«L’extrême droite au pouvoir en Italie, C’est comme un tremblement de terre dans toute l’Europe»
En Italie, nos compatriotes « Modou-Modou » sont inquiets. Lors des dernières élections, l’extrême droite a pris le pouvoir dans le pays. Une nouvelle cauchemardesque que nous analyse ici Boubacar Sène, président de «Horizons sans frontières».
En Italie, la candidate de l’extrême droite, foncièrement contre
l’immigration, a pris le pouvoir. Déjà, votre réaction ?
Beaucoup
de regrets. Malheureusement, nous assistons à une Europe qui glisse
complètement vers l’extrême droite. Cette situation est très
préoccupante pour nous immigrés. D’autant plus que le contexte actuel
devait pousser ces dirigeants européens, qui ont tous échoué dans leurs
idéologies classiques, à aller vers le culte de la diversité. Parce
qu’aujourd’hui, nous sommes dans un monde mondialisé. Et au chapitre des
migrations internationales, on parle d’une mondialisation des flux
migratoires. Et c’est là où les conséquences risquent d’être fâcheuses.
Aujourd’hui la migration constitue l’un des éléments essentiels de la
géopolitique mondiale.
C’est-à-dire ?
J’ai
eu à tirer la sonnette d’alarme sur le fait que l’ère post-coronavirus,
l’ère post-guerre Ukrainienne, avec leur lot d’inflations, risquent de
créer beaucoup de tensions géopolitiques liées à la migration. Il y a
une crise énergétique en Europe. L’Europe a un mode économique
énergivore. Et avec la crise énergétique, il y a toute une inquiétude à
la veille de l’hiver. Il y a un problème de gaz et d’électricité.
Maintenant tout dépendra du type d’hiver qu’il y aura. Voilà donc une
situation qui est là et qui risque de créer d’autres tentions.
J’ai
eu à dire que depuis la chute du mur de Berlin a créé une disparition
des idéologies. Et cette nouvelle donne a entrainé l’émergence des
questions de Culture et des espaces de repli identitaires. Et c’est là
où est le problème. Parce que ces dirigeants européen ont tous échoué
dans leurs idéologies classiques : seuls l’islam et la migration sont
mis au banc des accusés par une laïcité juridico-politique. Et tout
ceci, c’est la faute de la France.
Pourquoi la faute de la France ?
C’est
la France qui a commencé. C’est la France qui devrait donner l’exemple,
parce que terre d’immigration depuis la seconde moitié du 19e siècle.
Une situation qui se lit dans l’actuelle compostions de la population
Française. Plus de 22,5% de la population française ont une origine
étrangère. Donc ce pays-là devrait donner l’exemple en matière de
migration internationale, de diversité, de tolérance, d’intégration.
Malheureusement, il n’y a qu’en France qu’on retrouve le mot laïcité.
L’extrême droite a commencé et aujourd’hui c’est l’effet domino dans
toute l’Europe. Maintenant, même les pays qui n’avaient pas des partis
d’extrême droite comme l’Espagne, en ont aujourd’hui. Et c’est là où il y
a effectivement danger. Il y a danger dans la gestion du triptyque
migration-paix-sécurité mis en place par Horizons sans frontières depuis
plus de 20 ans pour la paix la sécurité en vue d’un développement
immédiat.
Ce qui se passe actuellement suscite un grand regret pour
nous, une grande préoccupation. Ça devrait être un débat chez nous. La
migration au Sénégal est une pathologie. Les sénégalais sont partout à
travers le monde. On ne peut dire combien de sénégalais il y a en
Italie, en Suède etc. Donc ça devait être l’objet d’un véritable débat.
Et quel devrait être la posture
du Sénégal ?
Un
pays comme le Sénégal devait diligenter aujourd’hui l’initiative
africaine sur les migrations internationales. Actuellement c’est
l’Europe qui dicte ses lois. Donc on aurait pu, quand même, lancer une
initiative africaine sur ces questions, ne serait-ce que pour un
parallélisme des réponses. Donc on devrait pouvoir harmoniser notre
position, à partir de ce qui s’est passé aujourd’hui, ne serait-ce que
pour faire avancer ce que devrait être la prise en charge des flux
migratoires dans ce monde mondialisé. Il a même été démontré que ce ne
sont plus les plus pauvres qui migrent. Malheureusement personne ne dit
rien. En Afrique la jeunesse se tue en méditerranée dans un silence
radio. Voilà aujourd’hui une situation qui pour moi est très
préoccupante.
Que préconisez-vous,
face à une telle situation ?
Aujourd’hui,
nous devons nous réveiller. Cette situation devrait entamer le réveil
des africains. Il faut de nouvelles perspectives en Afrique. Parce
qu’aujourd’hui un pays comme l’Italie, qui glisse dans l’extrême droite,
ça veut dire tout simplement l’échec qu’il y a, à travers le monde,
dans la gestion de ces flux là et aussi je dirais même que les Italiens
ne connaissent pas leur histoire. Parce que dans toute l’Europe c’est la
théorie du remplacement aujourd’hui. La migration cesse d’être un
complément qui entraine une dilatation de l’économie et de la société.
C’est les questions identitaires. La migration est le contraire de
l’identité.
Et pourquoi une telle situation, pourquoi
ce repli identitaire ?
