Ousmane Sonko doit parler ou se taire à jamais ! (Par Madiambal Diagne)
Des militaires sénégalais ont été attaqués, le lundi 24 janvier 2022, par une escouade d’individus armés, supposés appartenir au Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc). L’attaque a fait 3 morts dans les rangs des militaires sénégalais, qui sont en mission internationale en Gambie. Neuf de leurs camarades manquent encore à l’appel et nul ne sait pour l’heure ce qu’il en est de leur sort. Ce bilan particulièrement lourd interpelle la Nation entière. En Gambie, théâtre des opérations, toute la classe politique a dénoncé, d’une même voix, cet acte ignoble. Si les sujets de consensus sont difficiles à trouver au pays du Président Adama Barrow, l’attaque dont ont été victimes les soldats sénégalais a provoqué l’unisson de l’opposition et du pouvoir, pour la dénoncer et surtout appeler à la libération immédiate des soldats pris en otage. Mais au Sénégal, le Président Macky Sall semble porter seul le deuil.
Qu’attendrait le Sénégal pour observer un deuil national ?
Le
chef de l’Etat, son gouvernement et l’Armée nationale ont réagi pour
déplorer cette attaque et ont promis de tout mettre en œuvre pour
retrouver les soldats disparus et surtout, pour que plus jamais une
telle déconvenue n’arrive à nos soldats. Ce n’est certainement pas
suffisant. Loin s’en faut ! Attendrait-on de s’assurer du sort des
soldats disparus pour décréter un deuil national ou mettre les drapeaux
en berne ? L’Armée sénégalaise a connu plusieurs épisodes dramatiques du
genre, dans le cadre d’opérations en Casamance, mais il faut dire que
ce dernier coup est difficilement acceptable. En effet, l’accalmie était
revenue dans la zone, grâce à des opérations de sécurisation menées
pour démanteler des bases rebelles et pousser les irrédentistes
casamançais jusque dans leurs derniers retranchements. Le Président
Macky Sall avait tenu à ce qu’il n’y ait plus de sanctuaire rebelle en
territoire sénégalais. Assurément, il était écrit dans ces colonnes, le
22 février 2021, que «Macky Sall gagne une guerre de 40 ans». Ainsi, les
combattants du Mfdc se mettent à commettre leurs attaques contre
l’Armée sénégalaise à partir de l’étranger. Les populations locales ont
pu apprécier cette nouvelle situation de paix car elles ont été
épargnées des braquages et autres attaques sauvages. Il s’y ajoute qu’il
est révoltant que les soldats aient payé de leur vie la vénalité de
milieux mafieux prospérant dans des trafics de bois prélevés des forêts
de Casamance. Seulement, le coup dur porté contre les soldats en mission
en Gambie est d’autant plus cruel qu’il intervient dans un contexte
politique qui a pu faire craindre la recrudescence de velléités
indépendantistes, avec les succès électoraux engrangés par Ousmane Sonko
et sa coalition électorale Yewwi askan wi (Yaw) dans certaines
localités de la Casamance. Déjà, dans son discours de campagne
électorale, le leader de Pastef accréditait de manière manifeste, l’idée
d’une séparation de la Casamance du reste du Sénégal, avec
l’instauration d’une monnaie locale. Tout le monde avait déjà constaté
les liens troubles ou autres accointances entre Ousmane Sonko et des
leaders indépendantistes casamançais mais aussi, le fait que cette
subite résurgence d’une attaque contre l’Armée intervienne le lendemain
d’une telle victoire électorale ne manque pas de susciter davantage des
interrogations. En effet, la concomitance ou l’occurrence a pu gêner
plus d’un observateur. D’ailleurs, certains analystes avaient exprimé
leur inquiétude sur les plateaux de télévision, le soir du 23 janvier
2022, de voir certains groupes rebelles chercher à profiter de la
nouvelle situation politique pour se faire entendre. On peut bien dire
que cela n’a pas raté. Il reste que le plus étonnant est que Ousmane
Sonko s’emmure dans un silence assourdissant sur ce drame subi par
l’Armée sénégalaise. Serait-il trop demander à Ousmane Sonko de
s’émouvoir de la mort de nos soldats et/ou de présenter des condoléances
aux familles des victimes et d’exiger la libération des personnes
prises en otage ? Quel calcul politique vaudrait-il de sacrifier l’Armée
nationale à l’autel d’on ne sait quel prix d’un soutien de milieux
indépendantistes ? Ousmane Sonko n’a pas le «droit au silence» sur cette
nouvelle affaire. Plus d’une fois il a suscité la polémique ou la
controverse par ses prises de position sur des questions relatives à la
Casamance. Mieux, ne s’est-il pas proposé comme celui qui devra
consacrer l’avènement d’une paix définitive en Casamance ? Ces 3 soldats
tués et ces 9 soldats disparus ne mériteraient-ils pas le moindre tweet
de sa part ? Ousmane Sonko n’a même pas daigné faire taire ou se
démarquer de l’indigne campagne organisée sur les réseaux sociaux par
des responsables bien identifiés de son parti, qui cherchaient, suite à
l’accrochage meurtrier entre des soldats et des rebelles, à accréditer
l’idée que c’est Macky Sall qui manœuvrait ainsi pour réveiller les
démons de la guerre en Casamance, parce que son camp aurait perdu les
élections locales à Ziguinchor. Dire que même Abdoul Mbaye et Guy Marius
Sagna se sont dit émus par ce drame qui frappe l’Armée nationale et le
Sénégal tout entier !
