Location de terrains de football : Pleins feux sur un business très florissant à Dakar
À Dakar, la location de terrains de football est
aujourd’hui devenue lucrative. Toutes les tranches d’âge se retrouvent
sur ces prés verts pour des moments de plaisir et de détente, moyennant
une contrepartie financière. Le quotidien national Le Soleil a braqué
ses rayons sur ce business devenu très florissant.
Rien à envier aux grands stades
Ballons,
gradin, joueurs bien équipés, gazon bien taillé et arrosé ! Le décor
est planté. Rien à envier aux grands stades à travers le monde.
Bienvenue au terrain de la base militaire de Ouakam. Deux équipes
s’affrontent sur la pelouse, sur toute l’étendue du terrain de football,
même s’il est possible de n’occuper que la moitié de l’aire de jeu. En
fait, c’est en fonction de la somme déboursée, car il faut payer pour
jouer. Ce que confirme Lamine Sané, le gestionnaire, trouvé dans son
bureau, juste à l’entrée de l’enceinte. « Ici, on peut louer le terrain
en entier ou la moitié ; et forcément les tarifs diffèrent ». Le match
tire à sa fin, alors que le soleil tend à disparaitre et que la
fraicheur s’apprête à imposer sa loi. Tout autour de ce rectangle vert,
d’autres équipes sont à l’échauffement et attendent tranquillement leur
tour pour prendre possession de l’aire de jeu. Sauf que le match en
cours semble ne pas devoir s’achever.
De
longues minutes s’ajoutent au temps imparti, grignotant un peu sur le
temps réservé au match suivant. Un des camps en attente pour commencer
sa partie s’impatiente. Son responsable clame sa frustration. Papa,
ainsi que floqué sur son maillot du club anglais de Chelsea, lance un
regard noir en direction du gestionnaire à qui il dit : « j’espère
qu’après ce match ce sera notre tour, ils ont trop fait durer leur pause
; or ceux de l’autre côté soutiennent que ce sera leur tour après ce
match ». Et Lamine Sané de rétorquer gentiment avec le sourire, « c’est
vous qui allez jouer ; premier à réserver, premier à jouer ».
Lamine
Sané est chargé de contrôler et de jouer au policier au cas où il
risquerait d’avoir un débordement parfois causé par le temps de jeu des
équipes. « Il est très difficile de gérer le temps, il nous arrive
parfois de donner 10 à 15 minutes de plus pour chaque match puisque nous
prenons en compte les retards », affirme-t-il.
Le
match entre les supporters sénégalais de Chelsea sur Twitter (Chelsea
TL221), et ceux de « Touss Tassar » et une sélection de joueurs avec
divers maillots, démarre finalement vers 18h 30. L’ambiance est
conviviale. Quelques minutes après, l’appel du muezzin annonçant la
prière du crépuscule coïncide avec l’allumage des quatre projecteurs sur
le terrain du camp militaire de l’armée de l’air, situé à Ouakam.
Entourée d’arbres et loin de la pollution sonore qui règne en maitre à
Dakar, cette base aérienne, qui abrite le terrain, est bien protégée par
les génies du Monument de la Renaissance africaine qui semble veiller
sur elle. Ce lieu, sous la tutelle de l’Armée sénégalaise, est un espace
conçu pour permettre aux Dakarois de tous âges, passionnés de football,
de venir se divertir. À condition de réserver et de passer à la caisse.
« Nous avons mis en place une structure en partenariat avec l’Armée
sénégalaise qui s’occupe de la gestion du terrain », explique M. Sané.
L’offre et la demande
Les
terrains de football à louer sont devenus une attraction pour les
Dakarois et l’offre est inférieure à la demande, comme le justifie M.
Sané, « depuis qu’on a commencé ce business, tout marche bien, la
clientèle adhère et répond présent ». Les clients viennent par groupe
d’amis, par sélection ou entre collègues de travail.
Les
équipes cotisent souvent pour louer les terrains et règlent les frais
en espèces ou via un opérateur mobile de transfert d’argent. Les matches
s’enchainent parfois, même si « la location de terrain de football est
très chère à Dakar », se désole Mouhamed Sèye, joueur de l’équipe de
Chelsea TL221, qui se produit sur ces terrains loués depuis près de 10
ans et ses débuts sur celui de Dakar Sacré Cœur (Dsc).
