Les États-Unis promettent une réponse «catastrophique» à l’utilisation potentielle d’armes nucléaires par la Russie
Après les déclarations menaçantes du président russe
Vladimir Poutine sur l’utilisation d’armes nucléaires dans la guerre en
Ukraine, les responsables américains ont clairement indiqué qu’ils
étaient déjà en train de discuter activement la possibilité que le
conflit n’aboutisse à un échange nucléaire.
«Nous
avons fait savoir directement, en privé et au plus haut niveau au
Kremlin que tout emploi d’armes nucléaires aurait des conséquences
catastrophiques pour la Russie. Les États-Unis et nos alliés
répondraient de façon déterminée, et nous avons été clair et précis sur
ce que cela impliquerait», a déclaré le conseiller américain à la
Sécurité nationale Jake Sullivan à la présentatrice Margaret Brennan,
lors de l’émission «Face the Nation» de CBS, dimanche.
«Et
c’est une question que nous devons prendre très au sérieux, parce
qu’elle est d’une extrême gravité, l’utilisation possible d’armes
nucléaires pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale»,
a-t-il ajouté.
Plus
tard dans la journée, le New York Times a rapporté que les responsables
américains estimaient que les risques d’escalade nucléaire étaient
«nettement plus élevés qu’en février et mars».
Le
Financial Times (FT) ajouta lui, que les États-Unis et leurs alliés
augmentaient « la vigilance et la dissuasion nucléaires, selon cinq
responsables occidentaux qui se sont exprimés sous couvert d’anonymat en
raison du caractère sensible de la question».
Le
FT rapporte encore, citant un haut responsable, que «les États-Unis ont
également discuté avec les Ukrainiens d’une éventuelle utilisation de
l’arme nucléaire et ont revu avec eux la “protection et la sécurité”».
Lors
de ses interventions dans les talk-shows dominicaux américains,
Sullivan a confirmé un article publié jeudi par le Washington Post,
selon lequel des responsables américains avaient envoyé «des
communications privées à Moscou, avertissant les dirigeants russes des
graves conséquences qui suivraient l’utilisation d’une arme nucléaire».
Sullivan
a rendu ces menaces plus explicites. Il a déclaré au présentateur de
«Meet the Press», Chuck Todd, que les conséquences seraient
«catastrophiques si la Russie s’engageait sur la voie sinistre de
l’emploi d’armes nucléaires».
Répondant
à une demande de clarification de Todd, Sullivan poursuivit: «Si la
Russie franchit cette ligne, il y aura des conséquences catastrophiques
pour elle. Les États-Unis répondront de manière déterminée».
Interrogé
par Todd pour savoir si l’utilisation répétée du terme «catastrophique»
signifiait quelque chose «d’aussi mauvais que ce qu’il pouvait
imaginer», Sullivan a répondu, «la Russie comprend très bien ce que les
États-Unis feraient en réponse à l’utilisation d’armes nucléaires en
Ukraine, parce que nous le leur avons dit explicitement, et j’en
resterai là pour aujourd’hui».
Autrement
dit, alors que les dirigeants russes, selon Sullivan, ont été informés
des conséquences de l’emploi par la Russie d’armes nucléaires en
Ukraine, la population américaine, qui risque d’être incinérée si les
États-Unis devaient commencer un échange nucléaire stratégique total,
doit être laissée dans l’ignorance.
L’escalade
des tensions s’est produite alors que la Russie organisait des
référendums dans quatre régions de l’est de l’Ukraine sous son contrôle
militaire (Louhansk, Donetsk, Kherson et Zaporizhzhia) pour une adhésion
à la fédération russe. Le troisième jour de scrutin a eu lieu dimanche.
Samedi,
le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré
que toute région annexée à la Russie serait «sous la protection totale
de l’État», laissant entendre que la Russie répondrait à toute attaque
contre elle en utilisant des armes nucléaires.
Le
parlement russe pourrait éventuellement décider d’incorporer les
provinces à la Fédération de Russie jeudi, et Poutine a provisoirement
prévu de s’adresser au parlement vendredi.
Dans
une interview à CNN, la première ministre britannique, Liz Truss, a
clairement indiqué que la menace d’escalade nucléaire brandie par
Poutine ne diminuerait pas la participation du Royaume-Uni à la guerre.
«Nous ne devrions pas écouter ses cliquetis de sabre et menaces bidon.
Ce que nous devons faire au contraire, c’est continuer à imposer des
sanctions à la Russie et à soutenir les Ukrainiens», a déclaré Truss.
Les
menaces de Sullivan ont été accompagnées d’une campagne de presse dans
les médias américains pour justifier l’utilisation potentielle d’armes
nucléaires dans le conflit.
Dans
l’exemple le plus flagrant, Ross Douthat, chroniqueur au New York
Times, a estimé que «Kiev pourrait être prêt à accepter un degré
inhabituel de risque nucléaire et même à absorber une frappe nucléaire,
au nom de sa propre intégrité territoriale. Dans une bataille pour leur
liberté même, les Ukrainiens… veulent que leurs enfants puissent se
souvenir et dire que dans la plus grande crise, leurs pères on versé
beaucoup de sang».
Dans
un commentaire précédent sur le World Socialist Web Site, nous avions
écrit que les stratèges et les propagandistes de l’impérialisme
américain considéraient le peuple ukrainien comme de la «chair à canon».
Il n’y en a pas de meilleure confirmation que cette suggestion que le
peuple de ce pays appauvri d’Europe de l’Est serait heureux d’«absorber»
une attaque nucléaire qui a le potentiel de tuer des millions de gens.
Dans
aucune partie de l’establishment politique américain la réalité de plus
en plus évidente que ce conflit risque de dégénérer rapidement en
guerre nucléaire n’a été vu comme une incitation à vouloir un règlement
négocié dans une guerre qui a déjà tué des dizaines de milliers de
personnes et en a déplacé des millions.
Au
contraire, les États-Unis considèrent toute escalade du conflit par la
Russie suite à sa débâcle militaire dans le nord de l’Ukraine comme
l’occasion d’intensifier leur propre engagement dans la guerre. Selon
une tribune publiée dimanche par David Brooks, chroniqueur au Times, les
responsables américains souhaitent «continuer à fournir des armes à
l’Ukraine, peut-être même des chars et des avions de combat avancés. Ces
systèmes sont apparemment envisageables».