux nous y préparer.
Gouverner c’est prévoir. Nous devons donc nous mobiliser pour faire face
avec détermination afin de matérialiser l’espoir d’une victoire
possible. Notre peuple en a le génie à condition de prendre le taureau
par les cornes. Voici quelques pistes en sept points assortis de
trente-trois mesures :
1. Éclairer le tunnel noirUn
tunnel noir se situe entre les premières manifestations du coronavirus
dans la ville de Wuhan (en Chine) en décembre 2019, où se trouvent
encore des étudiants sénégalais et la déclaration officielle du premier
cas au Sénégal, arrivé dans le pays le 26 février 2020 et testé positif
au virus du COVID 19, le 2 mars 2020. Dans cette séquence temporelle, il
a dû se passer beaucoup de choses que nous ignorons. Etpourtant, c’est essentiel de savoir ce qu’il s’est réellement passé pour maitriser l’ampleur de la pénétration de la maladie.
Mesure 1 : organiser le dépistage le plus systématique possible pour avoir une idéeplus
précise de la différence entre le nombre de cas déclarés et le nombre
réel de cas. Multiplier et décentraliser les centres de test et adopter
les méthodes de tests de diagnostic rapide (trois à cinq heures) en
rapport avec les laboratoires nationaux et internationaux compétents en
la matière. Ne nous laissons pas freiner par les coûts éventuels pour ne
pas aller dans la direction de la massification des tests.2. Imposer la discipline et l’hygiène
Selon
les informations officielles, sur 47 cas ont été déclarés positifs dont
cinq guéris et 42 encore sous traitement. Le travail colossal et
appréciable du bloc des services et personnels de santé qui s’occupent
consciencieusement des patients et contribuent à la sensibilisation des
populations. Quant au Gouvernement, il a pris des mesures pertinentes
pour prendre en charge la situation. Mais force est de reconnaître que
le coronavirus est la cause d’une maladie dangereuse dont la
transmission est rapide.Cette maladie s’attaque au système respiratoire du patient. Arrêter de respirer, c’est mourir.Une
autre caractéristique de la maladie est qu’elle a pour ennemis la
discipline et la propreté surtout l’hygiène des mains, ce qui n’est pas
notre point fort. Ayons le courage de le reconnaître.
Mesure
2 : prendre des mesures coercitives contre les comportements dangereux
et toutes les formes de spéculation et de manipulation de l’opinion,
avec l’aide des forces de sécurité, des volontaires dans les
associations de jeunes préparés en conséquence. Ces Volontaires anti
CORONAVIRUS seront d’un apport appréciable pour l’application effective
des mesures.
3. Déclencher le déclic auprès des populations.
Malgré
tous les efforts de sensibilisation, beaucoup de nos compatriotes
voient encore le coronavirus comme une menace lointaine. Plusieurs de
nos compatriotes n’adopteront pas les gestes barrières pertinemment
recommandés sans un signal fort de fermeté du gouvernement.
Mesure 3 : déclarer l’état de crise sanitaire grave.
Ainsi,
l’État se dispense de toutes les formalités qui peuvent nuire à
l’efficacité de son action. Il pourra lutter efficacement contre les
obstacles et résistances, quelles qu’en soient les justifications.
4. Adopter une nouvelle organisation de l’ÉtatL’organisation
à mettre en place pour faire face à la grave situation de crise
sanitaire qui peut virer au drame collectif à tout moment, doit
correspondre aux exigences de l’heure. L’Etat doit donner l’exemple et
montrer de façon radicale qu’il met en priorité absolue la lutte contre
le coronavirus.
Mesure 4 : former un gouvernement provisoire restreint qui met en priorité absolueLa lutte contre le coronavirus et se charge de l’expédition des affaires courantes.
Mesure
5 : exhorter tous les élus qui font déjà preuve d’un engagement
considérable à contribuer de façon décisive à la sensibilisation
permanente despopulations, avec l’aide de spécialistes de la santé publique, pour freiner la propagation du virus.
Mesure
6 : mettre à contribution tous les services publics en mettant en place
des unités d’appui aux populations pour la détection, la surveillance,
l’aide et l’orientation des patients.
Mesure
7 : mettre en place une cellule permanente de veille sur la situation
de nos compatriotes se trouvant à l’étranger, composée des députés de la
diaspora, desreprésentants
désignés par zone et des services des ambassades et consulats. Cette
cellule doit être dotée de moyens adéquats pour collecter l’information,
recenser les préoccupations des émigrés et prendre les mesures idoines
de soutien et de protection.
Mesure
8 : mettre à contribution les spécialistes de santé publique, les
médecins, les spécialistes de la communication, les influenceurs du web
et les organes de presse qui doivent bénéficier d’un soutien immédiat et
substantiel pour une pertinente communication gouvernementale
quotidienne, complète, continue et transparente sur l’évolution de la
situation, les mesures et comportements à adopter.
Mesure
9 : mettre à contribution les confréries religieuses, les organisations
de la société civile, les leaders d’opinion, les partis politiques, les
associations sportiveset
culturelles pour transmettre le message, veiller à l’application des
mesures et faire remonter l’information sur l’évolution de la lutte
contre le coronavirus.
5. Mobiliser les ressources matérielles et financières pour faire face au péril avant qu’il ne soit trop tard.L’État
doit initier une « Opération 1000 milliards » consistant à mobiliser la
somme de mille milliards de FCFA (environ le quart du budget national)
pour faire face aux missions régaliennes de l’État dans la lutte contre
le coronavirus et aider lespopulations démunies, les malades, les travailleurs, les personnes vulnérables et les entreprises.
Mesure
10 : adopter, en procédure d’urgence, une loi de finances rectificative
pour mobiliser les moyens financiers nécessaires pour la lutte contre
la pandémie du coronavirus en lui affectant les crédits destinés à des
dépenses moins urgentes, moins pertinentes et toutes celles pouvant être
différées.
Mesure
11 : suspendre tout remboursement de la dette publique étrangère
(principal, services, commissions, etc.) pendant la période nécessaire
pour faire face au péril. Aucun bailleur de fonds ne s’aviserait à
remettre en cause la légitimité de cette mesure de bons sens. Un
proverbe wolof ne dit-il pas : « bala nga ne naam nefa ».
Mesure 12 : demander aux organisations internationales africaines de puiser dansleurs
réserves pour soutenir financièrement les pays membres touchés par la
pandémie afin d’éviter l’effondrement économique. Il s’agit notamment de
la BCEAO, l’Union africaine, l’UEMOA, la CEDEAO, l’ASECNA, etc.
Mesure
13 : procéder aux réquisitions nécessaires sur une partie des revenus
tirées de l’exploitation des ressources naturelles et procéder
ultérieurement à descompensations ou régularisations.