Yacine Yade, fondatrice de Fam et JabaBio : Pour l’amour de la terre !
L’accès aux terres est encore un défi pour les femmes sénégalaises du fait de plusieurs paramètres. Pourtant, il en existe encore qui sont épris d’amour pour le travail de la terre et se sont spécialisées dans le domaine. C’est le cas de Yacine Wade qui a fini par marquer son empreinte dans le domaine. Du haut de ses 25 ans, la fondatrice de la structure Femmes Agronomes du Monde (FAM) (une initiative pour l’autonomisation des femmes) et JabaBio (un mini supermarché bio), originaire de Mpal (région de Saint-Louis), force le respect. Elle raconte son parcours inspirant dans cette interview accordée à Seneweb à l’occasion de la célébration du 8 mars.
Yacine Yade vous êtes agronome, un métier où il y a très peu de femmes. Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?
Je
suis titulaire d’un Baccalauréat scientifique série S2 au groupe
Scolaire Halwar aux Maristes. Après le Bac, j’ai fait une formation en
Agrobusiness à l’institut africain des études de développement (IAED)
devenu EMIA. J’ai aussi fait des formations en agroalimentaire. J’ai
participé aussi à plusieurs formations sur le leadership avec le Club
des Investisseurs Sénégalais, sur la maîtrise de l’hygiène dans un
établissement agroalimentaire avec « FEED THE FUTURE ». Je suis,
également, fondatrice de la structure Femmes Agronomes du Monde (FAM)
qui est une initiative pour l’autonomisation des femmes. Je travaille
avec plusieurs groupements de femmes au Sénégal mais aussi dans d’autres
pays africains comme le Mali.
Je
suis la Présidente du Réseau des Jeunes Agripreneurs d’Afrique (RJAA),
également membre du réseau des jeunes professionnels pour la recherche
et le développement de l’agriculture en Afrique (YPARD SN). Et en même
temps vice-présidente chargée des questions de genre et de l’inclusion
sociale de la Confédération des Réseaux de Jeunes Agripreneurs au
Sénégal (CRJAS). Je suis aussi ambassadrice du Cluster Digital AFRICA.
Je détiens également une ferme. En mai 2021, j’ai ouvert un mini
supermarché dénommé JabaBio où nous promouvons le consommer local.
“Quand j’entends que l’agriculture n’est pas faite pour la gente féminine, je ris”
En tant que femme, qu’est-ce qui vous a motivé à vous spécialiser dans l’agronomie ?
C’est
la passion, l’amour que j’ai pour la terre. D’autant plus que depuis
toute petite, je partais au champ familial pour amener le repas aux
ouvriers de mon père. Cet amour est venu naturellement et m’a poussé à
m’intéresser à ce métier. Aussi, quand j’entends, d’aucuns dire que
l’agriculture n’est pas faite pour la gente féminine, je ris ! Il n’y
pas encore une fois un métier d’homme ou de femme. Si on a les
compétences pour être agronome étant femme why not?
Le
plus important est d’apprendre le métier et surtout de l’aimer. On sait
que l’agriculture est un métier pénible physiquement mais étant femme
ça ne nous empêche pas de nous y lancer et de faire des résultats
comme les hommes.
“Certains se moquent de moi ou ne me font pas confiance”
Que représente l’agronomie pour vous ?
L’agronomie
c’est tout pour moi ! C’est ma vie. Je mets les moyens qu’il faut pour
réussir dans ce domaine, la formation, les recherches… Tout ce qui peut
me permettre d’avancer dans l’agronomie, je le fais.
J’interviens
dans ce domaine par amour de la terre depuis le bas âge. Mais aussi je
voulais vraiment prendre la relève de mon père. Mon père prenait de
l’âge à l’époque où tous ses autres enfants travaillaient dans des
domaines autres que l’agriculture.
Êtes-vous confrontée à des difficultés dans ce milieu ?
