Sonko-Trump : similaires dans l’opposition, pareils au pouvoir
Le
pouvoir de Sonko et celui de Trump arrivent presque en même temps à des
dates symboliques. Du côté des Etats-Unis, on parle beaucoup des 100
premiers jours de la gouvernance de Donald Trump, investi le 20 janvier
dernier. Au Sénégal, c’est l’an 1 de l’arrivée au pouvoir de Pastef,
autrement la première année de la gestion du tandem Diomaye-Sonko, avec
un pouvoir incarné à l’interne par le Premier ministre Ousmane Sonko et à
l’extérieur par le président Bassirou Diomaye Faye.
En
principe, tout devait opposer ces deux régimes : l’un est à la tête de
la première puissance au monde, avec un vaste territoire regroupant 50
Etats, une domination militaire, numérique, médiatique, culturelle…
l’autre dirige un minuscule pays quasi inexistant au concert des nations
et parmi les plus pauvres au monde avec une dépendance presque à 100%
sur tous les plans.
Pourtant,
les deux nouveaux pouvoirs présentent de fortes similitudes avec deux
gouvernements qui se veulent chacun souverainiste. L’un contre la France
principalement, puis le Fmi et les multinationales ; l’autre contre la
Chine d’abord, mais aussi ses alliés américains et européens.
Au
Sénégal, l’arrivée de Pastef a eu son impact dans la fonction publique
et parapublique. Depuis l’installation des nouvelles autorités, les
licenciements se multiplient dans les ministères et les sociétés et
agences de l’Etat. Des départs forcés que les tenants du régime
expliquent par un trop plein d’employés avec parfois des recrutements de
dernière minute considérés comme du sabotage. Des centaines de
travailleurs du public sont déjà en chômage, d’autres sont menacés.
Aux
Etats-Unis aussi, Trump s’est attaqué à la fonction publique. Il
suspend les activités de l’Usaid, l’agence de coopération
internationale, pendant 90 jours. Le personnel est licencié ou en congés
forcés. Près de 10 000 personnes sont concernées. Le président
américain a également signé un décret pour démanteler le ministère de
l’Education. Presque la moitié du personnel de ce département sera
licencié, soit 1 300 employés. Selon Ouest France, près de 100 000
postes de fonctionnaires ont été supprimés depuis janvier aux
Etats-Unis.
Au
Sénégal, la purge ne fait que commencer. Car à côté de ce qui est déjà
fait, il y a la principale cible pas encore touchée : les agences
d’exécution de l’Etat. Pas plus tard que lors des deux derniers conseils
des ministres, le président Diomaye Faye a appelé « à la cohérence des
interventions et à la mutualisation des moyens » de plusieurs agences.
Le premier ministre Ousmane Sonko s’est fait plus clair à ce sujet.
Devant les députés le 21 février, il annonce, d’ici juin, la fusion de
certaines agences et la suppression d’autres « dont les missions peuvent
être efficacement prises en charge par des Directions centrales ou
d’autres Administrations non personnalisées de l’Etat ».
Sonko annonce également la baisse des salaires des fonctionnaires dont la mensualité dépasse 5 millions.
Des
deux côtés de l’atlantique, on explique les mesures par la nécessité de
réduire les dépenses publiques, une bonne partie étant jugée inutile ou
inefficace.
Du
côté des médias, le gouvernement de Sonko a pris une batterie de
mesures assimilables à des sanctions. Les contrats ont été résiliés,
l’aide à la presse suspendue, l’effacement fiscal remis en cause et la
presse sommée de payer ses impôts sous peine d’arrêt de diffusion. Le
palais récompense en même temps les médias qui lui étaient favorables
alors qu’il était dans l’opposition. C’est le cas de Sanslimites qui a
déjà participé à une interview avec le chef de l’Etat tout en étant
convié aux déplacements à l’extérieur du président. Une partie de son
personnel est aussi recrutée à la Rts.
Aux
Etats-Unis, Trump n’a pas eu besoin de toutes ces mesures, il a
simplement décidé d’arrêter les médias publics Voice of America et Radio
Free Europe/Radio Liberty. A la maison blanche, les correspondants de
l’Agence de presse AP sont exclus des échanges avec le chef de l’Etat.
