Bamako-Minusma : Macky Sall «libère» les Jambaars
A cause des différends géopolitiques et diplomatiques, la relève des contingents de la Minusma a été bloquée par la junte malienne. Avec la reprise des rotations débutées depuis lundi, une partie des Jambaars a pu quitter hier Sévaré alors que leur mission est achevée depuis le mois d’avril. Avec la levée de l’embargo de la Cedeao et ses différentes restrictions, les autorités de la Transition ont lâché du lest permettant à plus 3500 soldats et policiers dont 850 Jambaars à rentrer chez eux.
C’est
le dégel… Après des mois de refus, de conciliabules diplomatiques, la
junte a approuvé la reprise des rotations des soldats de la Minusma.
Pour les Jambaars, le retour au bercail a sonné. Bloqués pendant quatre
mois sur le sol malien, ils doivent pousser un grand ouf de soulagement
après avoir atterri hier à Dakar. «Grand merci aux Jambaars pour le
travail accompli au service de la paix et de la stabilité dans ce pays
frère», salue la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies
pour la stabilisation au Mali (Minusma). Hier, les premiers éléments de
la relève du bataillon du Sénégal basé à Sévaré dans le Centre du Mali
sont aussi arrivés au Mali. Sans doute, la visite de Macky Sall à Bamako
ce lundi a permis aussi d’accélérer la cadence. Sans être bien sûr plus
que cordiales, les relations entre les deux pays ne sont plus aussi
froides après la levée des sanctions de la Cedeao et la réouverture du
corridor Dakar-Bamako…
En tout cas, c’est une première vague de
400 soldats sénégalais qui commence à arriver au Mali pour remplacer
leurs frères d’armes. Ils y sont retenus depuis avril par la seule
volonté de la junte, qui a déstructuré tout le processus de remplacement
des troupes onusiennes. Commandant sortant des forces sénégalaises au
Mali, le Colonel Théodore Sarr, expose, à la veille de son départ, ses
impressions, à l’issue de 20 mois de mission à Mopti : «Il y a une
sensation d’avoir apporté notre part dans la résolution de cette crise
dans ce pays, qui est voisin du Sénégal d’où l’on vient. Il y a aussi le
fait d’avoir contribué à la paix internationale.» Il enchaîne : «L’un
des piliers de la défense sénégalaise, c’est la diplomatie et la
contribution à la stabilité internationale. Participer à une opération
de maintien de la paix dans un pays voisin du Sénégal est quelque chose
de particulièrement important.» Colonel Sarr repart du Mali très enrichi
par de nombreuses rencontres. Il dit : «Nous avons eu à travailler
pendant presque deux ans dans un cadre presque multinational avec des
nationalités venant d’horizons très diversifiés quasiment de tous les
continents. Il y a aussi le fait d’avoir travaillé aussi dans le cadre
d’une mission intégrée où nous n’avons pas eu que des acteurs
militaires. Nous avons eu beaucoup d’acteurs civils de la Minusma mais
également d’autres civils des agences du système des Nations unies.»
Il
faut savoir que le contingent sénégalais, qui devait prendre la relève
du 10ème bataillon, est bloqué à Dakar depuis le mois d’avril. Après les
massacres à Ogossagou au Centre du Mali entre 2019 et 2020, c’est ce
même 10ème contingent, composé de 850 Jambaars, qui avait réussi à
stabiliser la zone en faisant preuve d’«exemplarité». Général Philippe
Pottier, chef d’Etat-major de la Mission multidimensionnelle intégrée
des Nations unies pour la stabilisation au Mali, faisait ainsi l’éloge
de ce bataillon, qui était déjà en fin de mission. C’était le 23 mars
dernier.
Départ de 400 Jambaars
Après le
Colonel Théodore Adrien Sarr et ses hommes, le Colonel Mathieu Diogoye
Sène et ses troupes du 11ème bataillon vont poursuivre le chemin tracé
par des milliers de Jambaars, qui fréquentent les missions onusiennes
depuis plusieurs décennies.
Aujourd’hui, les instances civiles et
militaires de la Minusma sont soulagées, car le moral des hommes
concernés et leur efficacité opérationnelle étaient aussi touchés. La
reprise des rotations des contingents et les relèves des troupes, qui
ont débuté ce lundi 15 août, ont été décrochées au bout de longues et
âpres discussions avec les autorités de la Transition. Selon la Minusma,
les procédures actuelles ont été mises en place pour gérer plus
«efficacement» la succession des troupes et des éléments de soutien
nationaux, lors d’une réunion au niveau ministériel tenue le 1er août
avec le gouvernement malien. Même si les tensions étaient palpables
avant qu’elles ne soient exacerbées par l’expulsion du porte-parole de
la Minusma par la junte, la situation devenait intenable. Les relèves en
attente concernent plus de 3 mille 500 soldats et policiers, issus de
plus de 60 pays contributeurs. Et elles seront échelonnées au cours des
prochaines semaines, afin de résorber le retard accusé.
Il faut
savoir que la Minusma est l’opération la plus périlleuse pour les
soldats de la paix. Depuis son installation en 2013, 321 Casques bleus y
ont perdu la vie au service de la paix. Si le mandat de la Minusma a
été prorogé d’un an en juin dernier, l’Armée française et les Forces
spéciales européennes ont levé… les camps, après quasiment 10 ans de
missions. Alors que la junte a décidé de confier les clefs de son
écosystème sécuritaire aux paramilitaires de Wagner expliquant leurs
louvoiements. Son déploiement au Mali a stupéfait la Communauté
internationale.