Gabrielle Kane : La face cachée de la figure montante du féminisme
Elle n’a pas peur des critiques. Elle supporte la
pression sur ses frêles épaules. La dame longiligne, au visage mince,
l’accent exotique, Gabrielle renvoie à tout point de vue, l’image d’une
femme émancipée. Des gardiens de la tradition la considèrent à tort
comme une Française. Ils n’ont pas tout à fait tort. Gabrielle défendait
à visage découvert des positions aux antipodes de notre tradition et
même de certains principes de l’Islam comme l’avortement. A la vérité,
l’interruption volontaire de grossesse est bien encadrée en Islam. Sa
position sur la légalisation de l’avortement médical lui a valu toutes
sortes de critiques des associations religieuses et des guides religieux
influents. Pourtant ses grands-parents ont été au centre de la
propagation de l’Islam en France. « Depuis toute petite, elle a eu ce
fort caractère. Elle combat toujours l’injustice », rapporte une de ses
tantes. Cet engagement n’a pas de frontière. Ziadatou comme l’appellent
ses proches n’avait pas hésité à s’opposer à l’excision d’une fille au
sein de sa famille en 2010.
«
Quand j’ai accouché d’une fille en 2010, je voulais l’exciser puisque
c’était notre coutume. Dès qu’elle a eu écho de cette décision, elle est
directement venue m’aviser et elle a même juré d’aller me dénoncer si
jamais je faisais exciser cette dernière. Elle n’était pas encore partie
en France. Et, elle était encore jeune mais très mature dans sa tête à
17, 18ans », témoigne sa tante maternelle, Amy Kane.
Si
elle est sujette aux influences extérieures à cause de son séjour en
France, la militante féministe incarne les valeurs africaines de
solidarité, de partage. Elle est souvent au chevet des personnes en
situation de vulnérabilité. Elle a eu à héberger des personnes qui
viennent du Fouta pour se soigner à Dakar.
«
Récemment, elle a équipé notre dispensaire du village en matériels
médicaux d’une valeur de 14 millions F Cfa tout simplement parce qu’elle
est sensible à la cause féminine », relate Amy Kane. Lors
de son séjour en France, elle n’est pas restée éloignée des affaires de
la cité. Elle, avec une de ses amies sénégalaises, du nom de Mouride
Ndaw Fouéré étaient les deux femmes noires officiant à la Mairie de Mans
en France. C’était en 2012, après l’élection de François Hollande à la
présidence de la République de France.
«
Cette soirée électorale était symbolique pour nous deux, les deux
seules femmes noires à la mairie de Mans. Par la suite, naturellement,
l’engagement politique et l’amitié nous a liées autour de feu Monsieur
Jean-Claude Boulard, Conseiller d’État et Sénateur- Maire du Mans. Je
l’ai suivie dans son parcours d’études en communication et de sa
titularisation à la ville du Mans », indique Mouride Ndaw Fouéré qui
était domiciliée en France depuis 1997.
L’audace de l’avocate
Sur
les plateaux de télévision, elle affiche son militantisme féministe. De
plateau en plateau, d’émission en émission, elle tisse sa toile dans
l’univers des féministes. Lorsque l’affaire présumée de viol Adji Sarr, a
éclaté, au moment où les organisations de défense des droits des
femmes et des filles adoptent par principe de précaution, la neutralité,
la jeune Gabrielle sort du bois pour s’attaquer à l’auteur présumé du
vol, Ousmane Sonko.
Zia
est décrite comme une jeune femme « foncièrement intègre capable de se
remettre en question selon Mme Fouéré. Cette dernière est convaincue
qu’elle pourra aller très loin dans son combat contre l’injustice.
«
Son parcours personnel et professionnel vont certainement la propulser
au plus haut, j’en suis certaine », croit Madame Fouéré. Selon cette
dernière, son engagement contre l’injustice a un fondement : sa
sensibilité et son humanisme. « Son refus de l’injustice la pousse à
combattre et à défendre la cause des femmes, notamment celle de Adji
Sarr », explique l’une de ses meilleures amies.
