Tendances culinaires : Finies les vieilles recettes ! le goût du risque, menu préféré le jour de la Korité
Les changements s’opèrent à tous les niveaux au sein de notre société. Les femmes « des temps modernes » ont décidé de tourner la page des vieilles recettes. Désormais, le jour de korité, elles servent des mets où l’on retrouve à la fois du poulet, des viandes de bœuf, de mouton ou de chèvre. C’est ce qu’elles qualifient de mixage. Les gardiennes de la tradition se démarquent de cette tendance culinaire qui comporte des risques. Reportage.
Le mois béni de ramadan tire à sa fin. Les esprits sont à la fête. Elle se prépare dans la ferveur alors qu’on est à moins d’une semaine de l’Eid-El-Fitr, communément appelée Korité. Les signes de l’air de fête sont visibles à travers les belles tenues et coiffures. Les ateliers de couture et les salons de coiffure tournent à plein régime. A côté de la couture et de la coiffure, il y a la préparation des mets. Là, aussi, les femmes ne négligent rien. La fête, c’est la parure et la nourriture. La quête du bon goût et de la saveur exotique incitent certaines artistes de l’art culinaire comme la restauratrice « Togue Yaye Isseu » à maîtriser les recettes d’hier et d’aujourd’hui. Cette saint-louisienne est sortie de l’ombre grâce à la magie des réseaux sociaux où elle diffuse ses connaissances sur l’art culinaire. Elle est donc mieux placée pour s’apprêter à un jeu de comparaison des goûts. « Il y a une grande différence entre la cuisson d’hier et celle d’aujourd’hui. D’abord, sur le plan du goût et des plats. Nos mamans cuisinaient naturellement sans bouillon, ni certains ingrédients. L’alimentation exposait moins aux risques sanitaires », note la restauratrice originaire de Saint-Louis, au nord du Sénégal, une ville où les femmes sortent du lot en matière de préparation du « Cebbu Dien » ( riz au poisson), une recette inscrite récemment au patrimoine mondial de l’Unesco.
Une dose de regrets sort de la bouche de notre interlocutrice. Elle estime que les tendances culinaires ne sont pas sur une trajectoire rassurante. « Les choses ont beaucoup changé depuis les années 2000. La cuisine bat de l’aile. Auparavant, pendant la fête de korité, nos aînées avaient l’habitude de préparer soit du riz à la viande, du buffet ou ragoût (avec de la viande ou poulet),sauce macaroni, Spaghetti accompagné de poulet…. mais tel n’est plus le cas maintenant », analyse-t-elle.
Comme cette dernière, une mère de famille, du nom de Ndèye Amy Coulibaly a aussi remarqué une nouvelle façon de cuisiner lors des fêtes. Elle refuse de céder au suivisme. Pour cette korité, elle remet son poulet rôti au menu. « Depuis 2001, je ne prépare que ce que j’ai l’habitude de préparer, c’est-à-dire, du poulet rôti, accompagné de la salade à côté, sauce oignon, frites, sauce verte et crudités. C’est quelque chose qu‘on avait l’habitude de préparer à la maison familiale avant même que je déménage avec mon mari dans notre propre maison », raconte la dame. Dans la matinée, elle propose à sa famille soit du « Lah » avec du lait, du « Thiakri », ou encore du « Ngalakh ».
La mode est au mix : un mets, plusieurs viandes
La
nouvelle tendance s’observe même à l’intérieur des marmites. Le goût du
risque a poussé certaines femmes et restauratrices à adopter le mix,
c’est-à-dire, l’association du poulet avec de la viande de bœuf, du
mouton ou de la chèvre. C’est la recette de Daba Diallo, commerçante
qui s’active dans la vente de charcuterie. Célibataire, c’est elle qui
dirige et supervise tout, à la maison le jour j. « Je suis l’aînée de
la famille. Donc à la maison, c’est moi qui donne les directives. Pour
cette année, je leur ai suggéré de faire le mix poulet et viande avec
une touche de méchoui et du dibi (viande grillée au feu de bois) et
poulet. Je pense que c’est mieux ainsi dans la mesure où l’on veut
innover et ne peut pas faire tout le temps la même chose surtout que
pendant le ramadan, on consomme aussi souvent du poulet ».
Le mix ou mixage est chez les femmes « des temps modernes », ce que le mot d’ordre est pour les syndicalistes. La preuve, Mamy Seck, mariée à un Français converti à l’Islam, a aussi jeté son dévolu sur le mix. « Depuis quelques jours, je cherche des idées pour mon menu. Je suis mariée à un étranger et nous aurons des invités. Je pense à quelque chose de très classique comme le mix poulet et viande avec une touche de barbecue ou dibi (viande grillée au feu de bois) ou gigot au four avec des accompagnants aux légumes sautés, frites de pommes de terre et patates mais en quartiers ou rondelles. Et pour mieux apporter la touche sénégalaise, je vais faire des jus locaux comme le « bissap » (blanc et rouge), du « bouye », « corossol », du thiacry en dessert, quelques mangues et du thé pour terminer », dévoile Mamy Seck.
A la différence de cette dernière, Rokhaya Faye est indécise. Cette dame qui a mis un trait sur sa vie de célibataire, depuis 6 mois, cherche à marquer le coup surtout que son époux a une première femme. « Je suis une deuxième femme qui est nouvellement mariée. Mais je ne vis pas avec ma belle-famille. J’hésite entre le poulet braisé et le pané. Mais je pense à du pané car j’en raffole et en plus, c’est une tendance », estime-t-elle.