Parce
que tout simplement l’Europe à peur d’être détrônée socialement et
culturellement par l’islam. Voilà en fait le véritable débat. C’est
l’émigration extra-européenne qui pose problème. Et j’avais eu à dire
lors de la crise à l’entame de la guerre Ukrainienne, qu’ils vont créer
des problèmes aux Africains. Ils vont accueillir les refugiés Ukrainien,
par ce que pour ces dirigeants, l’Europe est branchée judéo-chrétienne.
Et aujourd’hui, c’est en train de se vérifier. Donc toute l’Europe
glisse vers l’extrême droite. Ils vont jeter tous les africains et
arabes dehors. Voilà la situation qui risque de se produire, qui est
très préoccupante.
Mais pourquoi dites-vous que les
italiens ne connaissent pas leur histoire ?
Oui
je disais que les Italiens ne connaissent pas leur histoire. Et cela
devrait nous interpeller nous aussi. Il y a 50 ans, l’Italie était une
terre d’émigration. Et même, le 14 mars 1891, 11 Italiens accusés de
meurtre ont été lynchés à la Nouvelle Orléans. Et ça même failli créer
des problèmes entre Italie et les Etats Unis. Parce que le Washington
Post, le News York times ont tous titré en défaveur des Italiens. Ils
ont même parlé de mettre un terme au règne de la terreur. Parce que pour
eux, les italiens semaient la terreur. Le président américain avait
refusé d’ouvrir une enquête. Aujourd’hui, si ce sont ces pays qui créent
des problèmes jusqu’à glisser dans l’extrême droite pour dire «nous
allons jeter tous ces étrangers dehors», vous conviendrez avec moi que
ces gens ne connaissent pas leur histoire.
Que doivent craindre aujourd’hui nos compatriotes
«modou-modou» établis en Italie ?
Je
ne parle même pas de ceux qui sont en situation irrégulière, parce
qu’ils seront tous rapatrié c’est clair. Il y a beaucoup d’hypocrisie de
la part des dirigeants européens. C’est toute l’Europe qui avait prévu
de rapatrier les migrants. Cela, depuis très longtemps. Vous avez vu
l’Espagne rapatrier. Aujourd’hui ça va s’empirer. Dans un pays comme
l’Italie, aujourd’hui, ils vont expulser ceux qui sont en situation
irrégulière. Ceux qui ont leur demande d’asile en instance, ces demandes
seront toutes rejetées. C’est là où je lance un plaidoyer pour une
réforme sur le droit d’asile. Il faudrait revoir la convention de Genève
de 1951. Il faut revoir le pacte européen sur l’émigration et l’asile.
Parce que c’est la notion de mobilité qui est en danger.
Aujourd’hui
c’est la migration qui est restreinte (donc les libertés
individuelles) au nom de la sécurité. C’est le prétexte qu’on prend en
Europe alors que ce n’est pas logique. Là tout le monde est menacé. Je
ne parle même pas des populations sénégalaises, mais des populations
africaines des foyers d’immigration en général en Italie, aujoud’hui ils
sont tous dans l’inquiétude à part ceux qui ont la nationalité
italienne. Même ceux qui ont des papiers qui partent les renouveler ils
peuvent le bloquer. L’Italie en est un spécialiste. Vous allez
renouveler votre carte de séjour on bloque ça. Tu deviens un sans papier
et après on t’expulse. Ce qui fait qu’aujourd’hui les risques sont
énormes.
Nos leaders, que devraient-ils faire ?
Dans
un pays comme le Sénégal, le débat devait aujourd’hui être axé sur ça.
Je me réjouis que vous souleviez ce débat-là. Parce que c’est
l’inquiétude aujourd’hui et on n’en parle pas. La migration est pour
les chefs d’Etat africains une soupape de sécurité pour résoudre leur
morosité économique. J’invite l’Afrique à mettre tout le monde dans une
dynamique de travail. L’Espagne et l’Italie étaient des terres
d’émigration. Mais aujourdhui ils sont des terres d’immigration. Ils ont
eu à immigrer aux Usa et dans la moyenne mesure en Afrique.
Mais,
les européens ont travaillé après ils se sont battus pour arrêter
l’émigration. Vers 1900 il n’y avait plus d’émigration. L’Europe a été
reconstruite. Nous aussi c’est le défi. Il faut lancer l’initiative
africaine, que les africains travaillent.
Quel message aux «Modou modou»
d’Italie qui vont certainement faire l’objet
de plus rudes assauts ?
Ce
sera plus dur. L’extrême droite c’est le racisme à l’outrance. Ce que
je leur conseille, c’est de faire attention. Respecter les lois et
règlements en vigueur dans les pays d’accueil. Parce que c’est là qu’ils
vont s’appuyer pour, au moindre écart, vous rapatrier. Parce qu’il y a
un échec des politiques d’intégration. Et sans intégration on ne peut
pas parler d’immigration. Et l’intégration devrait être ce processus à
double sens et libre, des aux migrants et citoyens autochtones, dans
une relation constructive, aboutissant au respect et la tolérance
mutuelle. Mais aujourd’hui il y a un échec des politiques d’intégration.
Le principe de tout intégration c’est aussi le respect de la parts des
migrants des lois en vigueur dans les pays d’accueil.
Vous pensez que ces séismes en Afrique à chaque changement dans un micro État de l’Union européenne nous honore ? Au travail le chemin est long et on est obligé de le parcourir