Guinée: la junte met en demeure les compagnies minières sur la bauxite
Le chef de la junte au pouvoir en Guinée, le colonel
Mamady Doumbouya, a mis en demeure les compagnies minières étrangères
de construire des usines sur place pour un partage équitable avec le
pays des revenus de ses ressources.
Le
colonel Doumbouya a donné aux entreprises jusqu’à fin mai pour
soumettre des propositions et un calendrier pour la construction sur
place de raffineries de bauxite, montre sur la page Facebook de la
présidence guinéenne la vidéo d’une rencontre qui a eu lieu vendredi
avec les représentants des compagnies.La
Guinée possède, avec une estimation de 7,4 milliards de tonnes, les
plus importantes réserves mondiales de bauxite, minerai entrant dans la
fabrication d’aluminium, essentiel par exemple dans les industries
automobile ou alimentaire. Elle en est aussi le deuxième producteur. La
Chine importe de Guinée environ la moitié de ses besoins de bauxite.
Cependant,
les retombées en Guinée de l’extraction de la bauxite ou des autres
abondantes ressources naturelles comme le fer, l’or et le diamant
restent notoirement disproportionnées. Les experts invoquent
l’insuffisance des investissements dans le développement d’un tissu
économique local, le manque d’infrastructures primordiales comme les
routes, une corruption réputée endémique ou encore les lacunes des
textes en vigueur.
Malgré ses richesses naturelles, la Guinée reste un des pays les plus pauvres du monde. »En
dépit du boom minier du secteur bauxitique, force est de constater que
les revenus escomptés sont en-deçà des attentes, vous et nous ne pouvons
plus continuer à ce jeu de dupes qui perpétue une grande inégalité dans
nos relations », a dit le colonel Doumbouya aux industriels.
Des
compagnies comme la Société minière de Boké (SMB, consortium formé par
l’armateur singapourien Winning Shipping, le producteur chinois
d’aluminium Shandong Weiqiao, le groupe Yantaï Port), la Compagnie des
bauxites de Guinée (CBG, détenu à 49% par l’Etat guinéen et à 51% par
Halco Mining Inc, un consortium formé par l’Américain Alcoa,
l’Anglo-Australien Rio Tinto-Alcan et Dadco Investments) et le Russe
Rusal, opèrent dans le secteur.
La
transformation sur place du minerai « devient incontournable, c’est un
impératif et sans délais », a-t-il déclaré. Il a souligné que les
conventions passées entre le gouvernement guinéen et différents groupes
stipulaient que le raffinage aurait lieu sur place, mais qu’elles
restaient « lettre morte ».Le non-respect
de ces conventions est une « cause de nullité » et leur application est
« non-négociable » pour le gouvernement, a-t-il martelé.
Avant
fin mai, « je vous demande de revenir auprès du ministre des Mines et de
la Géologie avec des propositions, un projet, un chronogramme
(calendrier) précis de construction de raffineries d’alumine en
République de Guinée », a-t-il déclaré.
Toutes les matières premières entrant dans la fabrication devront également être produites sur place, a-t-il insisté.
Les compagnies qui enfreindraient les délais de construction de raffineries seraient sanctionnées de pénalités, a-t-il prévenu.
Le
colonel Doumbouya, qui s’est depuis fait investir président, s’était
employé à rassurer les opérateurs étrangers quand il avait pris le
pouvoir par la force en septembre 2021. Il avait assuré que la Guinée
tiendrait les engagements qu’elle avait pris.
Mais
en mars, il avait ordonné la cessation de toute activité sur le site de
l’immense gisement de fer de Simandou, pour réclamer que les intérêts
nationaux soient préservés par ses exploitants étrangers, dont la SMB et
Rio Tinto. Un accord-cadre de 15 milliards de dollars a depuis été
signé fin mars entre l’Etat guinéen et les exploitants pour un
co-développement du gisement.