Signature de Sonko usurpée : avant l’affaire Khardiata Tandian, l’incroyable histoire du voyage en Libye
Lorsque
vous recevez un document censé provenir de la Primature, mieux vaut
procéder à toutes les vérifications d’authenticité possibles avant de
donner suite. C’est que deux grosses affaires d’usurpation de la
signature du Premier ministre, Ousmane Sonko, ont fait l’actualité
depuis que ce dernier est en poste. La première remonte à août 2024.
Les
services de renseignements interceptent une lettre recommandée
attribuée au chef du gouvernement, avec cachet et signature. Grâce à ce
document, les nommés S. Mbaye, S. Sy (une dame), El M. Diallo et M. A.
Bamanka sont reçus par le ministre des Affaires étrangères de la Libye.
Le
groupe devait initialement rencontrer le Premier ministre libyen. Mais
en raison de son agenda chargé, il avait demandé au chef de la
diplomatie de son pays de recevoir la délégation sénégalaise. Au menu
des échanges : des projets de développement au Sénégal et le
panafricanisme, cher à Sonko.
Mais
«après vérification auprès des services de la Primature [sénégalaise],
il a été révélé que la lettre n’émanait pas d’eux», révèle Libération,
qui revient sur cette affaire. Le ministère de l’Intérieur actionne la
DIC, qui alerte immédiatement à son tour le commissariat spécial de
l’AIBD pour une interpellation des mis en cause dès leur retour au pays.
Le tuyau de Fany, l’entregent de Bamanka
S.
Mbaye et S. Sy tombent en premier. Ils sont interceptés au moment
d’accomplir les formalités à leur arrivée à l’aéroport par vol Tunis
Air, le 23 août. Conduits dans les locaux de la DIC, ils sont soumis à
un interrogatoire. Se présentant en militant de Pastef, le premier
reconnaît avoir effectué le fameux voyage grâce à S. Sy qui,
affirme-t-il, aurait tout organisé. Il jure cependant tout ignorer de la
fausse lettre de la Primature.
Selon
Libération, la deuxième mise en cause se dit elle aussi Patriote. «Elle
explique qu’une de ses connaissances de nom de Fany, résidant en
Belgique, l’avait contactée un jour pour l’informer que le Premier
ministre libyen cherchait à collaborer avec le gouvernement sénégalais.
Sautant sur l’occasion, elle en avait parlé à son ami nigérian M. A.
Bamanka, lequel était chargé d’organiser le voyage», relate le journal.
La
même source indique que S. Sy déclarera que Bamanka s’était occupé de
toutes les démarches d’obtention du visa et avait rejoint la délégation à
Dakar, le 17 août, avant le départ pour la Libye. La suspecte ajoutera
avoir appris l’existence de la lettre incriminée une fois en terre
libyenne, en attribuant la paternité de celle-ci au Nigérian, qui lui
aurait confessé «que c’est grâce à cette fausse lettre qu’il a obtenu
l’audience».
Quid
de Bamanka et de El M. Diallo ? S. Sy a déclaré devant les policiers,
selon Libération, que le premier était resté en Libye et que le second
avait transité à Paris. Le 24 août, Diallo débarque à l’AIBD par vol
Turkish Airlines. Il est cueilli par la DIC. Lors de son audition,
rapporte Libération, il déclare que S. Sy l’a entraîné dans l’expédition
libyenne en lui faisant croire qu’ils se rendaient dans ce pays au nom
de Ousmane Sonko pour discuter d’opportunités d’affaires entre le
Sénégal et la Libye.
Récemment,
le 3 mars dernier, c’est l’administrateur du Fonds d’appui à
l’investissement des Sénégalais de l’extérieur (FAISE) qui reçoit une
lettre portant une signature attribuée au Premier ministre. Ousmane
Sonko lui demanderait dans la correspondance de nommer Khardiata Tandian
au poste de conseillère spéciale et directrice de l’appui à
l’investissement et aux projets au FAISE. Démasquée, cette dernière sera
cueillie par la DIC (voir l’histoire en cliquant ici). Elle reconnaitra avoir usurpé la signature du chef du gouvernement pour la fausse lettre de recommandation.
Khardiata
Tandian est l’ancienne cheffe du service juridique et partenariat de
l’Agence sénégalaise de promotion des exportations (Asepex). Elle a été
relevée de cette fonction et envoyée en prison pour trafic d’ordres de
mission et de passeports de service. Elle recouvrera la liberté en juin
2023 à la faveur d’un placement sous contrôle judiciaire, mais elle
replongera moins de deux ans plus tard.