La
figure montante du féminisme au Sénégal compte des confidents dans le
milieu de la presse. Parmi ses amis, elle cite Babacar Kébé, journaliste
à Seneweb. Ce dernier est consulté par Gabriella lorsqu’elle doit
prendre certaines décisions.
«
Elle communique bien sauf qu’elle est souvent agressive dans ses
discours. Je l’ai interviewée. Mais dans le cadre du boulot, nous
mettons de côté nos relations. Dans ce dossier, même si nous n’avons pas
un désaccord total, je ne suis pas d’accord avec beaucoup de ses
sorties. Je crois, elle a plusieurs fois franchi les limites d’une
simple féministe qui doit assister une femme », note le journaliste.
Elle paie aujourd’hui son implication si l’on se fie à certains
témoignages. C’est en faisant l’avocate de Adji Sarr qu’elle aurait
perdu son boulot et qu’elle reçoit des menaces de mort.
‘’Laisser tomber Adji Sarr »
La
jeune dame est bien consciente des représailles en s’impliquant dans
ce dossier si sensible. Au sein de sa famille, elle est mise sous
pression. « Ma famille a tenu plus d’une fois des réunions pour que je
laisse tomber cette affaire. Mais il faut savoir que mes principes sont
républicains et je le dois à Jean Claude Boulard. C’est mon mentor. On
peut dire que j’ai une utopie de la République. J’ai une haute estime de
ce qu’est la République, sa sacralité. De ce fait, je considère que
même si Adji a tort, on doit l’écouter, tout le monde a des droits et le
jour où je lâcherais Adji Sarr c’est parce que mes convictions me le
dicteront », a laissé entendre Gabriella Kane.
Jean Claude Boulard, le deuxième papa
Sénateur
et conseiller d’État à l’époque, Jean Claude Boulard représentait tout
pour Gabrielle Zia Kane. Très émotive à son sujet, elle est revenue
sur l’homme qui a exercé une influence sur elle. « Je me rappelle
clairement de notre première rencontre. J’étais dans une librairie et
quand l’homme d’État est entré dans le local, tout le monde le saluait
avec déférence. En m’apercevant, il est venu me demander pourquoi je ne
lui ai pas dit bonjour. Je lui ai alors fait savoir, j’étais concentré
sur mon livre et que c’était à lui de vous saluer puisqu’il vient
d’entrer dans la librairie », informe-t-elle. Depuis, lors, des
relations se sont consolidées et elle deviendra son assistante
parlementaire. « J’ai été son assistante parlementaire. Il a toujours
pris ma défense. J’ai eu l’impression d’enterrer un deuxième père quand
il est mort », raconte la protégée de l’homme politique.
Divorcée !
Divorcée
depuis un bon moment, elle nous fait savoir qu’elle se charge
entièrement et sur tous les niveaux de sa fille née de son premier
mariage. Selon la jeune dame, son ex-époux, cherche à récupérer leur
fille. » La justice sénégalaise s’en est chargée et j’ai eu du juge,
la garde exclusive et l’autorité parentale sur ma fille. Moi-même j’ai
la nationalité française. Donc je peux retourner en France quand je
veux. Mais il y a quelque chose de viscérale qui me retient ici au
Sénégal », s’est exprimée la féministe. Son papa avant de quitter ce bas
monde, lui avait investie d’une mission : celle de s’occuper dans la
famille, de sa famille pour reprendre son expression.
L’origine de ses fonds
La
féministe ne cache pas l’origine des fonds destinés à ses actions
sociales. Celle qui a travaillé durant 12 ans à l’étranger aux côtés de
Boulard, mentor d’Emmanuel Macron ne devrait pas avoir des problèmes
pour trouver des partenaires. Elle compte poursuivre son militantisme
pour défendre les plus faibles.