Les
nombreux pratiquants sont surtout attirés en ces lieux par la belle
qualité de la pelouse et la proximité des lieux. En lieu et place des
terrains de voisinage gratuits et souvent sablonneux, beaucoup d’équipes
préfèrent ces aires de jeu gazonnées et sécurisées qui les rapproche
beaucoup plus de la solennité d’un match officiel. Les habitués de ces
lieux demandent juste que l’État supervise et réglemente davantage les
tarifs des locations.
On se frotte les mains !
Louer
un terrain de football est un business florissant à Dakar, malgré, le
pouvoir d’achat faible des Sénégalais. Ces espaces sont très fréquentés
et la demande est toujours là.
Le
football est le sport numéro 1 au Sénégal. Le pays de Sadio Mané, El
Hadj Diouf, Jules Bocandé et Kalidou Koulibaly regorge de passionnés et
de pratiquants. De plus en plus, ils misent sur la qualité du cadre.
Pour satisfaire cette demande accrue, des clubs comme Niarry Taly, Dakar
Sacré Cœur et des structures privées comme Be Foot, Fara Foot mettent
en place des complexes sportifs en location.
Ces
terrains de jeu à louer deviennent fréquents. Ils sont particulièrement
en gazon synthétique et font disparaitre les terrains sablonneux
trouvables à chaque coin de rue. Mais ce «luxe» a un prix. Les tarifs
varient entre 20.000 et 80.000 FCfa l’heure, dépendamment de l’espace
occupé sur le terrain et des heures de location. Les équipes jouent
souvent à 5 contre 5, à 7 contre 7, à 9 contre 9 et à 11 contre 11.
Les
terrains fonctionnent de 8h à 5h du matin et les propriétaires avouent
que les heures sont toujours occupées. Conscients de la difficulté du
train de vie des Sénégalais et voulant permettre à toutes les bourses
d’y trouver leur compte, les gérants de ses complexes font souvent des
compromis. Comme l’explique Médoune, gérant du terrain de Niarry Taly. «
Les joueurs viennent avec plusieurs pièces et des billets de 500 FCfa,
car ils se cotisent entre eux jusqu’à réunir la somme demandée ».
Il
est difficile de définir leur nombre exact, même si la plupart
affirment que l’Académie de football Dakar Sacré Cœur est le pilier dans
le domaine. Leur floraison ces dernières années correspond à la demande
et au manque de terrains de qualité, selon Talla Mbengue,
copropriétaire du terrain de football situé à la Place du Souvenir, sur
la Corniche Ouest de Dakar.
Il
ajoute : « les jeunes n’ont plus d’espaces dans leur quartier pour
s’amuser et profiter de leur passion ». Ils sont des lieux de
retrouvailles entre amis, collègues et passionnés de football qui
veulent évoluer dans un cadre adéquat. Le terrain de la Place du
Souvenir, implanté en 2019, par un chef d’entreprise sénégalais
d’origine libanaise, ne fait pas exception à cette fourchette. Talla
affirme : « C’est 20.000 FCfa la matinée, 35.000 FCfa l’après-midi et
50.000 FCfa la soirée ». Ces complexes sportifs ont des supports
médiatiques et y partagent des informations concernant les modalités
d’abonnements annuels.
D’importants investissements
El
Hadj Dieng, gestionnaire de la Sarl Aspro (Africa sport professionnel)
estime qu’il y avait un manque criant de stades alors que la demande est
très forte. « C’est ce qui a motivé la création de cette structure. À
côté des stades traditionnels, il faut des complexes pour faire du
sport-loisirs et des espaces pour les accueillir. Tout était réuni pour
nous installer au Cfpt Sénégal-Japon », a-t-il fait savoir.
Selon
lui, investir dans le secteur de la location demande beaucoup de moyens
; car « les clients sont très exigeants en ce qui concerne la qualité
de la pelouse et des installations. Ce terrain appartient à notre
structure Aspro (Africa Sport Profession) qui s’occupe également de
l’académie de football BeSport et du club Sahel Atlantic FC ». Les
retombées venant de la location, soutient le gestionnaire, permettent
d’améliorer la structure.
«
D’ailleurs nous envisageons d’avoir des terrains un peu partout à Dakar
et dans les régions. C’est notre modèle économique de base, même si les
relations avec d’autres clubs ou la vente de joueurs peuvent aider »,
dit-il, ajoutant que « la communication digitale compte beaucoup pour
nous. Nous sommes bien présents sur le net et nous disposons de notre
site et de comptes sur les réseaux sociaux. Elle est très importante
pour avoir une visibilité et attirer le maximum de clients ».