L’accès à la maison blanche et à l’avion présidentiel leur est refusé,
parce que le média a indiqué qu’il compte conserver l’appellation Golf
du Mexique à la place de ‘’Golf d’Amérique’’, comme le veut Trump.
Pendant ce temps, « l’accès au bureau Ovale a été ouvert à des
influenceurs, des podcasteurs et des figures du monde MAGA », constate
Le Monde.
Sonko
comme Trump s’illustrent par des attaques contre les médias, d’abord en
tant qu’opposant, puis au pouvoir. Trump a toujours qualifié les médias
traditionnels de véhiculer des fake-news. Jeudi dernier, il a accusé
l’Associated Press d’être une « organisation de gauche radicale ».
Ousmane
Sonko opposant a toujours considéré la presse classique comme étant à
la solde de Macky Sall. Une fois au pouvoir, il n’a pas changé
d’attitude. Il multiplie des sorties contre les patrons de presse.
Aujourd’hui, ce sont les chroniqueurs qui sont dans le viseur de Pastef.
Le dernier cas en date est la sortie, vendredi, de Badara Gadiaga,
chroniqueur à la Tfm.
Sonko
comme Trump considèrent les médias traditionnels comme des ‘’ennemis du
peuple’’. C’est pourquoi d’ailleurs ils se sont tout temps appuyés sur
les réseaux sociaux. Tous les deux sont aujourd’hui accusés d’atteinte à
la liberté de la presse.
Pourtant,
une fois au pouvoir, Sonko et Trump parlent à la presse classique,
malgré les critiques. La Rts est devenue la maison de Pastef et, quoi
qu’on dise, les patriotes occupent les plateaux des télévisions privées
surtout lors des grands rendez-vous. Trump a aussi accordé des
interviews à des journalistes dont la majorité vient de la presse
classique. Ses partisans occupent également l’espace médiatique.
Autre
élément de ressemblance, la guerre économique. Opposant, tous les deux
avaient promis de mener la bataille pour le profit. Sonko avait promis
de renégocier les contrats pétroliers, il avait promis la sortie du
franc CFA, à défaut d’y exclure la France. Trump avait promis de mettre
fin aux accords commerciaux en défaveur des Etats-Unis. Pour l’instant,
c’est plutôt le président-milliardaire qui tient sa promesse avec ses
droits de douane à tout va. Au Sénégal, certes le régime de Pastef a mis
fin aux accords de pêche avec l’Union européenne, mais on attend encore
les renégociations et une décision sur le franc Cfa. L’attitude face au
Fmi est aussi sujette à interrogation.
Dans
le domaine de la Justice, Trump a, dès son premier jour de mandat,
signé un décret de libération de ses partisans en prison pour avoir
envahi le capitole. Lundi dernier, 17 mars, il a affirmé sur son réseau
social que « les ‘’grâces’’ que Joe Biden l’endormi a accordées à la
commission non-élue de voyous politiques, et à bien d’autres, sont
nulles, non avenues et sans effet ».
Au
même moment, Pastef, à travers son député Amadou Ba, propose
l’abrogation de la loi d’amnistie votée par le régime de Macky Sall
avant son départ du pouvoir pour mettre à la place une loi
interprétative. Une façon d’épargner les militants de Pastef tout en se
donnant la possibilité de poursuivre les dignitaires de l’ancien régime
et leurs complices. Ainsi, à Dakar comme à Washington, on cherche à
protéger les siens et à poursuivre en justice ses adversaires. En toile
de fond, l’accusation des deux côtés contre les anciens présidents
d’avoir mis le pays en ruine avant le départ du pouvoir.
Pourtant,
dans l’opposition, Trump et Sonko, visés par de nombreux dossiers
judiciaires, ont toujours crié à l’acharnement et à l’utilisation de la
justice pour éliminer un adversaire de taille. Chacun des deux a fait
parler sa capacité de mobilisation en tant qu’opposant. Mais
aujourd’hui, le vent a changé de direction.