Subitement le soir du 23 janvier 2022, on oublie que le Sénégal était une «dictature»
Les
radios et télévisions sénégalaises ont instauré depuis 1996, la
tradition de diffuser en direct, les résultats sortis des bureaux de
vote. Cette pratique, qui a inspiré de nombreux autres médias à travers
le continent africain, a toujours participé à la transparence des
scrutins. Mais lors de l’élection présentielle du 24 février 2019, la
publication des résultats par les médias avait été interrompue par des
acteurs politiques qui ne souffraient pas d’entendre, à travers les
ondes, des résultats qui dessinaient inexorablement une victoire du
candidat Macky Sall. Les journalistes avaient été menacés, insultés et
des bandes de nervis avaient été envoyées pour attaquer les maisons de
presse qui avaient été obligées, devant la peur, d’arrêter l’exercice,
en coupant leur antenne. Le 23 janvier 2022, on a pu sourire en
entendant des acteurs politiques qui pourtant pourfendaient ces médias
en 2019, appeler les mêmes stations et les mêmes journalistes pour
jubiler des victoires acquises dans telle ou telle localité, sur la foi
des résultats diffusés à l’antenne. Comme quoi, le scrutin est
transparent et sincère quand l’opposition gagne et il est truqué et volé
quand cette opposition perd. Le Code électoral et les règles des
opérations électorales n’ont point changé entre temps et l’organe de
supervision des élections qu’est la Commission électorale nationale
autonome (Cena), vouée aux gémonies en 2019, est restée dans la même
composition. On relèvera donc que rien n’a changé, jusqu’à la mauvaise
foi de certains acteurs politiques. Les magistrats non plus n’ont pas
changé. Ces juges qui étaient menacés, insultés, traités de vendus et
d’être à la solde du régime du Président Macky Sall, ont supervisé le
processus électoral comme ils le faisaient naguère et, saisis de
contentieux électoraux, ont rendu diverses décisions qui n’ont point été
contestées pour avoir satisfait tantôt l’opposition, tantôt le pouvoir.
Cette fois, cette Justice est devenue comme par enchantement
«vertueuse» à tous points de vue. C’est dire que les accusations d’une
Justice aux ordres relevaient surtout d’une mauvaise foi dont il
faudrait espérer que la classe politique guérisse, mais que le Sénégal a
pu satisfaire à tous les standards en matière de démocratie et
d’organisation de scrutin.
Devant cette manière de chercher à
vilipender le Sénégal, nous avions été obligé de rétorquer, dans une
chronique en date du 19 octobre 2020, que le Sénégal est une «si douce
dictature». En outre, quel procès n’avait-on pas fait au fichier
électoral et au processus électoral ? Devant les polémiques et autres
dénonciations d’un fichier «corrompu, truqué, noyauté et infesté de faux
électeurs», une mission d’audit international avait été effectuée sur
financement notamment de l’Union européenne. Les élections locales, qui
étaient initialement prévues en mai 2019, avaient été reportées pour
laisser le temps à un audit exhaustif du fichier électoral et
d’organiser des concertations politiques pour amener les différents
acteurs politiques à se mettre en accord autour des règles électorales.
Les conclusions de l’audit étaient sans ambages, que le «fichier
électoral est cohérent, transparent et sincère». En dépit de telles
conclusions, les responsables de l’opposition continuaient à dénigrer le
fichier électoral. Mais le dimanche 23 janvier 2022, c’est le même
fichier électoral qui a permis à cette opposition de gagner à Dakar,
Ziguinchor, Bignona, Thiès ou Touba, là où elle avait remporté les
suffrages en 2019. On ose espérer que si d’aventure l’opposition perd
une nouvelle élection, elle aura du scrupule pour mettre en cause le
fichier électoral, les juges, la Cena ou les médias !