Les
difficultés ne manquent pas. En tant femme dans le milieu beaucoup se
moquent mais aussi ne font pas confiance. Certains te disent qu’une
femme ne me dicte pas ce que je dois faire etc. Très compliqué d’y
bosser mais c’est à toi de pousser les gens à te respecter et surtout
leur montrer, par le travail, que tu maîtrises ce que tu fais. Mis à
part les moqueries, il faut admettre qu’il faut beaucoup de moyens pour
bien mener ses activités. Le manque de financement ralentit aussi nos
activités…
En
tant que femme, avec tout le temps que ce métier demande, parvenez
vous à trouver un équilibre en vie privée et professionnelle ?
Tout
est question d’organisation. J’essaye de trouver du temps pour gérer ma
vie au quotidien en dehors de la vie professionnelle. Mon métier ne
m’empêche aucunement de profiter de la vie. Chaque chose en son temps.
Il faut juste trouver le juste milieu pour équilibrer sa vie.
“La femme est au cœur des efforts déployés pour nourrir le monde”
Au-delà de l’agronomie, vous êtes une militante de la cause féminine. Peut-on vous qualifier de féministe à cet égard ?
Je
pense l’avoir une fois dit. Je ne me proclame pas féministe. Tout ce
que je peux dire est que je reste convaincue que la femme, surtout celle
qui est dans le secteur agricole, doit être accompagnée. Car nous
savons que la place de la femme dans la sécurité alimentaire est
indéniable. De plus, elle joue un rôle primordial dans la production
agricole. Tout ce que je souhaite est que la femme puisse être soutenue
afin qu’elle contribue davantage au développement socio-économique.
Est-ce que la femme est suffisamment valorisée dans ce secteur ?
La
femme doit être mieux valorisée dans le secteur agricole. Car la femme
est au cœur des efforts déployés pour nourrir le monde. Par exemple, en
Afrique subsaharienne, les femmes produisent jusqu’à 80% des denrées
alimentaires destinées à la consommation des ménages et à la vente sur
les marchés locaux, selon un rapport de la Banque mondiale et de la
FAO. Avec le rôle et l’influence de la femme dans ce secteur, elle
mérite d’être soutenue et accompagnée.
Formez-vous d’autres femmes dans ce domaine ?
En
fait ma structure Femmes Agronomes du Monde (FAM) forme et accompagne
les groupements de femme à l’exemple de celui de Kédougou géré par les
femmes du Jardin de Fadiga spécialement, spécialisé dans la
transformation des fruits et légumes. Nous offrons également des
formations gratuites sur le maraîchage. Cette structure est mise en
place pour rendre les femmes autonomes.
Recevez-vous des soutiens de la part de l’Etat ou des ONG ?
On a plus reçu des promesses d’accompagnement mais depuis ça tarde. Donc on mène nos activités sur fonds propres.
Aujourd’hui
l’agriculture fait face à la prolifération des pesticides et autres
produits chimiques, avec tous les dangers qui sont autour. Quelle est
votre philosophie par rapport à cela ?
Ma
structure et tous ses partenaires sont dans la production de bio. On
n’utilise pas d’engrais chimiques ni des produits chimiques de manière
générale. On essaie de sensibiliser tous les producteurs qui sont dans
l’agriculture conventionnelle sur les dangers de ces produits chimiques.
Nous les invitons à faire une production bio, à aller vers
l’agriculture écologique.
Avez-vous le soutien de votre entourage ?
Tout
à fait/ ma famille, mes amis et connaissances me soutiennent beaucoup.
Ceci représente une source de motivation. Ils me boostent à aller de
l’avant. Donc je peux dire que moralement, je reçois énormément de
soutien de leur part.
Un appel à lancer aux femmes de manière générale pour ce 8 mars.
En ce 08 mars qui est la nôtre, je souhaite voir toutes les femmes autonomes.
Entretien réalisé par Aminata Dione (Stagiaire)