Découverte-Fatou Kiné Kane : Basketteuse de haut niveau et propriétaire d’un cheptel de moutons…
Des passions, elle
en a deux : la balle orange et s’occuper de ses bêtes. Fatou Kiné Kane
est une basketteuse professionnelle passée par le DUC, le championnat
roumain et suisse. Elle évolue à présent du côté de l’AS Ville de Dakar.
Férue d’élevage, elle s’y est lancée depuis 2014 et semble pleinement
s’épanouir dans cette activité.
La
plus importante fête musulmane, communément appelée Tabaski, arrive à
grands pas. Les prémices de cette réjouissance se font déjà sentir avec
la présence massive de cheptels ovins destinés à la vente partout dans
la capitale dakaroise. A Sicap Baobab, le décor est le même entre les
bâches installées pour abriter bétails et éleveurs et l’odeur âcre
provoquée par les urines et les matières fécales de ces animaux. Pour
voir la différence entre ces bergeries à ciel ouvert, il faut se
rapprocher de l’une d’entre elles de plus près. Assise sur une chaise
entourée de ses collaborateurs et de son bétail, on retrouve Fatou Kiné
Kane. Teint noir, tête enturbannée, elle est la propriétaire d’une
cinquantaine de têtes de bétail. Fatou est, d’ailleurs la seule femme
exerçant cette activité dans le coin. S’appliquant avec précaution, la
jeune dame est aux petits soins avec ses moutons : « C’est un réel amour
que j’ai pour eux. Parce que tout ce que vous leur donnez, ils vous le
rendent en retour ».
Une transition Basket-élevage accélérée par les blessures
Son
mètre quatre-vingt-dix et sa démarche oscillante, mettent la puce à
l’oreille sur sa vocation initiale qu’est le basketball. Ayant fait ses
débuts au Dakar Université club (DUC), la pivot de formation a fait 9
ans en Roumanie puis a évolué dans le championnat suisse. Pas épargnée
par les blessures, elle décide de rentrer au Sénégal pour évoluer dans
son club de cœur, l’ASC Ville de Dakar. Un retour qui lui a permis de
s’adonner à son deuxième centre d’intérêt: l’élevage de moutons. « J’ai
commencé en 2014 avec une brebis (qui se nommait Viviane) de 35 000
FCFA que j’ai acheté à liberté 6, raconte-t-elle. Cette année-là, ma
mère et ma grande sœur étaient parties à la Mecque et j’étais toute
seule à la maison. On avait un garage vide à la maison, je l’ai
réaménagé pour y installer mon mouton que j’avais appelé Viviane. Cette
dernière a eu des petits que je n’ai pas vendus ». « Mouton après mouton
», Fatou voit la population de ses ovins doubler, et le garage se faire
petit. Elle décide d’acheter un terrain à Keur Gui Laye où elle élève
en masse ses animaux avant de les acheminer sur Dakar pour la vente. Une mère visionnaire et peu dépensière
«
Depuis toute petite, j’ai toujours voulu faire de l’élevage. A la
maison, j’avais des lapins, des pigeons et des poulets », confie
l’éleveuse. Bien qu’ayant mis de l’argent de côté lors de ses passages
dans des écuries européennes, Fatou Kiné Kane a pu compter sur les
épargnes de sa génitrice pour lancer son entreprise : « Quand j’étais en
Europe, tout l’argent qu’on me payait, je l’envoyais à ma mère. Et elle
conservait cet argent parce qu’elle se disait dans un coin de sa tête
que j’allais rentrer tôt ou tard au Sénégal ». Outre cet esprit
d’anticipation, la mère de la basketteuse s’investit pleinement dans les
activités de sa fille : “Vu que je vends aussi des poulets, c’est elle
(sa mère) qui les vend quand je ne suis pas à la maison”. Autre soutien
de taille, son conjoint : « J’ai un mari extraordinaire qui aime
l’élevage et qui me pousse constamment ».
« L’argent, ce n’est que des billets mais l’amour que les gens te rendent te poussent à faire mieux »
Son
entreprise compte une dizaine d’employés, principalement des jeunes.
L’un d’eux se nomme Théo, il est présent depuis le début de l’aventure :
« il m’aide énormément sans lui j’aurais eu beaucoup de peine à gérer
tout ça. On est une véritable équipe », raconte-t-elle les yeux
scintillant. Si l’argent est la motivation principale pour de nombreux
entrepreneurs avant de se lancer dans un business pour Fatou, les
relations humaines priment le reste. « Il y a une femme qui m’a marqué.
Elle m’avait vu il y a deux ans dans un reportage à la RTS. Et elle a
marché de point E jusqu’à Baobab pour venir acheter un mouton. C’est une
vielle femme. Je lui ai vendu le mouton et elle s’est mise à me
formuler des prières. Le jour de la Tabaski après avoir immolé son
mouton, elle me rappelle pour me dire qu’elle était contente de moi »,
se remémore-t-elle. Une anecdote mémorable qui lui fait dire : «
L’argent, ce n’est que des billets mais l’amour que les gens te rendent,
la gratitude et les prières sont ces choses qui te poussent à faire
encore mieux et à avancer ».
Son avenir dans le basket : « S’il plaît au bon Dieu, cette année sera ma dernière »
L’élevage
requiert du temps, énormément de temps. Tout en sachant que F.K.K est
basketteuse professionnelle en activité, la question de l’alliage
élevage-basket est une impérieuse nécessité. La capitaine de l’ASC Ville
de Dakar se consacre durant la journée à son bétail et une fois le soir
tombé, elle jette son bâton de bergère et enfile ses godasses de
basketteuse. « Des fois, je suis très fatiguée. Mais, c’est le travail,
on fait avec », confesse la joueuse. La jeune dame confie pouvoir
compter sur le soutien sans faille de son club : « Je remercie mon
équipe car tout ce que je vends, il achète. Mais aussi, ils me
comprennent quand je ne peux pas jouer, je leur demande la permission et
ils me laissent partir ».
Après
presque 20 ans de carrière dans le haut niveau, Fatou Kiné Kane
s’apprête à tirer sa révérence : « Pour l’instant, je suis là mais s’il
plaît au bon Dieu, cette année sera ma dernière ». Cependant, elle ne
compte pas rester trop longtemps loin des parquets : « J’ai obtenu mon
diplôme, pourquoi ne pas revenir en tant qu’encadreur ou en tant
qu’entraîneur à l’ASC Ville de Dakar ».
Le tout en continuant à prendre soin de ses moutons, si chers à ses yeux.